Le Mont-Valérien, principal lieu d’exécution de résistants et d’otages par l’armée allemande pendant la Seconde Guerre mondiale attire chaque année de nombreux visiteurs

Direction : SGA / Publié le : 01 août 2023

Premier Haut lieu de la mémoire nationale du ministère des Armées, le Mont-Valérien est choisi après la guerre pour honorer la mémoire des morts pour la France de 1939 à 1945. Il devient Mémorial de la France combattante par le souhait du général de Gaulle le 18 juin 1960. Reportage.

Le Mont-Valérien © Minarm/SGA/COM

Sur les hauteurs de Suresnes, l’imposante croix de Lorraine qui surplombe la place d’armes trône dans un silence de plomb. Seul le vent qui caresse les feuillages des arbres et quelques cris d’enfants jouant sur les terrains de jeux à proximité viennent interrompre de temps à autre cette paisible et chaude après-midi de juillet.

Au pied du monument en grès rose des Vosges, dans un brûloir en bronze, jaillit une flamme en continu : celle de la résistance, qu’alluma soixante-trois ans plus tôt le général de Gaulle. Gravé dans le pied de la croix un extrait de l’appel du 18 juin 1940 accueille les visiteurs : « Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance ne s’éteindra pas ». C’est ici en effet que reposent dans une crypte dix-sept combattants, dont la résistante Berty Albrecht et le dernier compagnon de la Libération Hubert Germain, inhumé le 11 novembre 2021.

Un parcours du souvenir

Quelques minutes avant le début de la visite, Zilie, 14 ans, venue avec ses parents, se confie : « Je ne connais pas cet endroit, mais je pense que c’est important de savoir ce qu’il s’est passé, c’est important pour entretenir la mémoire ». Sa mère, professeur d’histoire dans une classe de collège dans l’Aisne est ici en reconnaissance : « J’envisage cette année d’entamer un travail de mémoire sur les lettres de fusillés avec mes élèves ».

A travers les larges baies vitrées de l’accueil qui laissent entrevoir une esplanade baignée de lumière, les kakémonos plongent d’emblée les visiteurs dans l’histoire, tragique, du Mont-Valérien. Dès mars 1941, le fort militaire occupe une place centrale au sein du système répressif nazi. 1008 hommes y sont fusillés jusqu’en 1944, dont 232 condamnés à mort ou otages en 1943.

Les femmes ne connaissent pas le même sort, l’exécution par balles n’étant réservée qu’aux hommes. Considérées comme non-combattantes par nature par le code pénal allemand, elles sont déportées et décapitées dans les prisons de Cologne et Stuttgart, en Allemagne.

Guidé par le médiateur culturel des lieux Géraud Dumas, le parcours embarque le public dans un voyage dans le temps. Serpentant à l’ombre d’une végétation abondante, le chemin et les stèles explicatives sur ses bas-côtés rappellent sans cesse les exactions commises sur place et les destins brisés de milliers d’hommes, français, étrangers, juifs, communistes, pour la plupart très jeunes. Après quelques minutes d’ascension et face à une vue imprenable des environs du fort militaire, les principaux lieux d’internement et d’emprisonnement sont exposés au visiteur sur des panonceaux : camp de Drancy, fort de Romainville, camp de Compiègne-Royallieu, prison de Fresnes …

Une Résistance française … et étrangère

A quelques mètres de là, dans la clairière des fusillés, le groupe marque un temps d’arrêt. Temps fort du parcours, c’est là, en contrebas, dans une clairière verdoyante et au-dessus de tout soupçon qu’étaient exécutés les condamnés. « Les Allemands avaient choisi ce lieu car on n’entendait quasiment pas les bruits des détonations, cela leur permettaient de rester discrets. Le Mont-Valérien était isolé, mais suffisamment proche de la capitale et ses institutions. Les otages arrivaient par ce petit chemin puis étaient positionnés contre les cinq poteaux d’exécution » raconte M. Dumas.

Devant un public attentif, les récits fusent, les anecdotes aussi : « Sur cette photo on observe que les soldats allemands en joue sont très nombreux par rapport au nombre de condamnés. Il fallait être certain de ne pas rater sa cible. Ensuite, l’armée allemande cherchait de cette manière à diluer le sentiment de culpabilité des soldats. Certains chargeaient même leurs fusils de balles à blanc, pour se déculpabiliser ».

Sur place, des clichés rarissimes de la clairière capturés clandestinement en 1943 par l’aumônier allemand Franz Stock et authentifiés par l’historien Serge Klarsfeld immortalisent les derniers instants de Marcel Rajman et Celestino Aflonso. Membres des Francs-tireurs et partisans de la main-d'œuvre immigrée (FTP-MOI, la Résistance communiste), ils faisaient partie du groupe Manouchian (fondé par l’arménien Missak Manouchian) et furent les auteurs de l’assassinat de l’officier allemand Julius Ritter, responsable du Service du Travail Obligatoire (STO) rue Pétrarque à Paris.

Car la résistance n’est pas seulement française. Espagnols, Russes, Arméniens, Argentins, Italiens, Polonais … dans le sillage de l’appel du 18 juin 1940 du général de Gaulle, des milliers d’étrangers immigrés en France ayant déjà fui leur pays d’origine pour des raisons politiques ou économiques s'engagent dans toutes les formes possibles que peut prendre la Résistance française : intégration aux Forces françaises libres, presse clandestine, sabotage, lutte armée, renseignement, etc. Parmi les fusillés du Mont-Valérien, 20% étaient des étrangers.

La Chapelle des graffitis, l’antichambre de la mort

Non-loin de la clairière, la chapelle désacralisée du Mont-Valérien était le lieu d’attente des condamnés. Ancien lieu de stockage de munitions et seul espace du fort fermant alors à clef, elle devient l’ultime destination des otages avant qu’ils ne soient conduits sur le lieu de leur supplice par les soldats allemands.

Témoignages émouvants de leurs derniers instants, les graffitis muraux (dont 31 ont pu être sauvés des intempéries et identifiés) évoquent la bravoure et la diversité des engagements des fusillés du Mont-Valérien. Lampe de poche à la main, le médiateur éclaire certains d’entre eux. Le message est souvent politique : patriotique avec « Vive la France » ou « mort pour la France », partisan avec « Vive l’Union soviétique » ou « Vive le parti communiste », mais jamais haineux envers les bourreaux, même si Paul Mazy, qui dessine une croix de Lorraine à côté de son nom, précise : « fusillé par les boches », ou si Louis Calmel demande à ses fils de le venger.

D’autres plus intimes évoquent les derniers adieux d’un père à son épouse et à ses enfants : « J’embrasse tous : ma René chérie, mes enfants Geneviève, Gilberte, Louis, Gilbert, Hélène, ma mère, Gustave, André » écrit Louis Calmel, le 2 octobre 1943. Aristide Gentil adresse de « bons baisers à sa femme ».

Dans la cour pavée à l’extérieur, le monument aux fusillés interpelle. Représenté sous la forme d’une massive cloche en bronze, les noms de chaque fusillé du Mont-Valérien y sont gravés en lettres d’or selon la chronologie de leur exécution. « Honoré d’Estienne d’Orves, Missak Manouchian, Aron Bekerman » … Et pour n'oublier aucun de ceux qui ont donné leur vie pour le pays, en écho à cette flamme vibrante du soldat inconnu, la dédicace est complétée par un hommage « à tous ceux qui n’ont pas été identifiés ».

Parmi les fusillés du Mont-Valérien, 40% étaient des otages, 60% étaient des condamnés à mort jugés par les tribunaux militaires allemands. 65% d’entre eux étaient communistes, 17% étaient juifs et 20% étrangers.

Dès l'accueil, les kakémonos plongent le visiteur dans l'histoire du Mont-Valérien © SGA/COM

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