Changement climatique : quels impacts sur les armées françaises ?

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 28 août 2023

De plus en plus visible, le changement climatique va bouleverser les conditions d’interventions des armées françaises. Il implique donc l’adaptation des équipements, des infrastructures ainsi qu’une meilleure anticipation des futures crises environnementales. Explications.

Miliaire français faisant face à une tempête de sable au Mali, 2016 © G.Cabre©Armée de terre

« Les armées doivent se préparer aux conséquences du changement climatique ». Le constat est signé Nicolas Regaud, conseiller climat du major général des armées. Corroborée par les différents rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), cette perspective fait craindre pour la stabilité, la défense et la résilience des territoires et des populations.

L’intensification des événements climatiques extrêmes (cyclones, feux de forêt, ouragans, etc.) risque en effet d’amplifier les risques de conflits et d’affecter un nombre croissant de missions et d’opérations militaires sur un spectre très large. Face à ces menaces, le ministère des Armées a publié fin avril 2022 sa première stratégie « Climat & Défense ». Ce document de 23 pages vise à anticiper les conséquences du changement climatique pour les missions des soldats français. Il s’appuie sur les scénarios climatiques élaborés par le GIEC. Notamment celui d’une hausse de la température mondiale comprise entre 3 et 5°C d’ici la fin du siècle en cas de poursuite d’un développement économique fondé sur les énergies fossiles.

Des opérations de secours toujours plus nombreuses

Le changement climatique, longtemps perçu comme une menace lointaine et abstraite affecte dès à présent les armées françaises à grande échelle. En témoignent les opérations HADR (Human Assistance & Disaster Relief) après l’ouragan Irma et le cyclone Idai qui ont dévasté respectivement les Caraïbes en 2017 et l’Afrique australe en 2019. Vincent Breton, Général de division aérienne et directeur du centre interarmées de concepts, de doctrines et d'expérimentations, estime que « l’augmentation de l’intensité et du nombre de ces phénomènes entraînera mécaniquement un accroissement des missions de secours humanitaires aux populations sinistrées, tant au niveau international que national. »

La période qui s’ouvre pourrait donc voir une recrudescence des opérations militaires liées au dérèglement climatique et à ses effets amplificateurs des catastrophes naturelles, notamment les feux de forêt. « En France, ce type de mission existe déjà avec l'opération Héphaïstos pour laquelle, chaque été depuis 1984, nos armées luttent contre des feux de forêt de grande ampleur, en particulier dans le sud du pays », rappelle Vincent Breton. Elles interviennent en étroite coordination avec les unités militaires de la sécurité civile, les sapeurs-pompiers et l'office national des forêts. Cet engagement conjoint vise à protéger les populations et sauvegarder les ressources du territoire national. En 2022, 66 000 hectares de forêts ont été ravagés par les flammes dans toute la France. Du fait du réchauffement climatique, ces incendies pourraient se faire plus fréquents, plus intenses, et s’étendre sur une grande partie du territoire national, selon le ministère de la Transition écologique et solidaire.

Sur les mers, les actions de la Marine nationale liées à l’environnement et à sa protection sont d’ores et déjà quotidiennes. Plusieurs de ses activités sont consacrées à la surveillance des effets du réchauffement climatique grâce à des images aériennes mais aussi à la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée. Cette dernière provoque la surexploitation des océans, la destruction des écosystèmes et menace la sécurité alimentaire et l’équilibre économique du marché des produits de la mer. Pour la France, l’enjeu est double : faire respecter la souveraineté française et contribuer à l’équilibre écologique et à la préservation de la biodiversité marine.

Adapter le matériel et les infrastructures

Autre conséquence du réchauffement climatique : l’usure du matériel et des équipements. Dans les années à venir, véhicules, aéronefs et systèmes d’arme devront se conformer à des climats plus rudes : températures extrêmes, précipitations accrues, taux d’humidité élevé, vents de sable plus intenses. Ces phénomènes sont susceptibles d’affecter leur fonctionnement. Le réchauffement climatique va par exemple amplifier l’évaporation de l’eau, ce qui augmentera les risques de givrage pour les drones et certains aéronefs. De même, la température et la salinité accrues des océans modifient l’acoustique sous-marine. La Marine nationale devra donc faire évoluer la manière dont elle détecte les sous-marins ennemis. Selon Nicolas Regaud, « le maître mot, c’est d’assurer la résilience des combattants, des infrastructures et des équipements pour être en mesure de conduire des opérations en tous lieux et toutes circonstances malgré un contexte environnemental de plus en plus contraignant. »

Du côté des infrastructures, certains sites militaires (ports, aéroports, bases logistiques, sites de stationnement des forces) font l’objet d’un suivi particulier et pourraient être déplacées à l’avenir. En cause : la montée des eaux et les risques d’inondation dans certaines régions du globe, en particulier en Indopacifique. A l’instar des Etats-Unis, certains pays prennent le problème très au sérieux. A titre d’exemple, le Pentagone a publié en janvier 2019 un rapport sur la vulnérabilité de ses principales infrastructures face au changement climatique. Il révèle que deux tiers des 79 infrastructures examinées sont exposées à des inondations récurrentes et la moitié à des phénomènes de sécheresse extrême. Ainsi, un plan de protection de la ville de Norfolk et de sa base navale – la plus importante au monde – a été engagé sur vingt ans, pour un coût de 2,6 milliards de dollars. La hausse du niveau de la mer et les vagues submersion menaçant leurs activités.

En parallèle, le changement climatique génère de nouveaux risques sanitaires dont les troupes elles-mêmes devront être protégées au mieux. Le bien-être et la santé des soldats risquent d’être fortement affectées par l’extension géographique des maladies tropicales. En témoigne l’augmentation des zones infestées par le moustique tigre, vecteur de nombreuses maladies telles que la dengue, le chikungunya ou zika.

Face au défi planétaire que constitue le dérèglement climatique, Nicolas Regaud estime que « la réponse doit être collective ». Près de la moitié de la population mondiale est en effet concerné par ce bouleversement géostratégique. Il apparait donc comme impératif de développer une approche globale au sein du ministère des Armées et de renforcer la coordination internationale. A cet égard, la France, l’Union Européenne et l’OTAN intègrent d’ores et déjà le phénomène dans leurs politiques de défense.
 

Stratégie « climat & défense »

Dérèglement climatique : quels enjeux pour les armées ?

Voir le dossier

Partager la page

Veuillez autoriser le dépôt de cookies pour partager sur


A la une