Jean-Loup Chrétien : « Il faut un contrôle militaire dans l’espace »

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 09 février 2023

Premier Français à être allé dans l’espace en 1982, le général de brigade aérienne (2S) Jean-Loup Chrétien a suivi un parcours hors du commun où il a été tour à tour ingénieur, pilote de chasse, puis astronaute. Toujours aussi passionné, il décrypte les enjeux de la conquête spatiale, notamment pour les armées.

Général (2S) Jean-Loup Chrétien, ancien ingénieur, pilote de chasse et astronaute © EV1 Antoine de Longevialle/Ministère des Armées

Dirigeant d’une société du secteur spatial qui collabore avec la NASA, Jean-Loup Chrétien était l’invité d’honneur du séminaire franco-français du Commandement allié pour la transformation (en anglais, ACT) de l’Otan, à Norfolk, en fin d’année 2022. Sujet abordé : la conquête spatiale, notamment ses implications militaires.

Pourquoi l’espace est-il devenu un lieu incontournable, notamment pour les armées ?

L’Homme possède le gène de l’exploration. Tant qu’il en aura les moyens, il continuera à sillonner la troisième dimension pour atteindre les planètes du système solaire. Mais, à partir du moment où ces dernières deviendront accessibles au plus grand nombre, le risque est que cela se fasse de manière désordonnée. Il faut donc un contrôle et une présence militaire au service de l’ensemble de l’Humanité. Notamment pour protéger le reste de nos concitoyens contre des activités excessives pas forcément pacifiques, venant de « pirates de l’espace », par exemple.

Quelles perspectives entrevoyez-vous pour l’espace, à moyen et long termes ?

L’enjeu n’est pas tellement de s’installer ailleurs, car c’est une utopie. Il est en revanche tout à fait possible d’envisager l’exploitation de matières premières dans l’espace. Cela ne dérangerait personne, tout en soulageant notre planète Terre. Face à un milieu inhospitalier, la tendance naturelle de l’être humain a toujours été le rassemblement.

Votre parcours de spationaute/cosmonaute/astronaute est unique. Malgré tout, ne regrettez-vous pas d’être arrivé un peu tôt, au tout début de la conquête spatiale ?

Chaque génération prend ce qui est disponible, et je pense avoir été gâté. J’affirmais déjà en 1961, lors du vol du Russe Youri Gagarine, mon souhait de devenir astronaute. Mes chefs à l’École de l’air ne l’entendaient cependant pas de cette oreille. Ils me répétaient souvent : « Vous serez arrière-grand-père le jour où un Français ira dans l’espace. » J’y suis pourtant allé trois fois. Ces assertions ont donc clairement été démenties (rires).

Votre meilleur souvenir ?

Je garde un excellent souvenir de ma sortie extravéhiculaire en 19881. Je me revois admirer les feux des plates-formes pétrolières qui illuminaient la mer Rouge. Une vision assez féérique. Je garde aussi en mémoire l’arrimage à la station Mir2, quelques années plus tard. L’ouverture des portes est toujours un moment solennel, d’autant plus qu’elle se déroule sous l’œil des caméras de télévision. J’ai pourtant choisi cet instant pour manger des œufs brouillés. Le capitaine de l’équipage d’Atlantis me regarde alors et lance (en anglais) : « Jean-Loup, je ne crois pas que ce soit le moment. » J’étais très gêné, mais cela reste un moment mémorable.

Le Centre d’excellence espace, installé à Toulouse, sera bientôt accrédité par l’Otan. En quoi ce choix symbolise-t-il la reconnaissance du savoir-faire français dans ce domaine ?

Choisir Toulouse est un symbole puissant, car l’aéronautique y est très présente. Le Centre national d’études spatiales et de nombreuses autres entités industrielles sont implantés dans cette ville. Cette zone géographique est la mère nourricière de l’ingénierie spatiale française. Il s’agit donc d’un vrai signal donné à la France.

1 Lors de la mission franco-soviétique Aragatz, il effectue une sortie dans l’espace de 5 heures et 57 minutes depuis la station spatiale soviétique Mir.

2 Le 26 septembre 1997, il décolle de Cap Canaveral à bord de la navette spatiale américaine Atlantis. Destination Mir.

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