La présence militaire française sur le flanc Est de l’Europe est au cœur du 14 Juillet à Paris. Comment va se dérouler cette journée pour les troupes françaises déployées en Roumanie ?

Nous avons prévu de mettre à l'honneur les militaires français déployés en Roumanie au cours de la réception officielle qui aura lieu à la Résidence de France, pour célébrer le 14 Juillet. Nous allons présenter leur mission aux autorités officielles roumaines, aux entreprises et à la communauté française, qui ne les ont pas encore rencontrés.

Seront présents Nicolae Ciuca, le Premier ministre roumain ainsi que la Secrétaire d’Etat chargée du Développement, de la Francophonie et des Partenariats internationaux, Chrysoula Zacharopoulou qui vient à Bucarest pour participer à la plateforme mise en place par la France, l’Allemagne et la Roumanie pour l’aide à la Moldavie.

Par ailleurs, nous aurons une deuxième cérémonie au château de Făgăraș qui se trouve 20 kilomètres du camp de Cincu, où le bataillon français est installé. Ce sera une cérémonie civile et militaire permettant de faire connaître les militaires français aux autorités locales et à la communauté française. La Transylvanie est une région qui a développé de nombreux jumelages avec la France, donc le 14 Juillet sera l’occasion de mettre en valeur ces liens économiques et humains anciens en regard de ce nouvel engagement français.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, la France assure le rôle de « nation cadre » du déploiement de l’Otan en Roumanie. Dans quelle mesure cette présence renforce les liens entre la France et la Roumanie ?

Les relations bilatérales se tissent et se renforcent à l'occasion de cette crise. Ce rapprochement est intervenu dès le 19 janvier quand le Président de la République a évoqué la disponibilité de la France à envoyer des troupes en territoire roumain. Les visites ministérielles se sont multipliées : le ministre des Affaires étrangères a fait le déplacement début février et la ministre des Armées s’y est rendue deux fois. Nos deux ministres, Catherine Colonna et Sébastien Lecornu ont également accompagné le Président de la République, lors de son déplacement à Constanța les 14 et 15 juin.

La Roumanie est un partenaire stratégique, c’est un pays qui marque la frontière extérieure de l'Union européenne et elle possède une frontière directe avec l'Ukraine. Cette proximité nous permet depuis le début du mois de février, d'acheminer de l'aide humanitaire. La Roumanie est également frontalière avec la Moldavie, qui a obtenu le statut de candidat à l’UE au dernier Conseil européen, avec l’Ukraine.

En ce qui concerne la situation sécuritaire, le rôle de l’ambassade est d’évaluer, en permanence, l'état de la menace et de projeter des coopérations de long terme, là où c’est nécessaire. Depuis le début de la crise, nous avons attesté, à la fois par des moyens d'observation mais également par des échanges avec les autorités roumaines, de ce que nous percevions dans la zone de conflit. Nous avons également développé des analyses avec les partenaires roumains sur la dimension européenne puisque pendant la présidence française, nous avons approuvé la boussole stratégique européenne.

Est-ce que le choix d’un focus sur le flanc Est pour le 14 Juillet est important pour sensibiliser les Français sur ce qu’il se passe aujourd'hui dans cette partie du continent ?

Oui, c'est important que les Français comprennent le rôle de cette mission et la posture de dissuasion, de défense du territoire roumain. Les forces françaises qui se sont installées sous le chapeau de l'Otan ont pour objectif de prévenir toute agression du sol européen. C'est pour cela que c'est une mission collective, multinationale, menée avec la Belgique et les Pays-Bas. Il est important que l'on explicite plusieurs questionnements : Pourquoi mener cette mission défensive et non offensive ? Comment elle s’insère dans le bras de fer actuel qui est le nôtre avec la Russie ? Pourquoi les autorités roumaines sont-elles satisfaites que ce soit la France qui accomplisse cette mission ? L'invasion du territoire se déroulant en dehors de toute règle internationale, il revient également à l'Union européenne et à l'Otan de rappeler l’existence de règles dont elles sont garantes. Celle de respect de la souveraineté notamment.

Quels moments particuliers retenez-vous de ces derniers mois ?

Deux moments m’ont réellement marquée au cours de ces six derniers mois. Pour le premier, il s’agit de l’arrivée des soldats français à partir du 26 février, notamment celle du le colonel Vincent Minguet à Constanța, sous la neige, avec ses 500 soldats du 27ᵉ bataillon des chasseurs alpins. C'était un moment très symbolique, très fort. Nous avons vu nos troupes d'élites prendre pied sur le territoire roumain avec cette volonté de défendre ce territoire européen, pourtant bien éloigné de la France. Il y a eu une réactivité française extrême : le colonel Minguet est arrivé le 2 mars et, le 10 mars, le contingent français de la force rapide de l'Otan était opérationnel.

Le deuxième moment est celui de la visite du Président de la République Emmanuel Macron au mois de juin dernier au contingent français déployé sur la base de Constanța. Le Président avait déjà eu de nombreuses rencontres avec le Président roumain Klaus Iohannis et il a toujours considéré que la Roumanie était un partenaire historique et stratégique. Mais ce déplacement était très particulier : Constanța se trouve à 250 kilomètres des positionnements des missiles russes, nous sommes tout près de l'île aux Serpents. Donc c'était courageux et important.