Depuis combien de temps existe la Revue historique des Armées (RHA) et pourquoi a-t-elle été créée ?

La RHA est née en 1945, héritière de la Revue d'Histoire (éditée, sous diverses appellations, depuis 1901) et a été publiée de manière constante depuis. Juste après la guerre, l'​Armée est dans une nécessité de renouveau à plusieurs titres : politique, mémoriel, d'identité militaire... Il faut donc créer un nouvel organe en vue de relancer l'activité intellectuelle des cadres militaires. A l'époque, la revue est surtout élaborée par des militaires et s'adresse très largement à eux. Avec le temps, elle va de plus en plus déborder de ce champ pour s'adresser aux amateurs d'Histoire en général, puis au monde universitaire et de la recherche.

Quelle a été l'évolution de la ligne éditoriale ?

Les sujets traités portaient au début sur l'Histoire opérationnelle, récente ou plus ancienne, et les traditions militaires. Un tournant s'est amorcé dans les années 1970-1980 vers une Histoire plus académique et universitaire. Il a été définitivement conforté il y a une dizaine d'années, avec la volonté de réaliser une publication qui prenne rang parmi les revues d'Histoire dans le domaine scientifique. Cela veut dire des sujets beaucoup plus larges : nouvelles thèses universitaires ou nouveaux objets, comme les questions du genre, l'Histoire connectée*, institutionnelle, culturelle... et des processus d'évaluation de type académique. Nous proposons un dossier thématique par numéro, des informations relatives aux fonds d'archives conservés par le SHD, diverses chroniques bibliographiques, des comptes rendus de travaux universitaires, de colloques et d'ouvrages. La RHA est désormais la revue d'Histoire de référence du ministère des Armées.

La revue jouit-elle d'une certaine indépendance par rapport à l'institution militaire ?

Dès le début, cette revue a bénéficié d'une capacité d'indépendance et a fait preuve d'un regard qui pouvait être critique sur l'Armée. Même si elle a évité des sujets qui pouvaient prêter à polémique dans des périodes plus complexes, comme la guerre d'Algérie, elle a toujours manifesté sa volonté de « faire de l'Histoire ». Il n'y a donc pas de censure au sens propre du terme, ni d'interdits. Certes, ce qui relève de l'Histoire très contemporaine et d'archives encore classifiées n'est pas ou peu abordé et il existe des sujets qui font l'objet de précautions, légitimes pour une revue émanant du ministère. Mais la Collaboration ou les guerres de décolonisation, par exemple, sont traités. Notre seul critère est celui de la vérité historique. Tout peut être écrit à partir du moment où les archives, en particulier celles du SHD, étayent la démonstration. Il existe toujours ce soupçon que cette revue, élément de rayonnement intellectuel des Armées, soit plus institutionnelle que scientifique. Or, ce n'est pas le cas.

Quels sont le lectorat et le tirage ?

Il existe un lectorat traditionnel composé des institutions, notamment militaires, et un lectorat d'amateurs d'Histoire, qui représentent les 300 abonnés à la version papier. Il existe aussi un lectorat élargi d'étudiants, de chercheurs et d'amateurs académiques qui consulte la revue via les plates-formes électroniques sur lesquelles tous les articles sont disponibles à la demande. La diffusion sur Internet peut représenter jusqu'à 2 000 consultations pour un même numéro. Il y a quatre numéros par an que l'on peut acheter dans la plupart des centres d'archives du SHD. Il est également possible de les commander chez son libraire.

Comment cette revue est-elle conçue ?

Par une rédaction, qui gère les aspects scientifiques et le suivi éditorial. Il existe un conseil scientifique composé à la fois de militaires, dont des officiers docteurs en Histoire, et de chercheurs civils, ainsi qu'un comité de rédaction comprenant principalement des membres du SHD (officiers, professeurs ou conservateurs), eux aussi diplômés en Histoire. Le SHD est aussi représenté grâce à son service iconographique, sa bibliothèque, ses archives… qui fournissent rubriques et images.  Nous avons aussi des liens avec l'Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD) qui peut fournir de l'iconographie. Nous travaillons également avec les autres centres de recherche qui existent au sein de l'Armée, comme le centre de l'armée de l'Air et de l'Espace (CESA) ainsi que les écoles militaires. Bien évidemment, la revue se nourrit aussi des fonds d'autres centres d'archives : archives diplomatiques, nationales, la Contemporaine, de l'outre-mer, des départements, religieuses… Notre exigence est que ces sources soient croisées avec les archives du SHD. Reste la question de l'accessibilité des archives militaires et des questions de classification. Dans les grands sujets que nous mettons en avant, l'histoire des opérations extérieures est un axe d'effort.

Qui sont les auteurs ?

Ils sont de toute nature : historiens militaires français et étrangers, chercheurs civils, étudiants, enseignants de l'université ou de l'Education nationale. Les conservateurs, qu'ils viennent des bibliothèques ou des archives du SHD, participent également très largement à la revue. Il peut même s'agir de simples passionnés d'Histoire, qu'ils soient militaires ou non, en particulier sur les sujets liés à la tradition et la symbolique. Toute personne peut nous proposer un article en respectant la nomenclature de la revue, et l'article est alors évalué en double aveugle.

Parlez-nous du dernier numéro, « 1944-1954. Variations d'intensité et adaptations dans l'armée française », consacré aux sorties de guerre.

Nous voulons chaque année coller à l'actualité mémorielle. Ce numéro s'inscrit justement dans la perspective des 80 ans de la Libération tout en essayant de suivre la trace des approches historiographiques les plus modernes. En ce moment, le thème des "sorties de guerre" au sens large, qui a remplacé la notion moins problématisée de "l'après-guerre", est devenu un cadre de réflexion. Ce numéro aborde la question d'une Armée française qui se remet en ordre, notamment dans le cadre des conflits de décolonisation, qui s'inscrit aussi dans la Guerre froide et qui doit retrouver sa place dans l'OTAN et l'Europe. L'objectif de ce numéro est de repenser, sur le long terme, une sortie de guerre avec la complexité de la recréation d'une Armée française après la Seconde Guerre mondiale et d'un outil militaire avec l'appui de l'allié américain et du Plan Marshall.

* Approche historiographique dérivée de l'Histoire globale apparue dans les années 1990 aux États-Unis. Elle consiste en la reconnexion de différentes Histoires nationales longtemps restées cloisonnées. Elle a pour vocation de ne pas être européo-centrée.

​Revue historique des Armées : 4 numéros par an. Abonnement : 40 euros sur papier ou sur Internet (plateforme Cairn.info).

Pour publier dans la revue : les articles soumis à la rédaction de la RHA doivent être inédits et adressés en version informatique (idéalement sous format Word) à l'adresse électronique suivante : shd-vincennes-rha.chef.fct@intradef.gouv.fr.​