Europe de la défense – 1945/1989 : faute d’accord sur la défense, l’émergence d’une solidarité économique

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 09 mai 2022

Série histoire Europe de la défense (1/4)

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les nations d’Europe occidentale s’accordent sur la nécessité de nouer de solides alliances, allant jusqu’à s’engager dans une dynamique d’union. Ce rapprochement est alors motivé par une double ambition : Empêcher le retour de la guerre entre la France et l’Allemagne et se protéger de la menace soviétique. 

Vsuel dossier Europe-de la défense - épisode 1 © Ministère des Armées

Le projet de défense européenne apparait dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans un monde bipolaire, marqué par une rivalité profonde et permanente entre les blocs américain et soviétique.

Coincée entre ces deux géants, l’Europe est divisée par une frontière fortifiée, qualifiée de rideau de fer par Winston Churchill, dans son célèbre discours prononcé devant les étudiants de Fulton dans le Missouri. 

«De Stettin sur la Baltique à Trieste sur l'Adriatique, un rideau de fer s'est abattu sur le continent.» Winston Churchill

Les États d’Europe de l’Ouest ont accepté le plan Marshall du Président Harry Truman pour financer leur reconstruction et rejoignent de facto la sphère d’influence des États-Unis, tandis que, en Europe centrale et orientale, l’URSS contrôle les pays libérés par l’Armée rouge, où des régimes communistes soutenus par Moscou ont pris le pouvoir.

À la frontière des deux blocs, l’Allemagne est divisée en quatre zones (soviétique, américaine, britannique et française) et devient le nouveau front d’un conflit qui va rythmer l’histoire du monde pendant plus de 40 ans : la guerre froide.

Face à la menace militaire que représente l’armée de Staline postée à leurs frontières, les pays d’Europe occidentale veulent s’assurer de la protection américaine. La solidité de leur alliance doit convaincre le Président Harry Truman de participer à l’édification de la sécurité européenne.

Le 17 mars 1948, la France, le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg signent le traité de Bruxelles, qui prévoit une organisation de défense mutuelle en cas de conflit.

Ces cinq pays, originaires d’un continent marqué par des siècles de conflits intérieurs mais sorti épuisé des horreurs de la seconde guerre mondiale, décident de s’engager dans la voie d’une solidarité inconditionnelle.

La menace soviétique

Trois mois plus tard, le 24 juin 1948, l’instauration du blocus de Berlin plonge le monde dans la peur d’une nouvelle guerre mondiale venue d’Allemagne et finit de convaincre le Président américain de s’engager auprès des Européens de l’Ouest.

Staline n’a jamais accepté que la capitale allemande soit divisée en quatre zones, comme le reste du pays. Pour forcer le départ des occidentaux, il ordonne le blocage des voies d’approvisionnement entre Berlin-Ouest et l’Allemagne de l’Ouest.

La volonté de contourner le siège sans déclencher de conflit militaire oblige le Président Truman à mettre en place un gigantesque pont aérien. Pendant 11 mois, plus de 200 000 vols permettent de ravitailler Berlin-Ouest et finalement de mettre en échec le plan de Staline.

Cette première crise majeure dans l’histoire de la guerre froide justifie la création de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) en avril 1949. Les pays signataires de l’Otan se placent sous protection militaire américaine face à la menace soviétique.

La nécessité d’une structure militaire transatlantique permanente se confirme quelques mois plus tard, quand la guerre de Corée plonge le monde dans une nouvelle crise majeure et menace de transformer la guerre froide en guerre chaude.

4 avril 1949 - Signature du Traité de l'Atlantique Nord, Washington, DC, États-Unis d'Amérique © archives.nato.int

La peur d’une troisième guerre mondiale

Tout comme l’Allemagne, la péninsule coréenne est sortie divisée de la Seconde Guerre mondiale. Après la reddition du Japon en septembre 1945, les États-Unis et l’Union soviétique se sont partagé l’occupation du pays de part et d’autre du 38e parallèle avec, au sud de cette ligne, des forces américaines d’occupation et, au nord, des forces soviétiques.

Le 25 juin 1950, 135 000 soldats nord-coréens, équipés par les Soviétiques, franchissent la frontière sud du pays pour réunir les deux territoires par la force. L’offensive prend par surprise les États-Unis et leurs alliés, qui doivent mobiliser plus de 381 000 soldats sous le drapeau des Nations unies, pour tenter de rétablir leur position.

Pour les pays membres de l’Otan, le coup de force de Staline laisse présager une opération de même nature contre la toute jeune Allemagne de l’Ouest. Un vent de panique traverse les chancelleries européennes, conscientes que la France et le Royaume-Uni ne seraient pas en mesure de résister à une offensive soviétique. D’autant que, à la même époque, la guerre d’Indochine mobilise une bonne partie des troupes françaises.

Guerre de Corée : le réarmement de l’Allemagne comme solution

Pour les États-Unis, la solution est évidente : il faut réarmer l’Allemagne de l’Ouest, située en première ligne en cas de conflit. Mais pour le reste de l’Europe occidentale et surtout pour la France, le choix est cornélien : la menace soviétique impose une décision forte, mais le réarmement de l’Allemagne, alors que le traumatisme des deux guerres mondiales et de ses millions de morts est encore dans toutes les mémoires, apparaît comme un véritable cauchemar.

Pour surmonter cet obstacle, la France propose la constitution d’une armée européenne, dirigée par un ministre de la Défense européen et placé sous commandement suprême de l’Otan. L’Allemagne pourrait être réarmée, mais avec des divisions diluées dans une structure européenne.

La proposition est portée par Robert Schuman, alors ministre français des Affaires étrangères. L’homme est déjà à l’origine du plan de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) qui instaure un premier marché commun à l’échelle du continent. Le projet de Communauté européenne de défense (CED) est alors présenté comme la transposition militaire d’un « fédéralisme partiel » déjà en vigueur dans le domaine industriel.

La proposition de Robert Schuman provoque des négociations interminables entre les pays concernés. Mais après des mois de tractations acharnées, six pays signent le traité de Communauté européenne de défense le 27 mai 1952 à Paris. L’événement est historique, même si l’accord doit encore être ratifié par les différents parlements avant d’entrer en vigueur.

18 avril 1951 - Signature du traité de Paris par Robert Schuman © Communautés européennes, 1951 - EC - Service audiovisuel – ID : P-002720/00-7

Le rejet de la Communauté européenne de défense

La France s’engage alors dans un débat comme elle n’en avait plus connu depuis l’affaire Dreyfus. Les opposants à la CED, emmenés par le général de Gaulle et les communistes, dénoncent une atteinte inacceptable à la souveraineté de la France. Face à eux, les partisans de l’union mettent en avant la nécessité d’une Europe animée par une solidarité nouvelle face à la menace soviétique.

Le temps de la ratification est fatal au projet de Communauté européenne de défense, dans le sens où cette période est marquée par une série d’événements qui bouleversent totalement la dynamique de la guerre froide.

Au cours de l’année 1953, Staline meurt et Nikita Khrouchtchev lui succède à la tête de l’URSS. Dwight Eisenhower est élu à la présidence des États-Unis après qu’Harry Truman a achevé son deuxième mandat. Un armistice est signé en Corée. Enfin, quelques mois plus tard, le 7 mai 1954, la défaite française à Dien Bien Phu met fin à la guerre d’Indochine.

Quand le projet de CED est présenté au Parlement français, le 30 août 1954, la menace venue de l’est s’est considérablement réduite. Une évolution du contexte stratégique qui amène les députés à rejeter le texte.

La naissance de la construction européenne se fait donc sans la défense mais à travers l’économie, en poursuivant une dynamique instaurée par la mise en commun des ressources en charbon et en acier. Pendant 35 ans, l’OTAN assurera la sécurité des Européens alors que la construction d’une communauté d’États européens s’organisera essentiellement autour du développement économique du continent.

Cet équilibre tiendra jusqu’au 9 novembre 1989, quand la chute du mur de Berlin sonnera officiellement la fin de la guerre froide et replacera la nécessité d’une Europe de la défense en tête des priorités.

L’histoire de l’Europe de la défense

Pendant le mois de l’Europe, le ministère retrace l’histoire de l’Europe de la défense. A travers une web-série en quatre épisodes, de 1945 à aujourd’hui, découvrez comment s’est construite, au fil des années, notre défense européenne.

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