[Esprit défense n°10] Pacifique du sud : le changement climatique au cœur du SPDMM
Fin 2023, la France a accueilli en Nouvelle-Calédonie la réunion des ministres de la Défense du Pacifique sud (en anglais, SPDMM1). Le but : discuter des défis sécuritaires dans cette région de l’Indopacifique où le changement climatique est considéré comme une menace existentielle. Un reportage tiré de la revue Esprit défense n°10.
Nouméa. 4 décembre 2023. La musique de la Légion étrangère retentit sur la vaste place Bir Hakeim, où l’herbe a bruni sous l’effet du soleil estival. C’est par cette cérémonie militaire, présidée par Sébastien Lecornu, ministre des Armées, que s’est ouverte la huitième réunion des ministres de la Défense du Pacifique sud2. Pour la première fois, la France a accueilli le SPDMM, unique enceinte de sécurité et de défense de cette immense zone où les enjeux sont nombreux : impacts du dérèglement climatique, sûreté maritime, pêche illégale…
Des phénomènes plus nombreux, plus violents
En tête de ces défis : le changement climatique. « C’est la priorité ! », s’exclamera même avant le début des discussions Victor Gogny, président du Sénat coutumier, l’instance calédonienne chargée de défendre la culture kanak. Et de pointer les risques : montée des eaux, cyclones, feux de forêt, tous de plus en plus violents et de plus en plus fréquents.
« Le climat est au cœur des enjeux de sécurité dans le Pacifique », abondera Sébastien Lecornu lors de l’une des séances de travail. De fait, l’intervention des forces armées en cas de catastrophe naturelle sera au menu des discussions. Au cours de trois tables rondes organisées à huis clos dans une grande salle haute sous plafond et aux murs en bois, les ministres ont notamment échangé sur les interventions humanitaires d’urgence. « Ensemble, nous sommes plus forts. Les événements climatiques ne respectent pas les frontières », selon Judith Collins, ministre néo-zélandaise de la Défense — pour rappel, la Nouvelle-Zélande a été frappée par le cyclone Gabrielle en février 2023, comme ses voisins australiens et tongiens.
S’entraîner ensemble pour mieux aider
Lors de ces catastrophes, la coordination entre les États est essentielle. Une coordination malheureusement rendue parfois difficile en raison de modèles d’armée différents. « Beaucoup de partenaires possèdent des armées hybrides. Souvent, ce sont des armées qui effectuent des missions de police », relève Sébastien Lecornu. Des missions parfois peu adaptées à ce type de gestion de crise. Or, pour opérer ensemble, « il faut des standards d’opération et des procédures communes pour ne pas saturer de propositions les pays touchés par les catastrophes », explique le général Yann Latil, commandant supérieur des Forces armées en Nouvelle-Calédonie (FANC). Surtout, il convient de s’entraîner ensemble lors d’exercices récurrents dits HADR (Humanitarian Assistance and Disaster Relief, pour mission d’aide humanitaire et de secours). Le SPDMM en planifie quatre d’ampleur régionale, comme l’exercice Croix du Sud organisé tous les deux ans par les FANC.
Opérer ensemble est d’autant plus efficace avec du matériel commun. La réunion s’est donc clôturée par une démonstration des capacités des FANC auprès des délégations ministérielles sur la base navale de Nouméa, face au quai des patrouilleurs outre-mer (POM) inauguré quelques jours plus tôt. Les industriels français de défense qui accompagnaient le ministre ont profité de l’occasion pour présenter leurs matériels. « Les pays du Pacifique sud ont des problématiques de gestion des catastrophes climatiques et de contrôle de la pêche qui collent parfaitement à nos produits », affirme Maïté Bennedsen, responsable commerciale « drones » de l’entreprise Survey Copter. La société a notamment exposé un système de minidrones aériens qui peuvent être embarqués sur les POM (photo ci-dessous). Une capacité utile pour évaluer l’étendue des dégâts et localiser les victimes en cas de catastrophe naturelle.
Par Laura Garrigou.
2Australie, Chili, Fidji, France, Nouvelle-Zélande, Papouasie-Nouvelle-Guinée et Tonga. Trois États sont aussi observateurs : États-Unis, Japon et Royaume-Uni.
La lutte contre la pêche illégale, l’autre enjeu de la réunion
Pour lutter contre la pêche illégale, la France a permis de réduire les barrières à propos du shipriding, ou embarquements croisés. Le principe : embarquer un officier d’un État tiers pour patrouiller avec lui dans sa zone économique exclusive. La France souhaite ainsi mettre 160 jours de mer au profit de ses partenaires en 2024, soit 50 de plus qu’en 2023.
Retrouvez tous les numéros du magazine trimestriel Esprit défense, la revue du monde de la défense.
Indopacifique : le défi de la stabilité
Vaste ensemble qui s’étend du sud de l’Afrique au nord de l’Asie, l’Indopacifique est au cœur des tensions internationales. Face aux menaces qui pèsent sur ce carrefour de la mondialisation, comment les armées françaises œuvrent-elles à préserver la stabilité régionale ?
Voir le dossierA la une
Nuit européenne des musées 2024 : visites insolites aux musées de la Défense
La 20e Nuit européenne des musées aura lieu ce samedi 18 mai. Pour l’occasion, 19 sites culturel...
17 mai 2024
Gagner la guerre acoustique grâce à l’intelligence artificielle
A l’occasion du point presse du ministère des Armées, le jeudi 16 mai, le capitaine de frégate Vincent Magn...
16 mai 2024
A venir : le JDEF « Opérations amphibies, des forces en alerte permanente »
Si les images du débarquement du 6 juin 1944 restent ancrées dans la mémoire collective, les doctrines de l...
15 mai 2024