Droit des conflits armés

Afin d'exercer au mieux ses missions, chaque militaire français doit maîtriser les règles de droit applicables aux forces armées. Ces règles représentent la traduction en normes juridiques des engagements internationaux de la France, ainsi que des principes d'organisation et de fonctionnement des pouvoirs publics. Elles ont également pour fonction de donner un cadre précis à l'usage par les forces françaises de la contrainte, notamment armée, nécessaire à l'accomplissement de leurs missions.

Armée de Terre en OPEX © Frédéric THOUVENOT/armée de Terre

Le droit des conflits armés constitue une matière complexe, en évolution constante, dont il est impératif pour les militaires de connaître et d'appliquer l'ensemble des dispositions. La Direction des affaires juridiques et les conseillers juridiques présents sur les théâtres d'opérations extérieures ont pour mission d'assister le commandement pour la prise en compte de ce paramètre juridique dans la planification et la conduite des opérations. Mais ce droit ne constitue pas seulement une affaire de spécialistes.

Tous les militaires de l'armée de Terre, de la Marine nationale, de l'armée de l'Air et de l’Espace et de la Gendarmerie nationale sont tenus d'appliquer les règles du droit des conflits armés, qui sont contenues dans le Bulletin officiel en édition méthodique BOEM 101-2*, disponible depuis l'année 1998 dans les unités, les états-majors et les écoles du ministère des Armées. La directive du ministre de la Défense n°000147 en date du 4 janvier 2000 a réaffirmé, dans le prolongement d'une directive ministérielle du 15 avril 1991, l'importance de la bonne connaissance de ces règles par les militaires : cette connaissance est un préalable nécessaire à leur mise en œuvre adéquate.

C'est la raison pour laquelle la Direction des affaires juridiques, en coordination avec les états-majors, les directions et les services de ce ministère, a élaboré un manuel de droit des opérations. Cet ouvrage, destiné, en priorité, aux conseillers juridiques en opération, est accessible à un large public et peut servir à l'instruction de tout le personnel militaire des forces armées françaises, au titre de l'enseignement dispensé dans les écoles, comme à l'occasion de la progression individuelle. Il se substitue au précédent manuel de droit des conflits armés, qui prenait davantage la forme d'un lexique.

Manuel de droit des opérations militaires

Retrouvez ci-dessous le Manuel de droit des opérations militaires, élaboré par la direction des affaires juridiques en lien avec l’État-Major des armées, et consacré au droit des opérations militaires. Ce premier manuel de référence en France expose les principales règles régissant l’emploi de la force, sur le territoire national en temps de paix et dans les situations de conflit armé.

Historique

Au fil des siècles, les États ont acquis la conviction que le droit devait s'imposer dans la sphère des conflits, afin d'en limiter les effets les plus néfastes. Le développement des moyens de communication, l'apparition des armées de masse et la généralisation d'un armement toujours plus sophistiqué ont fait prendre conscience au monde du caractère inhumain et meurtrier des conflits contemporains.

Cette prise de conscience a connu une évolution sensible à partir du XVIe siècle avec la pratique des " cartels ", " capitulations " et " conventions d'armistice ". Ces évolutions, destinées à humaniser le traitement des victimes des combats, ont donné naissance à des règles coutumières, révélatrices du développement d'une certaine éthique du combattant.

Un véritable processus de construction de normes juridiques internationales a commencé dans la seconde partie du XIXe siècle, sous l'impulsion de personnalités comme Henri Dunant en Europe, témoin de la sanglante bataille de Solférino et inspirateur de la première convention de Genève de 1864, et Francis Lieber, rédacteur du premier code promulgué en la matière par le gouvernement des États-Unis d'Amérique à l'occasion de la guerre de Sécession.

Au tournant du XXe siècle, cette évolution s'est concrétisée avec les conventions de Genève de 1906 et celles de La Haye de 1899 et de 1907. Codifiant un domaine jusque-là régi par la coutume internationale, ces conventions marquent l'émergence conjointe d'un droit humanitaire protecteur des victimes et d'un droit de la guerre tendant à encadrer l'action des combattants.

Droit humanitaire et droit de la guerre ont évolué pour gagner en efficacité. La Première Guerre mondiale a montré à la fois le caractère incomplet de ces normes et les difficultés de leur application par les États. De nouveaux instruments conventionnels sont venus combler les lacunes d'un droit considéré comme insuffisamment protecteur. Le second conflit mondial a, par la suite, mis en évidence le besoin d'un ensemble plus complet de règles assurant la protection des victimes de guerre de manière plus efficace. Tel fut l'apport des quatre conventions de Genève du 12 août 1949 qui constituent, aujourd'hui encore, la base du droit humanitaire. Ces conventions s'inscrivaient dans la suite des procès de Nuremberg et de Tokyo où des juridictions internationales condamnèrent pour la première fois des criminels de guerre.

La deuxième moitié du XXe siècle a été marquée par l'élargissement des domaines couverts par le droit des conflits armés, au sein d'une société internationale dont le fonctionnement est fondé sur la charte des Nations unies. Le champ d'application du droit des conflits armés s'est ainsi ouvert à des aspects tels que la protection des biens culturels, la sauvegarde de l'environnement, la participation des enfants dans les conflits armés, ou bien encore l'interdiction de certaines armes ayant un caractère inhumain ou provoquant des traumatismes excessifs.

Parallèlement, la physionomie des conflits s'est largement modifiée. Les conflits internes impliquant de nouveaux acteurs non étatiques et pouvant avoir des répercussions internationales se sont multipliés, tandis que les opérations de soutien de la paix sont de plus en plus fréquentes depuis la fin de la guerre froide.

Qu'est-ce que le droit des conflits armés ?

Le droit des conflits armés constitue une branche spécifique du droit international public et regroupe trois domaines spécifiques.

  • Le droit de la guerre

Le droit de la guerre, également connu sous l'appellation de " droit de La Haye ", regroupe l'ensemble formé par les conventions de La Haye, dont les plus connues sont celles du 18 octobre 1907 concernant d'une part les lois et coutumes de la guerre sur terre, et d'autre part la pratique de la guerre maritime. Ces textes cherchent à protéger les combattants des effets les plus meurtriers de la guerre et définissent un certain nombre de règles applicables au combat, comme par exemple l'interdiction de la perfidie ou l'interdiction de déclarer qu'il ne sera pas fait de quartier. Les règles qui en découlent visent également la protection de certains biens particulièrement exposés, comme en témoigne la convention de La Haye du 14 mai 1954 relative à la protection des biens culturels en cas de conflit armé.

  • Le droit humanitaire

Le droit humanitaire englobe pour sa part l'ensemble formé par les conventions de Genève du 12 août 1949 concernant les blessés et malades (1ère convention), les naufragés (2ème convention), les prisonniers de guerre (3ème convention) et la population civile (4ème convention).

Ces quatre conventions ont vocation à protéger les victimes de la guerre, c'est-à-dire aussi bien les combattants qui ont été mis hors de combat, que les populations civiles qui subissent les effets néfastes des conflits. Depuis le début du XXème siècle, la proportion des victimes civiles des guerres dépasse très largement celle des victimes militaires. Aux frontières du droit de la guerre et du droit humanitaire s'est développé un droit mixte, qui inclut des règles appartenant à ces deux ensembles juridiques. Il s'agit des deux protocoles additionnels aux conventions de Genève du 12 août 1949, qui ont été adoptés le 8 juin 1977 à Genève. Un troisième protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 a été adopté le 8 décembre 2005, afin de créer un emblème additionnel – le cristal rouge – qui jouit du même statut international que les emblèmes de la croix rouge et du croissant rouge.

  • Le droit de la maîtrise des armements

Ce droit regroupe les conventions internationales interdisant, limitant ou réglementant l'emploi de certaines armes et munitions. Sont notamment interdites les armes chimiques et biologiques, les mines antipersonnel, les balles dum-dum, les armes à éclats non localisables, les lasers aveuglants. L'usage des armes incendiaires est pour sa part réglementé et limité à l'attaque des seuls objectifs militaires situés à distance ou à l'extérieur d'une concentration de civils. De même, l'usage des mines autres qu'antipersonnel demeure autorisé à condition de faire en sorte que toutes les précautions soient prises pour protéger les civils de leurs effets. Le droit de la maîtrise des armements complète les instruments internationaux relatifs au désarmement, comme le traité sur les Forces conventionnelles en Europe (FCE) ou les traités new START et SALT : ces instruments vont au-delà de la maîtrise des armements, dans la mesure où ils visent à une réduction progressive de certaines armes, jusqu'à leur disparition, alors que la maîtrise des armements n'a pas nécessairement pour objet l'interdiction totale de tel ou tel type d'arme.

Pourquoi un droit des conflits armés ?

C'est à l'occasion des conflits armés que la puissance souveraine des États se manifeste avec le plus de vigueur. Dans ce contexte, certains États n'hésitent pas à privilégier l'efficacité militaire par rapport aux règles du droit. À l'inverse, le respect du droit des conflits armés doit permettre de mener les opérations militaires en limitant les effets inhumains de la guerre. C'est là une condition indispensable pour que ne s'enclenche le cercle vicieux de la barbarie.

Les règles du droit des conflits armés, aussi imparfaites soient-elles, constituent une protection précieuse, tant pour les forces armées que pour les populations civiles. Elles permettent surtout de résoudre, ou de tenter de résoudre, des situations difficiles, complexes ou ambiguës qui caractérisent les conflits armés. Elles encadrent l'action des forces armées, qui contribue à l'image de la France à l'occasion de chaque intervention extérieure.

Quand s'applique-t-il ?

Le droit des conflits armés s'applique en période de conflit armé. Il peut s'agir d'un conflit armé international, mais aussi d'un conflit armé non-international. Les conflits armés non internationaux doivent être distingués des situations de tensions internes, de troubles intérieurs, d'émeutes et d'autres actes de violence analogues, qui ne sont pas considérés comme des conflits en tant que tels.

Une telle distinction est importante car en découle le régime des règles applicables dans chacune de ces circonstances. Ainsi, s'agissant du droit international humanitaire, le protocole II additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 est d'application lors des conflits armés non internationaux. En revanche, lors d'un conflit armé international, les parties au conflit peuvent se prévaloir aussi bien des quatre conventions de Genève du 12 août 1949 que du protocole additionnel à celles-ci. Les règles applicables dans les situations de conflit armé international sont donc plus étendues et plus protectrices que celles qui régissent les conflits armés non internationaux.

Le noyau dur des droits fondamentaux de la personne humaine s'applique quant à lui en toutes circonstances, hors conflit ou que le conflit considéré revête un caractère international ou non international. Ce noyau dur repose d'une part sur l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève du 12 août 1949, qui définit les règles essentielles de sauvegarde de la personne humaine, et d'autre part sur le corpus juridique des droits de l'homme, qui énonce les trois grands principes que sont : le principe d'inviolabilité, qui garantit à tout homme et à tout combattant le droit au respect de sa vie ainsi que de son intégrité physique et morale ; le principe de non-discrimination, qui indique que les individus sont traités sans aucune distinction de race, de sexe, de nationalité, d'opinion politique, philosophique ou religieuse ; le principe de sûreté, qui garantit à tout individu qu'il ne peut être tenu responsable d'un acte qu'il n'a pas commis, qui prévoit que chacun doit pouvoir bénéficier des garanties judiciaires fondamentales et que sont interdites les représailles, les peines collectives, la prise d'otage et les déportations.

À qui s'applique-t-il ?

Le droit des conflits armés vise à protéger les combattants agissant dans le cadre d'un conflit armé, mais aussi les blessés, les malades, les naufragés, le personnel sanitaire et religieux, les prisonniers de guerre, les correspondants de guerre, les parlementaires, le personnel des organismes de secours et de protection civile, les réfugiés et, plus généralement l'ensemble des populations civiles impliquées dans une situation de conflit armé. Au sein de la population civile, les femmes et les enfants bénéficient d'une protection spéciale.

Quels sont les principes fondamentaux de ce droit des conflits armés ?

Le droit des conflits armés est sous-tendu par cinq principes fondamentaux.

  • Un principe d'humanité

Le principe d'humanité repose sur la volonté d'éviter dans toute la mesure du possible les maux superflus engendrés par le recours à la force. De ce fait, le choix des moyens et méthodes de combat n'est pas illimité ; il doit respecter les normes de droit des conflits armés qui tendent à limiter les effets néfastes de l'usage de la violence. Comme le rappelle la clause dite de Martens : " Les personnes civiles et les combattants restent sous la sauvegarde et sous l'emprise des principes du droit des gens, tels qu'ils résultent des usages établis, des principes de l'humanité et des exigences de la conscience publique. " Cette clause, énoncée pour la première fois par le jurisconsulte estonien Frédéric de Martens au service du tsar, figure désormais dans de nombreuses conventions internationales.

Le respect du droit des conflits armés répond donc avant tout à une logique d'humanité. Toute bataille gagnée au mépris de la dignité humaine est en effet, tôt ou tard, une bataille perdue.

  • Un principe de distinction

Le principe de distinction impose aux belligérants de distinguer les objectifs militaires, qui peuvent être attaqués, des biens et populations civils qui ne doivent faire l'objet d'aucune attaque volontaire. L'une des difficultés majeures de l'application de ce principe réside dans les modalités pratiques de distinction entre objectifs militaires et biens civils. L'article 52 du protocole I additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 précise à cet égard " qu'en ce qui concerne les biens, les objectifs militaires sont limités aux biens qui, par leur nature, leur emplacement, leur destination ou leur utilisation apportent une contribution effective à l'action militaire et dont la destruction totale ou partielle, la capture ou la neutralisation offre en l'occurrence un avantage militaire précis ".

  • Le principe de nécessité militaire des attaques, qui ne peuvent être dirigées que contre des objectifs militaires

Les objectifs militaires sont limités aux biens qui apportent une contribution effective à l’action militaire de l’ennemi par leur nature, leur emplacement, leur destination ou leur utilisation et dont la destruction totale ou partielle, la capture ou la neutralisation offre à l’attaquant un avantage militaire précis. La destruction, la capture, ou la neutralisation du bien doivent offrir, dans les circonstances de temps et de lieu, un avantage militaire précis.

Est ainsi contraire au droit international humanitaire le fait de lancer une attaque qui n'offre que des avantages indéterminés ou éventuels. En cas de doute, tout bien normalement affecté à un usage civil est présumé ne pas être utilisé en vue d’apporter une contribution effective à l’action militaire. Il ne pourra donc pas faire l’objet d’attaques et sera protégé contre les effets des attaques.

Du principe de distinction découle l’interdiction de mener des attaques indiscriminées, qui sont au nombre de trois : les attaques qui ne sont pas dirigées contre un objectif militaire déterminé (comme par exemple un soldat qui tire dans toutes les directions sans viser un objectif militaire précis) ; les attaques dans lesquelles les méthodes ou moyens de combat utilisés ne peuvent pas être dirigés contre un objectif militaire déterminé (comme par exemple des missiles de longue portée qui ne peuvent pas être dirigés sur leur cible avec précision) ; et les attaques dans lesquelles sont utilisés des méthodes ou moyens de combats dont les effets ne peuvent être limités (comme l’utilisation d’une bombe de 10 tonnes pour détruire un bâtiment en zone urbaine et fortement peuplée) ;

  • Un principe de proportionnalité

Le principe de proportionnalité vise à s'abstenir de lancer une attaque dont on peut attendre qu'elle cause incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages aux biens de caractère civil, ou une combinaison de ces pertes et dommages, qui seraient excessifs par rapport à l'avantage militaire concret et direct attendu. L'application de ce principe pose en fait la question de l'adéquation entre les moyens mis en œuvre et l'effet militaire recherché.

L'application du principe de proportionnalité n'exclut pas que des dommages puissent être incidemment causés à la population civile ou à des biens civils, à condition que ces dommages ne soient pas excessifs par rapport à l'avantage militaire concret et direct attendu. Elle n'exclut pas non plus que des objectifs, jouissant d'une protection particulière en l'application d'une convention internationale, constituent des cibles lorsque cette convention mentionne expressément la faculté pour l'attaquant de tirer argument de l'existence d'une nécessité militaire pour infliger de tels dommages.

  • Le principe de précaution dans les attaques et contre les effets des attaques, s’applique lorsqu’une opération militaire doit être poursuivie alors qu’il existe des risques pour les civils, mais aussi lorsque la partie se défend des attaques de l’adversaire.

Ce principe est appliqué au regard des informations disponibles autant que faire se peut, que ce soit lors de l’attaque ou contre les effets de l’attaque. Il impose une obligation de moyens et son respect est évalué au regard des précautions prises et non au regard des effets produits.

En vertu de ce principe, les opérations militaires conduites doivent veiller constamment à épargner la population civile, les personnes civiles et les biens à caractère civil [PA I, art. 57, al. 1.], c’est-à-dire au cours de chaque déplacement, manœuvre et action de toute nature, effectués par les forces armées en vue des combats [CICR, Commentaire du Protocole additionnel aux Conventions de Genève relatif à la protection des victimes des conflits non-internationaux, 1987, art. 57, al. 1, § 2191]. Il signifie qu’avant de lancer une attaque les parties doivent :

- Faire tout ce qui est pratiquement possible pour vérifier que le caractère militaire des objectifs à attaquer et non des personnes civiles, des biens de caractère civil ou bénéficiant d’une protection spéciale [PA I, art. 57, al. 2, a), i)]. Ceux qui préparent ou décident une telle attaque doivent ainsi prendre en temps utile les mesures d'identification nécessaires, afin d'épargner, autant que possible, la population civile [CICR, Commentaire du Protocole additionnel aux Conventions de Genève relatif à la protection des victimes des conflits non-internationaux, 1987, art. 57. al. 2, § 2198.];

 - Impérativement prendre toutes les mesures réalisables ou possibles en pratique, compte tenu des circonstances du moment pour éviter ou en tous cas réduire au minimum les pertes en vies humaines dans la population civile, les blessures aux personnes civiles et les dommages aux biens de caractère civil, en choisissant des moyens et méthodes de guerre qui causent le moins de dommages possible [PA I, art. 57, al. 2, a), ii)] ;

- S’abstenir de lancer une attaque dont on peut attendre qu’elle cause des dommages incidents à la population civile et aux biens de nature civile, qui seraient excessifs par rapport à l’avantage militaire concret et direct attendu [Ibidem, art. 57, al. 2, a), iii)].

-Par ailleurs, le principe de précaution implique de prendre la décision d’annuler ou d’interrompre une attaque planifiée ou en cours d’exécution lorsqu’il apparaît que celle-ci violerait les règles régissant la conduite des hostilités (attaque contre un bien civil, dommages collatéraux disproportionnés) [Ibid, art. 57, al. 2, b]. Pour les autorités françaises, il s’agit d’une obligation de moyen qui « appelle seulement l’accomplissement des diligences normales pour annuler ou interrompre cette attaque, sur la base des informations dont dispose celui qui décide de l’attaque » [Réserves et déclarations interprétatives concernant l’adhésion de la France au Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), § 16].

Quels sont les enjeux du droit des conflits armés ?

Le respect du droit des conflits armés est une garantie d'efficacité dans l'accomplissement de la mission. Il valorise le comportement des combattants, tout en renforçant leur sens de la discipline. Il facilite la gestion des sorties de crise et le retour à la paix, à l'heure où ces questions deviennent primordiales dans toute intervention extérieure.

Droit d'équilibre entre le principe d'humanité et les nécessités militaires, le droit des conflits armés rejoint le principe d'économie des forces et des moyens.

Pour être efficace, le droit des conflits armés doit être respecté par le plus grand nombre d'États. Il doit tendre vers l'universalité, afin d'être accepté par tous. Il doit aussi être encadré par des mesures de confiance, de surveillance, de contrôle et de sanction.

Alors que les obligations nées de la morale individuelle ou collective ne sont appliquées que sur un mode volontaire et ne sont sanctionnées que de manière aléatoire, les obligations nées du droit lient l'ensemble des ressortissants des États qui se sont engagés à les respecter et peuvent faire l'objet, lorsque les textes le prévoient, de sanctions disciplinaires et pénales.

Qui est chargé du respect du droit des conflits armés ?

Les combattants sont tenus de respecter en toutes circonstances les règles du droit des conflits armés. Ils ne peuvent en aucun cas s'en affranchir, quels que soient le cadre et le mandat de leur mission, même si l'adversaire ne respecte pas lui-même ces règles.

Le commandement assume une responsabilité générale en la matière et doit s'assurer que les membres des forces armées connaissent leurs droits et appliquent les obligations qui en sont le parallèle. Il est à ce titre responsable de leur instruction.

Par ailleurs, outre les sanctions disciplinaires qu'elles peuvent entraîner, les infractions aux règles du droit des conflits armés sont également susceptibles d'être pénalement sanctionnées. Les personnes incriminées peuvent être poursuivies devant les tribunaux judiciaires français, mais aussi, dans certaines circonstances, devant les tribunaux pénaux internationaux qui seraient compétents.

Au terme de cette introduction, il apparaît que la démarche du militaire qui s'engage dans le perfectionnement de sa connaissance du droit des conflits armés doit obéir à trois principes directeurs :

- Un principe de confiance d'abord, car les règles du droit des conflits armés sous-tendent l'ensemble de la doctrine militaire française et sont prises en compte à tous les échelons de la hiérarchie militaire. Le développement équilibré de ces règles et leur bonne application constituent des objectifs cardinaux pour l'ensemble des États respectueux de leurs engagements internationaux, et la France y contribue largement. L'exemplarité du comportement de nos forces armées en la matière permet aussi que ces règles, parfois ignorées ou transgressées, soient mieux appliquées partout dans le monde.

- Un principe de réalisme ensuite, car le respect du droit des conflits armés se place dans le droit fil des préoccupations naturelles des forces armées disciplinées et organisées. Même si ces règles peuvent paraître parfois complexes ou ambiguës, leur mise en œuvre repose sur l'application des valeurs qui sont celles des États démocratiques, qui viennent les éclairer. Cette mise en œuvre appelle aussi le recours aux facultés de jugement et de bon sens qui orientent le militaire pour l'ensemble de son action.

- Un principe de persévérance enfin, car le droit des conflits armés ne saurait constituer un simple savoir théorique, mais doit avoir sa place dans l'état d'esprit qui anime l'ensemble de l'institution militaire et chacune de ses composantes. L'engagement dans cette voie des plus hautes autorités du ministère des Armées doit donc être relayé en permanence, à chaque niveau de la hiérarchie, de façon que tout militaire puisse sentir qu'en s'investissant dans la connaissance de ce droit, il adhère à l'un des fondements de cette institution.

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