Comment ce marin français a réussi le Perisher, le stage britannique de commandement de sous-marin

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 13 septembre 2023

Le capitaine de corvette Clément Coeffé a validé le Perisher, la formation britannique des futurs commandants de sous-marins nucléaire d’attaque (SNA). À l’occasion de la venue du roi Charles III en France, il nous raconte son expérience lors de ce stage hors du commun qui renforce les liens franco-britanniques en matière de défense.

Le CC Clément Coeffé de retour du stage britannique de commandement de sous-marin Perisher © Crown Copyright

En 1917, alors que la Première Guerre mondiale fait rage, les Britanniques subissent de nombreux naufrages de sous-marins. Pour stopper ces pertes, ils créent un stage très sélectif afin de mieux former les futurs commandants de la Royal Navy. Cette formation est ouverte aux alliés les plus proches du Royaume-Uni. En 2022, le capitaine de corvette Coeffé a été le troisième français à y participer. Il nous raconte. 

En quoi consiste le Perisher ?

Cette formation est l’ultime sélection des officiers britanniques pour se voir confier le commandement d’un sous-marin nucléaire. D’une durée de cinq mois, le Perisher réunit cinq à six stagiaires venus principalement du Royaume-Uni, des États-Unis et de France. Après des enseignements théoriques et des entraînements sur simulateurs, j’ai embarqué sur un SNA britannique dans les fjords de Norvège. Pendant un mois, j’ai pu prendre le commandement du submersible, à tour de rôle avec les autres candidats et sous la supervision d’un Teacher – l’officier entraineur, ancien commandant de sous-marin très expérimenté. Ce dernier teste nos prises de décision dans des situations difficiles. Il cherche à développer chez nous une « agressivité contrôlée » dans l'exercice du commandement. Formés jusqu’alors à respecter des procédures et à agir dans un cadre strict, nous devons, pour accéder au commandement, apprendre à dépasser ces limites tout en conservant un niveau de sécurité acceptable.

Sélectif à quel point ?

Le taux de réussite moyen pour les officiers britanniques est de 60 %. Lors de mon cours, un candidat a échoué 30 minutes avant la fin de l’épreuve et a été immédiatement débarqué du sous-marin, après s’être vu offert une bouteille de whisky – c’est la tradition. Cela marque les esprits.

Y a-t-il une seconde chance ?

Pas en cas d’échec à la mer. Le Teacher est très clair dans une lettre qu’il envoie à tous les stagiaires. C’est un cours où l’on échoue – ou réussit – devant tout un équipage. Difficile dans ces conditions de regagner la confiance des marins lorsqu’elle est perdue. Le stress est très intense car la moindre erreur peut mettre fin à notre carrière de commandant de sous-marin.

Parlez-nous des missions effectuées lors de ce stage.

La phase « mer » s’est effectuée dans les eaux norvégiennes, connues pour leurs fjords étroits et la présence de pêcheurs contraignant les opérations. Nos missions ont balayé tout le spectre des opérations sous-marines : acquisition de renseignement, observations d'objectifs côtiers, lutte anti-navire et anti-sous-marine, dont un exercice de détection et de pistage d’un submersible norvégien.

Un moment marquant vous vient-il en tête ?

Lors d’une mission, notre tâche était de reconnaitre un objectif afin d’y déployer ultérieurement une équipe de forces spéciales. Les jours précédents, nous avions reconnu l’ouest de l’objectif. Enclavé dans un fjord, le sud restait à observer. Après plusieurs études de la zone et en tant que responsable de la navigation, j’ai proposé un plan passant par le sud : un chemin plus complexe en raison de cartes insuffisamment précises mais, à mon sens, réalisable. Mon plan a été retenu et nous sommes entrés dans le fjord. Cependant, en raison d’une trop grande densité de pêcheurs, nous avons dû rebrousser chemin après quelques minutes seulement.

Que s’est-il passé ensuite ?

Après la manœuvre, le Teacher ne nous a donné aucune indication concernant son appréciation de la situation. J’étais assez perturbé de ne pas savoir si j’avais agi correctement. Avais-je pris des risques inconsidérés ? Avais-je été trop téméraire ? À la fin du stage, j’ai appris que le commandant du bateau avait apprécié ma capacité à me mettre dans une situation inconfortable mais surtout la faculté de notre équipe, dans l’action, à renoncer à notre plan car le niveau de sécurité n’était plus acceptable. 

Le CC Coeffé a effectué son stage Perisher à bord d’un sous-marin britannique de classe Astute © Crown Copyright

Le Perisher est une illustration du niveau de confiance entre les marines française et britannique. L’intégration est telle que la validation de ce stage au Royaume-Uni prévaut également en France. Selon Clément Coeffé, la coopération franco-britannique se vit à travers ces échanges d’officiers.

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