Depuis la professionnalisation des armées, le lien armées-Nation ne cesse d’être remis en question. Jusqu’à sa suspension, le service national, pourtant profondément inégalitaire¹, parvenait à entretenir le mythe d’un lien fort. Depuis une vingtaine d’années, ce lien armées-Nation s’est construit différemment. Si la connexion est moins directe, elle n’empêche pas la population d’avoir aujourd’hui une image très positive de l’institution militaire. Pour autant, l’armée demeure peu connue des Français, au point que je qualifie leur rapport à elle « d’indifférence positive. »

Régulièrement, cette question se (re)pose. Elle l’est surtout par les femmes et les hommes politiques au moment des grands scrutins ; certaines et certains appelant au retour du service militaire. Depuis son élection en 2017, le Président de la République a créé, à titre volontaire, un Service national universel (SNU). L’objectif : réunir les jeunes femmes et jeunes hommes de la Nation dans un projet qui emprunte beaucoup aux symboles militaires, mais sans en rechercher les finalités. Les études de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire² montrent que le SNU attire surtout des jeunes déjà proches des institutions régaliennes ou cherchant à les rejoindre.

Le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022 a mis à l’agenda politique et social le lien armées-Nation au travers de ce que beaucoup appellent la « force morale », concept qui interroge la capacité de la Nation à se défendre en cas d’attaque comparable en France. On sent les doutes poindre parmi les responsables politiques et militaires… Disons-le clairement : aucun dispositif ne permettra, seul, de construire un lien solide armées-Nation.

L’école est l’une des pistes sérieuses. Les Français connaissent mal le militaire car l’enseignement de défense est peu développé, peu respecté, peu ou mal enseigné dans le cadre d’un continuum, de l’élémentaire au lycée. Les enseignants possèdent peu de repères en la matière. À l’échelle régionale, les trinômes académiques³ œuvrent beaucoup. À l’échelle nationale, les actions se multiplient aussi. Il convient cependant d’accélérer pour mieux former les enseignants à l’enseignement de défense et pour faire de celui-ci un parcours obligatoire dans la formation des élèves. Depuis deux ans, le ministère des Armées, le réseau des Inspé, l’éducation nationale et l’enseignement supérieur y travaillent ensemble. Il manque un portage politique fort pour le mettre effectivement en place.