Un espace et un parcours réinventés

Place du Trocadéro, face à la tour Eiffel, se dresse un grand bâtiment aux courbes élégantes : le Palais de Chaillot. Dès l’entrée, deux mondes s’opposent. Le musée de l’Homme, avec une entrée lumineuse, et la nouvelle entrée du musée de la Marine, plus sombre.

Un espace et un parcours réinventés © Rémy Martin

Un espace et un parcours réinventés

Mystérieuse, elle se veut immersive : « Cela rappelle un peu la cale d’un bateau, d’où le choix d’un acier gris sombre et d’un plafond noir composé de luminaires qui s’animeront pour former des vagues », détaille Antoine Santiard, architecte chez h2o, l’un des acteurs de la rénovation. Quelques mètres plus loin, le contraste est notable, avec un vestibule très clair et blanc. Dans ce hall, plusieurs salles permettent de plonger dans le milieu maritime avec un « espace actualité », un auditorium, une librairie boutique ou encore un salon des adhérents accessible grâce au programme de fidélité à destination des passionnés du lieu de tous âges. Le parcours muséographique débute une fois les caisses franchies. Le public se retrouve alors nez à nez avec l’étrave, à taille réelle, d’un navire. À l’intérieur, une projection d’un film d’environ deux minutes montre la mer sous toutes ses dimensions (au-dessus, sur et sous la mer). La visite se poursuit en plusieurs étapes : quatre escales et trois traversées. « On a conçu le parcours comme un voyage en mer », déclare le directeur. Tout au long du parcours, les sens du visiteur seront largement sollicités : la vue, l’odorat, le toucher et l’ouïe, grâce à des dispositifs interactifs et immersifs.

Les trésors des escales

À l’origine de la création du musée de la Marine, les maquettes, en bois, en ivoire, et même en clous de girofle, sont des trésors de la construction navale. Dans la première pièce de la galerie, le public peut ainsi découvrir des modèles du XVIIIe siècle, mesurant parfois plus de 5 mètres de haut, mais aussi des navires au service de la science, de l’archéologie à l’expérimentation, en passant par les jouets pour enfants. Prochain arrêt, les cartes, les boussoles, les compas de route, les lentilles de phare. Ces objets permettaient de se repérer en mer bien avant l’arrivée du GPS. Autour d’un grand cercle, le visiteur pourra observer ces différents outils de navigation anciens et modernes. En levant la tête, il apercevra une véritable lentille de Fresnel : statique, elle s’illuminera comme par magie et se mettra à tourner à l’identique de celle d’un phare grâce à une scénographie imaginée par des ingénieurs. Au fond de la galerie se dresse une immense sculpture de quatre mètres de haut : la figure de proue du Iéna qui représente l’empereur Napoléon Ier et, en poursuivant le regard un petit peu plus loin, le tableau arrière de la Réale, célèbre galère royale du XVIIe siècle. Le décor flotte au-dessus d’un oculus lumineux. Cette étape de la visite est ainsi consacrée à la sculpture navale. Pour accéder à la dernière escale, rendez-vous au sous-sol. Après avoir descendu une vingtaine de marches, le visiteur est encerclé par les Vues des ports de France de Joseph Vernet au-dessus desquels est suspendue la Réale. Vue d’en bas, elle est encore plus majestueuse. La percée réalisée entre les deux étages crée une continuité entre les règnes de Louis XIV et Louis XV. La série de tableaux, réalisé par Vernet, est une commande passée par Louis XV, dont 13 appartiennent au musée et deux sont conservés au Louvre « pour montrer la puissance militaire et commerciale du royaume », explique Rémy Hoche.

Les enjeux des traversées

Des conteneurs, une vague animée, le poste équipage (chambrée) du dernier sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Suffren. Trois traversées, trois enjeux maritimes identifiés et surtout trois temporalités (passé, présent, avenir). En déambulant dans cet espace du musée, le public pourra découvrir des maquettes de paquebots tels que le France – ou des navires plus modernes et novateurs. L’occasion de tester des dispositifs numériques comme des panneaux interactifs ou encore un casque de réalité virtuelle. Les outils de pêche artisanaux, l’énergie produite par la mer ou encore le commerce international entourent ce premier volet consacré à l’économie maritime. Quelques mètres plus loin, le bruit des vagues attire l’attention. Une immense structure de dix mètres de haut est animée grâce à un jeu de lumière afin de recréer le mouvement de la houle. La mer peut faire peur, autrefois menaçante, elle est aujourd’hui menacée par la pollution. Un enjeu écologique qui préoccupe particulièrement les jeunes générations. Dans cette traversée dédiée aux tempêtes et aux naufrages, le public pourra observer des objets d’anciennes expéditions sous-marines avec la présentation du scaphandre des frères Carmagnolle, se familiariser avec les croyances et superstitions des marins mais aussi connaître les anges gardiens des plaisanciers et des marins qui œuvrent quotidiennement dans le sauvetage en mer. Un dispositif permet ainsi de montrer comment se déroule une opération de sauvetage en coordination avec le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS).

La dernière étape de la visite a une saveur toute particulière pour les marins car l’espace est consacré à la puissance navale. Lieu chargé d’Histoire, il retrace les missions de la Marine et son développement du XVIIe siècle jusqu’à nos jours. L’évolution de la Marine se situe au centre de la galerie et dans des niches sur les côtés des objets reliés à chaque période : plaque de blindage, premiers filets anti-torpilles, tenues des « chiens jaunes » ou encore reconstitution de la cabine du contre-torpilleur Mogador et d’un poste équipage du SNA Suffren. « Nous souhaitons attirer un maximum de personnes. Nous parlons aux amateurs mais aussi aux néophytes. Tous doivent pouvoir s’y retrouver facilement », explique Rémy Hoche.

Une visite universelle

Le musée a pensé à tout avec un parcours 100% accessible à tous les handicaps moteurs ou psychiques : visite guidée, application de visite (avec un parcours sonore, de l’audiodescription ou encore une traduction en langue des signes), créneau de scénographie adoucie (une fois par mois pour le grand public, et une fois par semaine pour les groupes) et même une « bulle » inspirée de la méthode Snoezelen, initiée dans les années 1970 aux Pays-Bas. Cet espace sensoriel de 10 m², aux tons neutres, en accès libre, est initialement pensé pour les publics ayant un trouble du spectre autistique, leur permettant de s’isoler et de se ressourcer grâce à des ambiances différentes, lumineuses, sonores et olfactives. Le directeur du musée a cette volonté d’accueillir tout le monde.

Une scénographie bien ficelée

« Avec les mêmes œuvres, nous avons transformé la muséographie. Cela permet de créer une continuité entre l’ancienne version du musée de la Marine et la nouvelle », assume le directeur. Plus ludique et adaptée à tous les publics, la scénographie se mêle harmonieusement avec l’architecture. Une fois la construction du bâtiment terminée, les scénographes ont pu passer à l’action. La mise en scène s’inscrit dans les objectifs de la galerie grâce à des « points de repère sculpturaux qui guident les visiteurs à travers le musée », détaille un représentant de chez Casson Mann. Ainsi, l’immense vague, la coque de navire ou encore les conteneurs maritimes permettent d’immerger le public dans les défis maritimes actuels.

Le musée souhaite également renouveler fréquemment ses collections. Pour cela, un espace de 900 m² est dédié aux expositions temporaires. La galerie présentera des œuvres qui se veulent « le reflet de grandes questions et de grands enjeux de la mer », selon le directeur. Il y aura deux expositions par an afin de créer une dynamique. La première est programmée du 13 décembre 2023 au 5 mai 2024 afin de mettre à l’honneur la mer dans le 7e art. Un milieu qui attire les cinéastes depuis de nombreuses années. Ainsi plus de 300 œuvres, affiches, peintures, extraits de films seront exposés en collaboration avec la Cinémathèque française. Suivra ensuite un cycle « Planète bleue » à la hauteur de la nouvelle ambition du musée.

Statue © Rémy Martin

Statue

Statue

Partager la page

Veuillez autoriser le dépôt de cookies pour partager sur

Contenus associés