Europe de la défense – 1989/2003 : dans un contexte stratégique bouleversé, la nécessité d’une défense commune

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 16 mai 2022

Série histoire Europe de la défense (2/4)

Le 7 février 1992, les 12 États membres de la Communauté économique européenne (CEE) signent le traité de Maastricht. Cette date marque la naissance de l’Union européenne (UE), destinée à devenir un acteur fort, uni et efficace sur la scène internationale. Mais rapidement, un constat s’impose : aucune diplomatie européenne ambitieuse ne pourra être menée sans moyens militaires autonomes.

Visuel dossier Europe-de la défense - épisode 2 © Ministère des Armées

Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin est abattu par une foule pacifique, venue des parties est et ouest de la ville.

Cet événement soudain et inattendu marque le point de départ d’une vague de changements qui va bouleverser l’Europe et aboutir à la réunification de l’Allemagne un an plus tard, puis à la dissolution officielle de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), le 25 décembre 1991.

Le monde assiste à la fin de la Guerre froide et de sa dynamique de bloc qui structurait l’ensemble des relations internationales depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

L’Histoire s’accélère et transforme les réalités militaires les plus enracinées. Pour la première fois de leur longue existence, la France et l’Allemagne ne vivent plus sous la menace d’une armée adverse, postée à proximité immédiate de leurs frontières.

Libérée de l’étreinte de la Guerre froide, les États membres de la Communauté économique européenne (CEE) vont poursuivre leur ambitieux processus d’intégration, dans un contexte stratégique bouleversé.

Depuis l’adoption de l’Acte unique en 1986, la CEE est déjà la plus grande union douanière au monde, où est consacrée la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes.

22/09/1984, à Verdun. H. Kohl et F. Mitterrand incarnent le moteur de la construction européenne © AP

L’émergence d’une politique étrangère et de sécurité commune

Sous l’impulsion du couple franco-allemand, les 12 États membres négocient désormais le traité de Maastricht. Ce texte fondateur de l’Union européenne veut rassembler trois piliers sous un chapeau commun :

  • la Communauté européenne, qui a pour mission d’assurer le bon fonctionnement du marché unique, avec la création d’une monnaie unique comme perspective ;
  • la coopération en matière de politique étrangère et de sécurité commune ;
  • la coopération en matière de justice et d’affaires intérieures.

Ainsi, pour permettre à cette nouvelle Union européenne de jouer un rôle sur la scène internationale, le traité institue une Politique étrangère et de sécurité commune, la PESC.

Les États membres conservent une pleine souveraineté dans le domaine des affaires étrangères, mais ils s’engagent à œuvrer de concert pour une stabilité internationale fondée sur le respect des droits de l’Homme et du droit international.

Fidèle à la « stratégie des petits pas » des pères fondateurs, l’émergence d’une politique étrangère et de défense commune se définit autour d’un compromis.

L’ambition d’une diplomatie européenne est partagée par tous, mais sa dimension militaire est simplement évoquée comme une prochaine étape possible et souhaitable (cf. article J.4) : « La PESC inclut l’ensemble des questions relatives à la sécurité de l’Union européenne, y compris à terme d’une politique de défense commune qui pourrait conduire, le moment venu, à une défense commune. »

Le traité fondateur de l’Union européenne est signé le 7 février 1992 à Maastricht par les 12 États membres de la CEE (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni).

Signature du traité de Maastricht le 7 février 1992 © European Communities

Il entre en vigueur le 1er novembre 1993. Mais le Danemark, après la victoire du « non » au référendum du 2 juin 1992, obtient de ne pas prendre part à l’élaboration et à la mise en œuvre des décisions et des actions de l’Union ayant des implications en matière de défense.

Le traité de Maastricht ouvre la voie à une coopération plus étroite en matière de défense. L’Union européenne reste néanmoins privée des moyens d’action lui permettant d’être considérée comme un acteur crédible face aux crises et aux conflits armés qui éclatent à ses portes depuis la dislocation de l’URSS. Or, si la fin de la Guerre froide a permis de résoudre avec une facilité déconcertante des situations qui semblaient bloquées, elle marque dans le même temps le réveil des nationalismes et des conflits frontaliers.

La Yougoslavie est le théâtre principal de ce retour brutal des conflits gelés. Pendant toute la décennie 1990, la république fédérative socialiste sombre dans une série de conflits ethniques, d’une violence inédite sur le continent européen depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

L’UE issue du traité de Maastricht n’est pas encore dimensionnée pour intervenir sur le plan militaire afin d’obliger les belligérants à cesser le combat. Les apports des États membres au sein de la force de maintien de la paix de l’Organisation des Nations unies (ONU) sont effectués à titre national. Les opérations aériennes sont conduites par l’OTAN sous commandement américain et c’est en définitive la diplomatie américaine qui impose la fin du conflit.

L’impulsion d’une première force militaire européenne par le couple franco-allemand

Conscient dès le départ des limites de la PESC face à l’épreuve de la guerre, le couple franco-allemand veut prendre les devants, en constituant une force militaire capable de mener des missions de maintien de la paix.

Le 22 mai 1992, à l’occasion du 59e sommet franco-allemand de la Rochelle, le Président Mitterrand et le chancelier Kohl créent l’Eurocorps.

Ce premier corps d’armée européen est le résultat d’une initiative conjointe pour doter l’Union européenne d’une capacité militaire propre.

Ainsi, dès sa création, l’Eurocorps est mis à la disposition de la défense commune des alliés, en application de l’article 5 du traité de l’Atlantique nord et du traité de Bruxelles de 1948.

Les deux hommes veulent créer une dynamique qui ne soit pas source de blocage du fait d’un caractère contraignant.

Mais l’initiative franco-allemande ne répond que partiellement aux difficultés des Européens à régler un conflit à leurs frontières sans l’aide américaine.

À la fin des années 1990, un même constat s’impose de sommet en sommet : l’UE ne sera jamais en mesure de jouer tout son rôle sur la scène internationale tant qu’elle n’aura pas développé des moyens militaires autonomes.

Saint-Malo : acte de naissance d’une vision moderne de l’Europe de la défense

Un revirement inattendu s’opère lors du sommet franco-britannique de Saint-Malo des 3 et 4 décembre 1998. Le Royaume-Uni accepte désormais que l’Union européenne se dote de capacités militaires autonomes, ce qu’il avait refusé jusque-là pour éviter toute duplication avec l’OTAN. Le Président Chirac et le Premier ministre Blair publient une déclaration qui surprend par son ambition, au point que ces deux jours resteront dans l’Histoire comme l’acte de naissance d’une vision moderne de l’Europe de la défense.

« L’Europe a besoin de forces armées renforcées, capables de faire face rapidement aux nouveaux risques en s’appuyant sur une base industrielle et technologique de défense compétitive et forte. » Déclaration franco-britannique sur la défense européenne à Saint-Malo, le 4 décembre 1998.

Le processus s’accélère. Quelques jours plus tard au sommet de Vienne, la décision est prise de prolonger la PESC par une Politique européenne de sécurité et de défense commune, la PESD.

À partir de cette date, les États membres de l’UE vont s’attacher à doter la PESD des outils institutionnels nécessaires :

  • le poste de Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, qui sera occupé dans un premier temps par Javier Solana ;
  • le Comité politique et de sécurité, chargé de la direction stratégique des opérations de gestion de crise ;
  • le comité militaire de l’UE, composé des chefs d’état-major des États membres ;
  • l’État-major de l’UE, qui fournit une expertise et un soutien militaire ;
  • le Centre de situation, qui assume une fonction de suivi des crises.

En 2001, au Conseil européen de Laeken, la PESD est déclarée opérationnelle. L’Union européenne est désormais en mesure de conduire des missions d’évacuation, de maintien et de rétablissement de la paix. L’UE va pouvoir s’affirmer comme un acteur stratégique, au service de la stabilité internationale.

L’histoire de l’Europe de la défense

Pendant le mois de l’Europe, le ministère retrace l’histoire de l’Europe de la défense. A travers une web-série en quatre épisodes, de 1945 à aujourd’hui, découvrez comment s’est construite, au fil des années, notre défense européenne.

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