Episode 4 – 2016/2022 : vers une autonomie stratégique européenne

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 09 juin 2022

Face à une dégradation rapide et durable de l’environnement international, marquée notamment par le retour de la guerre en Europe, l’Union européenne veut consolider son autonomie stratégique. La convergence des Européens autour d’intérêts communs définis dans le premier livre blanc de la défense européenne, fixe le cap des dix prochaines années pour renforcer la liberté d’action et la résilience de l’Union.

Episode 4 - Europe de la défense : 2016 - 2022 © Ministère des armées

Jeudi 23 juin 2016, trente-trois millions de citoyens britanniques sont appelés aux urnes pour répondre à la question : « Le Royaume-Uni doit-il rester un membre de l’Union européenne ou quitter l’Union européenne ? »

A la fermeture des bureaux de vote à 22 heures, la participation atteint le score historique de 72,2%.

L’Union européenne entame l’une des nuits les plus longues de son histoire. A mesure que les résultats des bureaux tombent, le scénario improbable se précise. La dynamique est en faveur de la sortie de l’Union qui enregistre des scores à plus de 60%, dans les bastions eurosceptiques.

Aux alentours de 4 heures du matin, le doute n’est plus permis. Les Britanniques ont voté à 51,9% pour que leur pays quitte l’Union européenne à laquelle il avait adhérée en 1973.

Dans les capitales européennes, le choc est à la mesure de l’événement. Pour la première fois de sa jeune histoire, un Etat membre demande à sortir de l’Union.

Le Brexit ne freine pas l’ambition des Etats membres à renforcer l’Europe de la défense

Pourtant, quatre jours seulement après l’annonce des résultats, le 28 juin 2016, le Conseil européen adopte la nouvelle Stratégie Globale de l’Union européenne sur la politique étrangère de sécurité, la SGUE.

La SGUE définit les objectifs de l’Union européenne, en matière de sécurité et de défense, pour l’adapter à un environnement géopolitique qui a considérablement évolué, depuis la précédente adoption d’une stratégie commune. Le document proposé par Javier Solana en 2003 n’est plus en phase avec les réalités de l’époque et nécessite une réactualisation.

Au sud de la Méditerranée, les guerres civiles ont succédé aux printemps arabes et déstabilisent profondément de nombreux pays du Moyen-Orient jusqu’au Sahel. Ce chaos profite à un terrorisme djihadiste militarisé qui frappe jusqu’au cœur de l’Europe.

A l’est, l’attitude belliciste de la Russie, sur fond de confrontation armée en Géorgie d’abord puis en Ukraine, marque le retour de la guerre aux frontières orientales de l’Europe.

La montée des menaces dans l’environnement proche de l’UE s’effectue alors que l’environnement géopolitique global se durcit.

Le retour des stratégies de puissance fragilise le multilatéralisme. Une compétition permanente s’installe dans les nouveaux espaces de conflictualités, comme le cyberespace où les stratégies de guerre hybride sont à l’œuvre.

L’autorité des institutions internationales est régulièrement contestée quand les défis du changement climatique et de l’épuisement des ressources stratégiques appellent des réponses globales.

La SGUE a été élaborée par la Haute représentante pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Federica Mogherini. Le document définit les priorités stratégiques et les besoins de défense de l’UE dans un contexte dégradé. Il insiste sur la notion d’autonomie stratégique pour que l’Union européenne ne se contente pas d’être un « soft power » mais une puissance complète, pouvant être autonome et libre de son action.

Federica Mogherini, Haute représentante pour les Affaires étrangères de l'UE © Basia Pawlik - European Communities, 2019

La sécurité de l’Union et de ses citoyens est placée en tête des priorités. Ce choix traduit un changement d’approche dicté par les événements où la défense des intérêts européens devient aussi importante que celle de ses valeurs : « nos valeurs fondamentales sont ancrées dans nos intérêts. »

Les Etats membres s’engagent à concentrer leur action collective sur les nouvelles menaces comme le terrorisme, les actions hybrides, l’insécurité énergétique, le changement climatique et la guerre cyber.

L’importance de l’autonomie stratégique pour une UE autonome et libre de son action

Mais l’ambition de cette stratégie réside moins dans la liste des priorités que dans la volonté de renforcer la solidarité et la complémentarité entre les nations européennes pour consolider leur défense. Leur coopération doit atteindre une dimension globale, grâce à l’adoption d’une stratégie, d’une vision et d’une action commune.

L’Union européenne veut donner un nouvel élan à sa politique de défense pour se constituer en une « communauté de sécurité », capable de garantir la souveraineté de ses Etats membres.

Le Brexit n’a pas freiné les ambitions d’unité et de projection dans l’avenir. Au contraire, les nations européennes savent qu’elles doivent prendre une part plus importante dans la prise en charge de la sécurité de leur continent, pour anticiper le désengagement progressif des Etats-Unis.

A cette époque, peu d’Etats membres consacrent plus de 2% de leur PIB aux crédits militaires, contrairement aux engagements pris au sommet de l’OTAN du 5 septembre 2014. Pourtant, les dépenses en armement dans le monde sont en pleine croissance, sous l’influence notamment de la Chine, de la Russie et des pays émergents. La part européenne dans les dépenses militaires mondiales qui était de plus de 30% en 2001, s’établit en dessous de 15 % en 2016.

La dégradation du contexte, couplée à la prise de conscience du retard à combler, encouragent les États membres à s’engager résolument dans le renforcement de leur défense commune.    

Le Conseil européen des 14 et 15 décembre 2017 est l’occasion pour les Etats membres de montrer qu’ils ont pris la mesure des événements. Une cérémonie est organisée en marge des réunions pour célébrer la naissance officielle de la Coopération structurée permanente (CSP) et du Fonds européen de défense.

Lancement de la coopération structurée permanente, Conseil européen du 15 décembre 2017 © Etienne Ansotte - European Communities, 2017

La CSP est un dispositif prévu par le traité de Lisbonne mais laissé en sommeil jusqu’à cette date. Elle prévoit de rassembler un « noyau dur » d’Etats autour de projets inclusifs et ambitieux, menés en complément des actions communes. Par ailleurs, les pays qui rejoignent la CSP s’engagent à augmenter régulièrement leurs budgets de défense et leurs investissements de recherche.

De son côté, le Fonds européen de défense vise à faciliter le financement de cette coopération renforcée. Pour la première fois, le budget européen va soutenir l’industrie de la défense par le cofinancement de projets de recherche et de développement et l’achat de matériels en commun. Le Parlement européen s’accorde sur un budget exceptionnel de 7,9 milliards d’euros pour la période 2021-2027.

Dépenser mieux en dépensant ensemble, acquérir des matériels interopérables, à travers cette coordination permanente la Commission entend renforcer l’efficacité des politiques de défense des Etats membres en évitant les redondances.

Il s’agit désormais d’utiliser la coopération comme un démultiplicateur de ressources, pour atteindre l’autonomie stratégique de l’Europe et la transformer en acteur crédible de sa propre sécurité. Mais pour cela, les Etats membres doivent s’entendre sur le cadre à donner à leur action.

Les fondements d’une culture stratégique commune

Le 1er juillet 2020, l’Allemagne assure la présidence du Conseil de l’Union européenne pour les six derniers mois de l’année. La délégation allemande prend ses fonctions avec un slogan et une ambition claires : « Ensemble, rendons l’Europe plus forte. » Le lancement de l’élaboration d’une boussole stratégique veut matérialiser cette volonté dans le domaine de la défense.

La rédaction du premier « livre blanc » de la défense européenne doit permettre de mobiliser les Etats membres à travers une évaluation commune des menaces à l’échelle de l’UE.

Pour mener à bien cet exercice ambitieux et sans précédent, les Etats membres entendent non seulement identifier les défis partagés par tous mais également les moyens nécessaires pour renforcer le rôle de l’UE sur la scène internationale.

Si la volonté d’élaborer une culture stratégique de défense commune n’est pas nouvelle, l’exercice diffère cette fois par la méthode utilisée. 52 colloques et séminaires sont organisés pour recueillir les contributions des Etats membres. Une première version du document est remise aux Etats membres en novembre 2021.

Son contenu traduit le changement d’approche par l’importance accordée à la résilience de l’Union européenne et de ses citoyens, au développement de capacités européennes, aux menaces hybrides notamment dans le domaine cyber et informationnel, aux domaines stratégiques comme l’espace et les étendues maritimes.

Le document est présenté aux Etats membres par le chef de la diplomatie européenne Josep Borell, au cours d’une réunion des ministres de la défense de l’UE, organisée en janvier 2022, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne. A cet instant, la mobilisation russe aux frontières de l’Ukraine est déjà au centre des préoccupations.

Un mois plus tard, le 24 février 2022, Vladimir Poutine déclenche une offensive générale aérienne, maritime et terrestre sur l’ensemble du territoire ukrainien. L’UE débloque alors immédiatement 450 millions d’euros pour fournir des armes à l’Ukraine. La Facilité européenne de paix est un nouvel instrument budgétaire créé en mars 2021 pour financer des actions opérationnelles. Il est actionné de manière inédite pour répondre à l’urgence de la crise ukrainienne. L’Histoire s’accélère et l’Union européenne se doit d’être au rendez-vous.

 

Adoption de la boussole stratégie, Conseil européen du 24 mars 2022 © Dati Bendo- European Communities 2022

Un mois après le déclenchement de l’offensive russe en Ukraine, le 24 mars 2022, les chefs d’Etats et de gouvernements des Etats membres adoptent la Boussole stratégique. L’Union européenne franchit une nouvelle étape dans sa politique de défense et de sécurité pour faire face à la compétition entre puissances, à la persistance des crises dans son voisinage et pour agir partout où son action serait sollicitée. La Boussole stratégique fixe un cap clair et ambitieux, avec une feuille de route concrète, pour les dix prochaines années, pour renforcer la liberté d’action et la résilience des Européens.

L’Europe de la défense continue de se construire au fil de l’Histoire, pour répondre aux défis de son époque et permettre au vieux continent de tenir sa place de puissance d’équilibre, sur la scène internationale.

 

L’histoire de l’Europe de la défense

Pendant le mois de l’Europe, le ministère retrace l’histoire de l’Europe de la défense. A travers une web-série en quatre épisodes, de 1945 à aujourd’hui, découvrez comment s’est construite, au fil des années, notre défense européenne.

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