Conserver la supériorité aérienne dans un milieu contesté

[Salon du Bourget 2023 : la 3e dimension au cœur des opérations] Lors de ces 30 dernières années, les forces françaises ont essentiellement été engagées dans des conflits asymétriques où leur supériorité aérienne n’était pas contestée. La haute intensité marque le retour de la lutte pour la maîtrise de l’espace aérien.

Rafale de l’armée de l’Air et de l’Espace © Arnaud CHAMBERLIN / armée de l'Air et de l'Espace

La bataille de Mossoul en octobre 2016, puis celle de Raqqa en juin 2017 : deux exemples illustrant le rôle essentiel de la puissance aérienne. En effet, à partir des renseignements livrés aux forces irakiennes et syriennes et des frappes aériennes de la Coalition, l’armement lourd de Daesh est anéanti. Depuis une trentaine d’années, de nombreuses opérations similaires à celles-ci ont été menées par les armées occidentales sans donner lieu à contestation de la part de leurs adversaires. Mais aujourd’hui, la liberté d’action dans la troisième dimension doit tenir compte des spécificités d’un conflit de haute intensité, et donc d’une symétrie de capacités entre les forces aériennes déployées.

Dans un conflit de haute intensité, détenir la supériorité aérienne, c’est jouir d’une liberté d’action dans le milieu aérien et, dans le même temps, être en capacité de dénier celle-ci à son adversaire[1]. Cet avantage va ensuite permettre de paralyser les systèmes de commandement, de désorganiser les structures logistiques et de réduire les capacités des forces adverses.

Dans le cadre du conflit ukrainien, la compétition pour la supériorité aérienne est féroce, même si elle est moins visible que celle se déroulant dans les autres milieux. « Si cette guerre s’enlise, c’est notamment parce qu’aucun des deux belligérants ne parvient à obtenir la supériorité aérienne. Ce serait, à mon sens, une grave erreur de considérer que ce milieu de conflictualité est devenu obsolète ou secondaire », explique le général de division aérienne Vincent Breton[2].

Avec le retour des logiques de puissance, entamées depuis la décennie 2010, la liberté d’action dans l’espace aérien est désormais de plus en plus contestée. Au cours de cette dernière décennie, des pays comme la Chine et la Russie ont investi dans la recherche et le développement, et ils mettent ainsi en place des moyens innovants de déni d’accès. Le déni d’accès consiste à disposer d’un système de défense complet (missiles balistiques, radars…) afin de limiter, de dissuader, voire d’empêcher une opération de projection de la puissance adverse[3].

Dans ce contexte, l’important pour la France consiste à tenir ses postures de sûreté aérienne et de dissuasion nucléaire.

Tenir la posture de sûreté aérienne

Confiée au Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), la posture permanente de sûreté Air assure la sécurité du territoire national et du trafic aérien selon trois principes : détecter, identifier et intervenir lorsqu’une situation anormale se présente dans le ciel national. Afin de faire face à un environnement de plus en plus complexe, la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 prévoit de renforcer la mission de police du ciel. Elle sera désormais étendue à la lutte antidrone et à la très haute altitude.

La maîtrise de l’espace aérien permet également de conduire des missions ISR (pour intelligence, surveillance et reconnaissance). C’est pourquoi, entre 2024 et 2030, cinq milliards d’euros seront consacrés au renseignement et à la contre-ingérence. L’armée de l’Air et de l’Espace sera notamment équipée de trois avions de renseignement à charge utile de nouvelle génération (Archange) Falcon 8X, conçus par Dassault Aviation et équipés d’une capacité universelle de guerre électronique développée par Thales.

Tenir la posture de dissuasion nucléaire

La dissuasion nucléaire est la clé de voûte de la stratégie de défense de la France. Les forces aériennes stratégiques de l’armée de l’Air et de l’Espace mettent en œuvre la composante nucléaire aéroportée en permanence depuis 1964. Elle est composée du Rafale B, de l’avion ravitailleur MRTT (Multi Role Tanker Transport) et du missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMPA). L’armée de l’Air et de l’Espace se prémunit face aux menaces de potentiels compétiteurs en travaillant sur une version rénovée du missile ASMPA, le missile ASMPA-R. Ce dernier entrera en service dans le cadre de la prochaine LPM et son successeur, l’air-sol nucléaire de quatrième génération, est en préparation. L’entraînement régulier des forces aériennes stratégiques est observé par les concurrents potentiels via des satellites, et il témoigne ainsi de l’aptitude française à assurer en permanence sa mission de dissuasion nucléaire.

Le Scaf pour contrer l’évolution des menaces

Enfin, le lancement du Système de combat aérien du futur (Scaf) à Madrid, le 28 avril 2023, est l’une des réponses apportées par l’armée de l’Air et de l’Espace et la Direction générale de l’armement à ces nouvelles menaces. Son objectif : multiplier les capacités de surveillance et de frappe d’un avion de combat connecté à une armée de drones. Mais également utiliser l’intelligence artificielle afin d’aider le pilote à comprendre une situation le plus rapidement possible et à agir avant son adversaire. Enfin, pour contrer la prolifération de technologies antiaériennes, les armées françaises se penchent sur l’utilisation du laser comme armement, mais aussi comme système de communication entre les avions car celui-ci ne peut être ni intercepté ni détecté.

« La supériorité aérienne n’est pas une fin en soi, elle n’empêche pas les combats au sol, c’est une condition qui permet de faciliter la liberté de manœuvre des moyens terrestres, maritimes et aériens. Son effet dissuasif envers les adversaires permet de gagner la guerre avant la guerre »

Général de corps d’armée Philippe Morales, commandant du CDAOA

[1] Steininger Philippe. Les Fondamentaux de la puissance aérienne moderne, éditions L’Harmattan, 2 novembre 2020.

[2] Général de division aérienne Vincent Breton, directeur du Centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations, lors du colloque du 16 février 2023 « Guerre en Ukraine : un an après, quelles leçons ? »

[3] Penser les ailes françaises, n° 38, 2019, Centre études, rayonnement et partenariats de l’armée de l’Air et de l’Espace

Salon du Bourget 2023 : le dossier

Le Salon international de l’aéronautique et de l’espace 2023 se tient au parc des expositions de Paris - Le Bourget du 19 au 25 juin. Retrouvez ici tous nos décryptages pour mieux comprendre les enjeux de la lutte pour la maîtrise des espaces aérien et spatial.

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