Alerte Alpha Scramble : quand la « police du ciel » intervient en moins de dix minutes

[Salon du Bourget 2023 : la 3e dimension au cœur des opérations] Dans un environnement de plus en plus complexe où il faut agir vite, les aviateurs de l’armée de l’Air et de l’Espace doivent intervenir, si besoin, sous très faible préavis dans le cadre de la permanence opérationnelle. Interview du commandant Vincent, pilote de Rafale à Mont-de-Marsan.

Le commandant Vincent, pilote de Rafale à Mont-de-Marsan © Cellule communication BA 118

Confiée au Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), la permanence opérationnelle est un dispositif en alerte 24h/24 et 7J/7. Des missions de « police du ciel » et d’assistance sont effectuées dans ce cadre. En 2022, 331 interventions ont été effectuées par 190 avions de chasse et 141 hélicoptères. Le commandant Vincent, chef des opérations de l’escadron de chasse 3/30 Lorraine et pilote de chasse sur Rafale monoplace, sur la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan, nous présente cette mission qu’il effectue régulièrement dans le cadre de la permanence opérationnelle.

Comment vos astreintes dans le cadre de la permanence opérationnelle se déroulent-t-elles ?

Les pilotes et mécaniciens prenant part à la composante chasse de la permanence opérationnelle sont d’astreinte pour une semaine. Cette permanence est assurée à tour de rôle par plusieurs bases aériennes. Elle est composée de deux aéronefs, en l’occurrence des Rafale monoplace à Mont-de-Marsan. Ce dispositif peut être augmenté en fonction du contexte stratégique. L’équipage est constitué de deux pilotes et cinq mécaniciens. Un pilote est toujours équipé de sa combinaison de vol et de son pantalon anti G afin d’être prêt à partir dans les plus brefs délais.

L’alerte Alpha scramble est souvent évoquée. Est-elle la seule alerte existante ?

Deux types d’alertes amenant à un décollage peuvent être déclenchées pendant la permanence opérationnelle : tout d’abord, les alertes réelles, appelées en effet Alpha scramble, pour des missions d’assistance et de police de ciel. Nous pouvons alors par exemple intervenir auprès d’un avion de ligne ou d’un avion d’aéro-club rencontrant des problèmes de contact radio, de navigation ou une panne. A l’autre bout du spectre, il peut aussi s’agir d’intercepter un aéronef d’une nation étrangère en train de violer notre espace aérien. Ensuite, les alertes quotidiennes dites « Tango scramble » pendant lesquelles nous nous entraînons avec les contrôleurs aériens à dérouler toutes les procédures utilisables dans un cas réel.

Que se passe-t-il une fois que l’alerte Alpha scramble est déclenchée ?

L’alerte est déclenchée par le Centre national des opérations aériennes (CNOA) pour lequel nous sommes, les yeux, les oreilles et le bras armé. Une sirène retentit alors dans notre bâtiment, tandis qu’une lumière déterminant le niveau de risque de la mission vaut pour ordre de décollage. A ce moment, nous ne savons rien de la mission à venir. Nous devons simplement nous diriger le plus rapidement possible vers l’avion, afin de décoller en moins de dix minutes.

Pendant la mise en route de l’avion, la tour de contrôle nous informe sur notre mission et sur la direction que nous devons prendre. Après le décollage, le contact radio est transféré vers le centre de détection de contrôle (CDC) Marina basé à Mont-de-Marsan.  Les contrôleurs de défense aérienne en charge de la surveillance de l’espace aérien national vont alors nous guider vers la zone d’interception.

En moyenne, un vol dure entre une heure et une heure trente.

Quelle est la procédure pour intercepter un aéronef ?

Dans un premier temps, notre objectif consiste à identifier l’aéronef intercepté (son type, son immatriculation, ses particularités…). Ensuite, nous pouvons être amené à l’interroger par radio pour lui signaler qu’il survole une zone interdite par exemple (centrale nucléaire, zone militaire…) ou pour comprendre la nature de ses problèmes. Si l’aéronef n’est plus capable d’émettre, nous pouvons nous approcher afin d’établir un contact visuel avec le pilote, jusqu’à lui demander potentiellement de nous suivre vers une piste d’atterrissage adéquate. S’approcher d’un avion de ligne à  quelques mètres tout en maintenant un haut niveau de sécurité fait partie de notre entrainement quotidien.

En cas d’aéronef ennemi, que se passe-t-il ?

Si l’aéronef ennemi ne coopère pas après avoir établi le contact, nous pouvons être amené, avec l’ordre du CNOA, à effectuer des tirs de semonce, jusqu’à des tirs de destruction en cas d’agression. Dans cette optique, outre leurs canons, les avions de la permanence opérationnelle sont armés de missiles d'interception, de combat et d'auto-défense (MICA).

Vous étiez présent en Lituanie il y a quelques mois dans le cadre de la Force de réaction rapide de l’Otan. Quelles sont les différences entre la permanence opérationnelle menée sur le territoire national et celle menée dans ce cadre ?

Cette permanence opérationnelle est également composée de deux avions en alerte, avec un volume de pilotes et de mécaniciens similaire à la permanence opérationnelle nationale. Une journée se déroule de la même manière qu’en France. Et les procédures sont relativement similaires dans le déroulé de la mission. A la différence de la permanence française, un décollage sur alerte s’effectue toujours à deux avions dans ce cadre.

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Le Salon international de l’aéronautique et de l’espace 2023 se tient au parc des expositions de Paris - Le Bourget du 19 au 25 juin. Retrouvez ici tous nos décryptages pour mieux comprendre les enjeux de la lutte pour la maîtrise des espaces aérien et spatial.

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