À l’occasion du colloque Guerre en Ukraine : un an après, quelles leçons ?, le colonel Guillaume Bourdeloux s’est exprimé sur l’évolution de l’emploi du spatial dans le conflit ukrainien.

Une forte dépendance à l’espace

Cette guerre met en avant la dépendance de nos sociétés à l’espace dans les secteurs civils comme militaires. L’économie, la santé, le tourisme, l’agriculture, la finance, les transports, les moyens de communication… tous ces domaines sont dorénavant conditionnés aux bon fonctionnement des technologies spatiales. Il existe dès lors une dualité, voire « une porosité », de ces technologies par leurs multiples emplois. Elles apportent effectivement mobilité et précision aux militaires, améliorent la coordination des différentes actions ainsi que l’anticipation et le renseignement. De fait, l’espace joue un rôle si important dans la conduite des opérations militaires qu’il serait inconcevable de s’en priver. Cette dépendance est telle que « si on perd la guerre dans l'espace, on la perdra rapidement » atteste le colonel Bourdeloux.

Conscients de cette dépendance, les Russes ont ciblé dès le début du conflit les infrastructures de communication sur le territoire ukrainien. Pour faire face aux destructions, les technologies spatiales se sont révélées déterminantes, permettant aux Ukrainiens de recouvrer leur connectivité et, plus largement, de conduire leurs opérations militaires.

Le rôle primordial des acteurs du New Space

Très rapidement après le déclenchement de la guerre, des entreprises civiles du New Space ont prêté main forte aux Ukrainiens en leur apportant une expertise dans les domaines de la communication et de l’observation. La constellation Starlink, service d’accès à Internet par satellite de la société SpaceX, a ainsi fourni près de 5000 terminaux aux Ukrainiens dès le début du conflit. Aujourd’hui, ce nombre qui atteint la trentaine de milliers. Planet, Maxar Technologies, Capella Space sont autant d’entreprises qui transmettent aux Ukrainiens une multitude de données et de services à des fins civiles et militaires. 

Ces constellations marquent une rupture avec les précédents conflits. Auparavant, l’accès à l’espace était difficile. Seuls quelques satellites très coûteux fournissaient du renseignement stratégique. Au contraire, les constellations sont aujourd’hui peu chers, facilement mises en orbite et issues d’entreprises civiles : « Ces constellations du New Space deviennent de vraies architectures de données et de connectivité. »

Cependant, ces nouvelles technologies disposent d’une surface d’attaque cyber considérable. Elles deviennent de fait de nouvelles cibles potentielles, comme l’illustre le brouillage d’un satellite Starlink en février 2023.