Trois cents ans d’histoire

Le service de santé des armées au centre du champ de bataille

Chargement d'un blessé dans un train sanitaire en gare de Verdun. © SSA

L’Édit signé par Louis XIV le 17 janvier 1708 est l’acte de naissance reconnu du Service de santé des armées. Il crée les charges de médecins et de chirurgiens dans les armées. Il officialise une organisation étatique visant à assurer la cohérence du système de prise en charge des blessés et des malades militaires.

Depuis, le service de santé a sans cesse proposé des solutions conceptuelles ou matérielles pour porter sur le champ de bataille toutes les possibilités offertes par la médecine.

Il est ainsi parvenu aujourd’hui à construire une chaîne de prise en charge thérapeutique, cohérente, continue et s’adaptant sans cesse aux besoins des forces.

Le XVIIIe siècle et l’apparition des formations sanitaires mobiles

Traiter au plus tôt ou évacuer au plus vite ? La prééminence est donnée alternativement à l’une ou l’autre des deux possibilités de prise en charge des blessés.

Après la bataille de Fontenoy en 1745, qui fait 5500 victimes dont 3250 blessés, s’impose la nécessité de créer des formations mobiles pour l’accueil et les traitements d’urgence, à proximité des lieux où se déroulent les combats.

Le souci le plus évident est de réduire les délais de prise en charge des blessés, en rapprochant l’ambulance des combats ou en limitant les durées de transport vers les structures sédentaires les plus proches.

Dans la réalité, tout ceci reste souvent théorique et les secours aux blessés sont généralement improvisés en fonction des circonstances, jusqu’à la fin du premier Empire.

Le XIXe siècle et la quête de l’autonomie

Pourtant, les propositions d’améliorations venues des rangs des chirurgiens et des médecins militaires ne manquent pas. Elles viennent pour l’essentiel buter sur la toute-puissante incompétence, et parfois malhonnêteté, des commissaires des guerres.

Pierre-François Percy (1754-1825) propose la création d’un corps de brancardiers d’ambulance. Il accroît la mobilité des équipes chirurgicales en créant les ambulances chirurgicales mobiles.

Dominique Larrey (1766-1842) revendique la paternité des « ambulances volantes » qui apparaissent en 1797. Trois lignes de soutien sanitaire sont organisées dans la profondeur à l’arrière des combats. La priorité de traitement fait son apparition. Il est le père de la médecine d’urgence.

René-Nicolas Desgenettes (1762-1837) tente d’apporter un soin particulier à l’hygiène des troupes en campagne et à la prévention des épidémies.

Ce sont les désastres sanitaires des campagnes de Crimée, d’Italie puis de France en 1871, qui permettent des réformes profondes en 1882 et 1889. Elles accordent l’autonomie technique puis administrative au Service de santé dont le potentiel d’innovation et de réalisation est enfin libéré.

Le XXe siècle et la reconnaissance des besoins du soutien sanitaire

L’inadaptation aux conditions de la Grande Guerre est totale et le désastre sanitaire des premiers mois oblige le service de santé à procéder à une vaste réorganisation dès septembre 1914.

Le triage médico-chirurgical naît. Il s’impose dans toutes les armées et son esprit se retrouve aujourd’hui dans la pratique civile des services d’aide médicale d’urgence. Il permet de catégoriser les blessés en fonction de degré d’urgence du traitement chirurgical et de celle de l’évacuation. Il permet aussi de compléter la mise en condition de survie réalisée au premier échelon et d’effectuer les gestes chirurgicaux salvateurs, rapides et déterminants.

Une direction du Service de santé est créée au sein de l’état-major. Les impératifs sanitaires sont désormais pris en considération dès la planification.

Au sortir de la guerre, le service de santé est doté des structures et matériels, telles que les « autochirs » et les voitures radiologiques, qui lui permettent de remplir au mieux sa mission.  Les premiers avions adaptés aux évacuations par voie aérienne apparaissent. Son organisation fait école et ses matériels de campagnes sont adoptés à l’étranger.

Malheureusement, durant l’entre deux guerres, le dispositif sanitaire se fige et se trouve dépassé lors de la campagne de France. À partir de 1943, lorsque les forces françaises reprennent le combat, les moyens mis en œuvre et leur fonctionnement sont ceux de l’armée américaine. Mais, le goût français de l’adaptabilité génère quelques aménagements. Les médecins français décident parfois de pousser à l’avant une « antenne » chirurgicale en mesure d’assurer au plus tôt la prise en charge des blessés les plus urgents.

La guerre d’Indochine nécessite une nouvelle adaptation. Les hommes et femmes du Service de santé partagent avec les soldats jour après jour les risques d’un combat éprouvant. Le soutien repose sur les médecins affectés dans chaque bataillon où ils assurent, au plus près, la prise en charge des blessés, parfois dans un long isolement. La voie aérienne s’impose pour les évacuations. L’hélicoptère  permet d’accéder au plus près des postes de secours. Les formations chirurgicales s’allègent pour être aérotransportées et parachutées.

Durant la guerre froide, une organisation strictement hiérarchisée se met en place, adaptée à un combat frontal. Sa planification est imposée par la nécessaire interopérabilité avec nos alliés.

Au XXIe siècle, qualité et technicité au service des combattants

En 1995, un nouveau concept est adopté. Il s’appuie sur deux constats sociologique et éthique :

 - le combattant engagé en opération extérieure doit pouvoir bénéficier des secours d’une médecine ayant une qualité égale à celle qui est réalisée dans les secours publics et la vie professionnelle. L’obligation de moyens est une réalité qui s’impose à tous ;
 - il ne suffit pas de sauver les vies. Il faut préserver ou être capable de restaurer au maximum les fonctions garantissant aux blessés la meilleure réinsertion possible dans la société.

Dès lors, il est indispensable d’amener sur des théâtres même éloignés de la métropole, au plus près des combats, des compétences techniques adaptées aux différentes situations : les médecins, les chirurgiens, les anesthésistes-réanimateurs, des spécialistes (ophtalmologistes, ORL, neurochirurgiens…).

Il faut également évacuer les blessés et malades aussitôt que le permet le traitement d’urgence ou la mise en condition de survie, sur un hôpital où les conditions de soins seront toujours plus performantes que celles déployées sur le terrain. Des vecteurs rapides comme l’avion, ou des vecteurs permettant la continuité des soins dans la durée, comme un navire disposant d’équipement performants, sont donc indispensables.

Source : MGI Wey (2s), spécialiste des techniques d’organisation et de logistique santé, Médecine et armées, décembre 2008, tome 36, n°5

Quelques grands personnages du service de santé des armées

Les médecins, pharmaciens, vétérinaires, ingénieurs et techniciens du service de santé ont cherché à innover pour le bien des armées et de la santé publique. Ils ont notamment toujours été très présents dans la lutte contre les maladies infectieuses.

- Louis Jacques Bégin (1793-1859) est chirurgien du Premier jusqu'au Second Empire et président de l'Académie de médecine en 1847 ;
- Antoine Augustin Parmentier (1737-1813) met en place la vaccination antivariolique dans les armées ;
- Louis Vaillard (1850-1935) crée le premier laboratoire de recherche du Service de santé en 1889 ;
- Jean-Antoine Villemin (1827-1892) démontre la transmissibilité de la tuberculose. On lui doit le terme « antibiotique ». Il sera président de l’académie de médecine en 1893
- Alphonse Laveran (1845-1922) découvre l’agent du paludisme. Il obtient le prix Nobel de médecine en 1907 ;
- Albert Calmette (1863-1933) met au point, avec Guérin, le vaccin contre la tuberculose (BCG) ;
- Alexandre Yersin (1863-1943) découvre le bacille de la peste, Paul-Louis Simond (1858-1947), le rôle de la puce du rat dans la transmission de la maladie  et Georges Girard (1888-1985) et Jean-Marie Robic (1893-1968) découvrent le vaccin contre la peste ;
- Eugène Jamot (1879-1937), développe la lutte contre la maladie du sommeil par une médecine mobile et de terrain ;
- Jean Laigret (1893-1966) met au point le vaccin contre la fièvre jaune, développe sa production et la vaccination à grande échelle
- Louis Tribondeau (1872-1918) fournit, avec Jean-Alban Bergonié, les bases méthodologiques qui vont permettre de développer la radiothérapie ;
- Robert Picqué (1877-1927) est le pionnier du transport médical aérien ;
- Hyacinthe Vincent (1862-1950) participe à la mise au point du vaccin contre la typhoïde et promeut la vaccination des troupes françaises durant la Grande Guerre ;
- Charles Hédérer (1886-1967) travaille sur la protection contre l’arme chimique et améliore la plongée autonome ;
- Robert Grandpierre (1903-1984) développe les premiers programmes de biologie et physiologie spatiales ;
- Henri Laborit (1914-1995), chirurgien et biologiste, est le découvreur des neuroleptiques. Il reçoit le prix Lasker en 1957 ;
- Valérie André (1922- ) est pionnière de l'évacuation médicale héliportée, lors de la Guerre d'Indochine ;
- Dominique Dormont (1948-2003) est un pionnier dans la recherche des nouveaux agents infectieux (VIH – prion). Il est spécialiste de l'encéphalopathie spongiforme bovine. Il a joué un rôle clé dans la gestion de la crise de « la vache folle ».

Pour en savoir plus :

Le musée du service de santé des armées

La médecine militaire, le service de santé des armées, sous la direction d’Eric Deroo, SSA/ECPAD, 2008 (épuisé)

Editorial de la revue Médecine et armées, numéro spécial tricentenaire, tome 36, n°5, décembre 2008

Visualiser et télécharger le fichier Editorial-MEA-Tricentenaire-SSA
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