Fin de l’opération Barkhane, dissuasion nucléaire, conflit de haute intensité… A bord du porte-hélicoptères amphibie Dixmude, le Président de la République a présenté ce 9 novembre à Toulon, pendant près d’une heure, les objectifs de la nouvelle Revue nationale stratégique. Selon lui, cette dernière doit permettre à la France de s’imposer comme une « puissance d’équilibre sur la scène internationale » d’ici à 2030 mais également d’être « indépendante, respectée, agile et une puissance au cœur de l'autonomie stratégique européenne ».

Cette nouvelle Revue nationale stratégique était également l’occasion pour le chef de l’Etat d’énumérer les « défis du futur » auxquels la France doit répondre : « Le risque de guerre de haute intensité entre Etats, les tensions croissantes en Asie, l'usage général des drones, la banalisation des missiles dont on voit les premiers effets, en Arabie, aux Emirats ou à Kiev, l'abaissement du seuil du cyber, les technologies de rupture, le quantique, l’intelligence artificielle et l'hyper vélocité. » 

Guerre en Ukraine : « De plus vastes rivalités géopolitiques »

Sur fond de guerre en Ukraine, « la période n’est pas au calme, mais au gros temps ». Le Président de la République déplore notamment que l’agression russe « risque de préfigurer de plus vastes rivalités géopolitiques à l’avenir, que nous n'avons nulle raison d'accepter avec fatalisme, et que nous n'entendons pas subir avec passivité ». « Certains des défis d'aujourd'hui seront durablement avec nous. Quand la paix reviendra en Ukraine, il nous faudra en tirer toutes les conséquences, c'est-à-dire bâtir une architecture de sécurité nouvelle et un cadre rénové de stabilité et de contrôle des armements, où l'Europe sera autour de la table », ajoute-t-il.

Face à ce retour du conflit de haute intensité, Emmanuel Macron compte bien « tenir tête aux menaces hybrides ». « C'est un véritable réarmement de la Nation que nous avons décidé il y a cinq ans et c'est une satisfaction particulière pour moi de vous le dire aujourd'hui. Ces engagements ont été tenus (…) C'était une réparation nécessaire, mais il nous faut maintenant bâtir l'avenir », affirme-t-il.

La dissuasion nucléaire, « dorsale de notre sécurité »

Alors que la France est le seul pays de l’Union européenne doté de l’arme nucléaire, le Président de la République l’a qualifiée de « dorsale de notre sécurité crédible, moderne, dimensionnée dans le cadre d'une stricte suffisance. (…) Elle nous prémunit de toute agression d'origine étatique contre nos intérêts vitaux ». « Nos forces nucléaires contribuent donc, par leur existence propre, à la sécurité de la France et de l'Europe », note Emmanuel Macron.

Renforcement des partenariats européens

Concernant l’Europe de la défense, le président Macron précise justement qu’elle doit demeurer « notre ancrage existentiel, notre univers de solidarité prioritaire. Et nous continuerons d'y être à la fois, si je puis m'exprimer ainsi, le rocher et l'aiguillon ». Soulignant que le « renforcement profond de l'Europe de la défense est véritablement un acquis des cinq dernières années », il entend poursuivre cette dynamique en développant nos partenariats avec les différents Etats membres de l’UE. L’occasion de rappeler que l’Allemagne est un « partenaire indispensable avec lequel nous sommes engagés dans des programmes profondément structurants ».

Un sommet de défense avec le Royaume-Uni

Malgré la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, Emmanuel Macron souhaite reprendre « activement le fil de notre dialogue sur les opérations, les capacités, le nucléaire et le domaine hybride, et renouer avec l'ambition qui sied à nos deux pays amis et alliés ». Pour cela, un sommet de défense bilatéral se tiendra au premier trimestre 2023. 

« L’Europe de la défense renforce l’Otan »

Selon le Président de la République, l’ensemble des partenariats européens contribuera « à la force de l'Alliance atlantique qui reste un cadre essentiel pour la sécurité collective. Les circonstances actuelles confortent sa pertinence dans sa vocation euro-atlantique, en particulier à l'heure du pivot américain vers l'Asie. Nous avons su démontrer ces dernières années que l'Europe de la défense renforçait l’Otan, et ne venait pas l’affaiblir. »

Alors que la France est actuellement à la tête de mission Aigle de l’Otan déployée en Roumanie, Emmanuel Macron rappelle que « nous continuerons de jouer un rôle d'allié exemplaire capable d'assurer le rôle de nation-cadre et de contribuer à la réassurance de nos partenaires et si nécessaire à la défense du flanc oriental de l'Europe. Ceci est essentiel pour l'avenir du projet européen ».

Fin officielle de l’opération Barkhane

Après neuf ans de présence au Mali, Emmanuel Macron a annoncé officiellement la fin de l’opération Barkhane : « Notre soutien militaire aux pays africains de la région se poursuivra mais selon les nouveaux principes que nous avons défini avec eux. Il se déclinera à l'échelle de chaque pays selon les besoins qui seront exprimés par nos partenaires, équipements, formation, partenariat opérationnel, accompagnement dans la durée et intimité stratégique. »

Le Président de la République a également révélé que « nous lancerons dans les prochains jours une phase d'échanges avec nos partenaires africains, nos alliés et les organisations régionales pour faire évoluer ensemble le statut, le format et les missions des actuelles bases militaires françaises au Sahel et en Afrique de l'Ouest ». « Cette stratégie sera finalisée d'ici six mois (…) C'est indispensable et c'est l’une des conséquences que nous tirons de ce que nous avons vécu ces dernières années dans toute la région du Sahel », a-t-il ajouté.  L’objectif étant toujours, selon lui, de « répondre aux tensions communautaires, aux vulnérabilités sociales et économiques que tentent d'exploiter les groupes terroristes. »

Economie de guerre

Faisant référence à situation actuelle en Ukraine, le chef de l’Etat souligne que « nous devons faire pivoter notre économie, nous adapter au nouveau contexte, pousser avec notre industrie de défense vers de nouveaux efforts et nous mettre en posture d'économie de guerre ». « Je sais votre mobilisation à tous dans les circonstances exceptionnelles que nous vivons. Mais dans le cas d'un conflit de haute intensité nous concernant directement, cela se jouerait évidemment sur une tout autre échelle. Et c'est une véritable mobilisation industrielle et économique que nous devons avoir », lance-t-il pour inviter l’ensemble de la Nation à se mobiliser « dans une posture de vigilance en cas de crise grave ».

Résilience et force morale

« L’esprit de résilience et de planification doit irriguer nos ministères », affirme le chef de l’État, qui compte sur la réserve, les services civiques, ainsi que sur « notre grand projet de service national universel » afin de lutter contre les « menaces logistiques, énergétiques, environnementales, informationnelles, culturelles et psychologiques (…) Il ne s’agit pas de militariser la société, mais de renforcer l’esprit de résilience, sa force morale, et de faire converger toutes ses forces vives, militaires comme civiles, pour la défense de notre souveraineté ».