Droit de la mer : il y a 40 ans, la Convention de Montego Bay

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 09 décembre 2022

Le 10 décembre 1982, la Convention de Montego Bay pose un cadre juridique sur les espaces maritimes en délimitant ce qui relève de la souveraineté des États et de la haute mer. Mais face à l’importance grandissante des océans dans la géopolitique mondiale, le texte est confronté à des interprétations divergentes, au point de devenir une source de conflits.

Mission Jeanne d’Arc déployée en Indopacifique en 2021 © Enzo Lemesle/Marine Nationale/Défense

Nous sommes le 10 décembre 1982 à Montego Bay, en Jamaïque. Cent-dix-sept chefs d’États et de gouvernements sont réunis dans le cadre de la troisième Convention des Nations unies sur le droit de la mer. Ce jour-là, ils signent un document de 178 pages qui résume neuf ans de négociations agitées. Un nouveau droit de la mer est établi. Il a pour ambition de concilier la liberté de navigation et la souveraineté des États côtiers.

Jusqu’alors, le principe de la liberté des mers régnait sur les espaces maritimes. En vertu du droit coutumier, seule une zone étroite de trois milles marins (5 km) était considérée comme souveraine pour l’État côtier. Elle était destinée à protéger les États contre une attaque venant de la mer. De fait, les mers et les océans étaient ouverts à tous et n’appartenaient à personne.

De premières réglementations sur les océans

En 1956, face à la volonté des États côtiers d’établir une zone de souveraineté sur leurs espaces maritimes proches, les Nations unies proposent un premier texte. Le document définit la mer territoriale qui s’étend sur 12 milles marins (19 km) et où la souveraineté d’un État est totale. Dans la zone contiguë, entre 12 et 24 milles marins (19 et 39 km), l’État peut prévenir et réprimer toute infraction notamment en matière douanière, sanitaire ou migratoire. Au-delà de ces limites, la haute mer reste un patrimoine commun de l’humanité.

Cependant, ces délimitations sont jugées peu protectrices par les États anciennement colonisés, latino-américains et africains. Ces derniers craignent en effet de voir leurs fonds marins proches exploités par des États détenteurs de technologies d’extraction plus avancées que les leurs. Ils décident alors d’unir leurs efforts pour faire évoluer la législation et ainsi sanctuariser leurs ressources maritimes.

L’avènement d’un nouveau droit de la mer

Nous arrivons donc en décembre 1982 avec sur la table un texte qui, pour la première fois, aborde la question du partage des ressources maritimes plutôt que la loi du « premier-arrivé-premier-servi ». La Convention de Montego Bay trouve l’équilibre entre la liberté de navigation et la souveraineté des États côtiers en créant une nouvelle délimitation :  la Zone économique exclusive (ZEE). Dès lors, l’État côtier détient les droits d’exploitation des ressources présentes sur la zone entre 24 et 200 milles marins (39 et 370 km) de sa ligne de base. Lui revient également des devoirs parmi lesquels la préservation de l'environnement, les opérations de recherche et de secours en mer. La liberté de naviguer est conservée pour tous les navires, y compris dans la mer territoriale, dans le cadre prévu par la convention du « droit de passage inoffensif. » À partir de ces principes, les États sont libres de définir les limites de leurs frontières maritimes. En cas de revendications concurrentes, les délimitations doivent être convenues entre les États concernés.

Malgré des États réfractaires, comme les États-Unis qui refusent de signer le texte pour ne pas se fermer d’opportunités commerciales ou stratégiques, 60 États ratifient la Convention. Elle entre alors en vigueur le 16 novembre 1994 et ouvre une nouvelle ère pour le droit de la mer, avec 40% des mers et océans couverts par les ZEE. La France devient ainsi la seconde puissance maritime mondiale. Forte de ces Outre-mer, la France est présente sur tous les océans et bénéficie d’une ZEE plus grande que celle de la Chine.

Un droit contesté par la force 

Face aux opportunités économiques qu’offrent le principe de ZEE, une course à la délimitation des espaces maritimes se met en place. Elle va aboutir à un phénomène de territorialisation des espaces maritimes mené par des États soucieux de projeter leur souveraineté terrestre sur la mer. Les querelles frontalières sont alors transposées aux espaces maritimes avec des États qui, selon la Convention de Montego Bay, peuvent revendiquer les mêmes espaces. C’est le cas notamment en mer de Chine méridionale, où plusieurs îles et archipels sont revendiqués par plusieurs pays pour établir une ZEE la plus grande possible.

Cet exemple est le reflet d’une dynamique globale qui se développe aujourd’hui sur toutes les mers du globe à des niveaux d’intensité plus ou moins importants. La généralisation des litiges entre États s’accompagne logiquement d’un vaste mouvement de réarmement naval sur l’ensemble de la planète. Il annonce l’entrée dans une période de turbulence où le droit de la mer est contesté par la force.

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