70,8 kilomètres de documents : le déménagement hors norme des archives du Fort Neuf de Vincennes
Le Fort Neuf de Vincennes doit bientôt accueillir le nouveau siège de la DGSE. Près de la moitié des archives du Service historique de la Défense conservées sur place sont en ce moment réparties dans son réseau territorial à Toulon, Pau ou encore Cherbourg. Plus de 70 kilomètres de documents doivent être déplacés, soit deux fois le périphérique parisien.
Numérotage, étiquetage, chargement… le déménagement des archives du Fort Neuf de Vincennes représente un défi de taille pour le Service historique de la Défense. Découvrez en vidéo les coulisses de cette opération minutieuse.
Le déménagement des archives du Fort Neuf de Vincennes
Entretien avec la Cheffe d’Escadron Cécile, Chargée de missions auprès du chef du Centre historique des archives (CHA), SHD
Quelle est la raison de ce déménagement ?
Cheffe d’Escadron Cécile : « Dans le cadre de la réaffectation du Fort Neuf de Vincennes au nouveau siège de la DGSE, la totalité des fonds et collections du SHD localisés sur ce site doivent être transférés. Le service historique profite de cette obligation qui lui est faite pour redéployer, rationnaliser, l’implantation de ses fonds sur le territoire et anticiper ce que l’avenir lui réserve en matière, par exemple, d’accroissement. C’est ainsi près de la moitié des fonds et collections du SHD localisés à Vincennes qui doivent être transférés. »
Quels sont les défis/risques relatifs au déménagement des archives ?
CEN Cécile : « Les défis lors d’un déplacement d’archives sont nombreux et recouvrent le triptyque coût-délai-performance. Ainsi la performance d’un service d’archives qui déménage peut-être mise à mal. Les défis auxquels ce service doit faire face pour maintenir cette performance reposent sur trois piliers : la conservation préventive, la communicabilité et le respect de la réglementation.
En matière de conservation préventive, le premier défi auquel on pense est bien sûr celui de la perte et des dommages aux archives. En effet toute manipulation d’ampleur d’archives, qui plus est d’archives historiques, comporte un risque de perte matérielle, et donc de perte d’informations, et d’altération physique si les manipulations ne sont pas précautionneuses, conformes aux prescriptions de la conservation préventive. Un risque supplémentaire découlant du mouvement des archives est la modification des conditions de conservation (variations de températures, du taux d’hygrométrie…) qui peut avoir pour conséquence la contamination des fonds déplacés. Dans le cadre de ces transferts, nous sommes encore face à des défis en relation avec l’une des missions de tout service d’archives : la communication.
En effet, tout déplacement d’archives entraîne nécessairement, pendant la durée des opérations, une suspension de la communication aux lecteurs. Il faut en effet un certain délai pour préparer les fonds appelés à être déplacés, les déplacer puis les préparer à être à nouveau communiqués, les rendre donc à nouveau traçables. En outre, les fonds étant ici physiquement éloignés de leur emplacement d’origine, des ajustements sont nécessaires dans notre organisation de magasinage. La diversité des fonds détenus par le SHD entraîne également des défis en matière de conformité réglementaire : il est essentiel de garantir que toutes les mesures de sécurité nécessaires sont mises en place pour éviter tout accès non autorisé pendant le déménagement. Enfin, un défi non négligeable est celui du respect des deux derniers éléments du triptyque : coûts et délais. En effet les circonstances du transfert de nos fonds et collections se font dans un délai contraint et impératif. Et nous nous efforçons de contenir le budget dans ce qui a été planifié. La tâche est donc d’ampleur et nécessite une organisation minutieuse. »
Quelle est la nature de ces archives et de combien d’archives parle-t-on ?
CEN Cécile : « Le transfert concerne des archives papier et les ouvrages du département de la bibliothèque. A la fin des opérations, nous aurons transféré 66,5km linéaires d’archives et 4,3kml d’ouvrages, soit un total de 70,8kml. Pour vous aider à visualiser, 1 mètre linéaire correspond à 1 mètre de boîtes alignées les unes à côté des autres. Nous aurons donc transféré à la fin de l’opération l’équivalent de la distance entre Paris et Villers-Cotterêts, ou deux fois le périphérique parisien. Cela représente encore environ 700 000 boîtes et 110 000 ouvrages. »
« Nous aurons donc transféré à la fin de l'opération l'équivalent de la distance entre Paris et Villers-Cotterêts, ou deux fois le périphérique parisien. Cela représente encore environ 700 000 boîtes et 110 000 ouvrages. »
- Chargée de missions auprès du chef du Centre historique des archives (CHA), SHD
Au niveau de la logistique pure, qui déménage/manipule les archives et comment concrètement cela se déroule-t-il ?
CEN Cécile : « En matière de logistique, la manipulation et le transport des fonds et ouvrages ont été confiés à des prestataires externes. Deux entreprises ont remporté les marchés, et chacune travaille sur des fonds différents en fonction de leur sensibilité.
Cette phase-là entraîne une mobilisation conséquente des services du SHD en matière de surveillance. En effet, il faut indiquer aux déménageurs les contenants à prélever dans les magasins, s’assurer que les manipulations se font conformément aux règles de la conservation préventive, assurer un suivi de tous les contenants prélevés pour ne pas les perdre, les mélanger, pouvoir les relocaliser ; s’assurer que leur chargement dans les camions se font, là aussi, dans les règles de l’art. A l’arrivée, la surveillance menée par les agents du SHD permet d’orienter les déménageurs vers les nouveaux lieux de stockage, de s’assurer là encore que les manipulations protègent les archives, qu’elles sont « rangées dans le bon ordre » pour permettre la meilleure traçabilité possible, et enfin que les fonds déplacés sont conservés dans les meilleures conditions. »
Sur combien de temps le déménagement s’étale-t-il ?
CEN Cécile : « Les opérations de transfert proprement dites ont commencé en octobre 2022 et se termineront en décembre 2024. Mais tout le travail nécessaire en amont et en aval court depuis le début de l’année 2022 et s’étendra sur une partie de l’année 2025. »
A quoi cela sert de garder des archives ? A qui cela sert ?
CEN Cécile : « Les archives sont les gardiennes du passé et permettent d’éclairer le présent. Grâce à elles, nous pouvons documenter l’Histoire, apporter des éléments de preuve, nous instruire pour comprendre et anticiper les enjeux actuels et futurs. De nombreuses entités ont besoin d’avoir accès à des archives. Ainsi celui que l’on nomme le producteur des archives, au SHD les armées, peut avoir besoin de consulter ses documents archivés. Il en va de même pour des historiens, des chercheurs, des étudiants, des journalistes, écrivains qui souhaitent trouver des informations dans les documents que nous conservons. Les administrés peuvent également avoir besoin d’accéder aux archives pour faire valoir certains droits. Enfin, sont également intéressés par les archives les généalogistes ou tout lecteur moins « identifié » qui, pour ses besoins personnels, effectue une recherche sur un élément du passé. »
Service historique de la Défense
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