Sur la FREMM Normandie - De SAGRE à l’accompagnement d’un sous-marin russe dans le golfe de Gascogne
Du 16 au 18 octobre, la frégate multi-missions Normandie et un sous-marin nucléaire d’attaque SNA ont participé à l’exercice SAGRE d’entraînement à la lutte antinavire et antiaérienne, dans le golfe de Gascogne. Leur rôle : perturber au maximum l’équipe adverse. Objectif atteint, avant de recevoir l’ordre d’accompagner un sous-marin russe en transit dans la zone d’intérêt française jusqu’à Ouessant, où la marine britannique a pris le relais. Récit d’une semaine sans temps mort.
«Branle-bas ! » Il est 7 h, une musique rock swingue dans les oreilles des marins encore assoupis. Un bol de café ou de thé fumant, pain beurre confiture mâchouillé avec plus ou moins d’entrain dans son carré respectif, ou à la cafétéria, et c’est déjà l’heure de l’appel. « Ce matin, nous sommes dans une phase de harassement », explique le pacha de la Normandie, le commandant Vuong. « Hier, il a fallu positionner la frégate Auvergne ; elle a été repérée grâce à nos senseurs, à la position de ses radars, puis à l’optique. Aujourd’hui, notre mission consistera à gêner son ravitaillement à la mer avec la Somme. »
Les Rouges contre les Bleus : la FREMM Normandie et un SNA font partie de l’équipe rouge, face aux bleus numériquement supérieurs (deux frégates, deux avisos, deux hélicoptères, et un bâtiment de commandement et de ravitaillement). Quelques heures plus tard, le résultat est plus que probant. « Nous avons réussi à bien les perturber dans leur manoeuvre en déployant notre hélicoptère Caïman de la 33F pour les harceler ou en nous positionnant devant eux pour les ralentir, tout en mesurant notre niveau d’aggressivité. »
Cela permet d’avoir une autre perspective car être dans les forces d’opposition offre davantage de libertés. Pour les bleus aussi, c’est intéressant d’avoir en face une force d’opposition réelle. »
SECUREX et MACOPEX : Depuis l’appareillage, chacun est sur le qui-vive. En parallèle de SAGRE, un autre type d’entraînement est de mise : un MACOPEX peut en effet être déclenché à tout moment dans le bâtiment, y compris pendant une simulation de combat pour plus de réalisme. Le but ? Donner l’alarme le plus vite possible dès qu’un sinistre, une fumée ou a fortiori un début d’incendie est détecté dans une coursive, derrière une cloison ou lors du poste de propreté, pour être capable de réagir le plus vite possible et de manière efficace dans toutes les situations. Des exercices de ce type organisés par les entraîneurs de la Force d’action navale, il y en aura plusieurs durant la semaine. Le premier a en effet laissé transparaître des failles. « Peut mieux faire » commente en substance le commandant en second en rendant sa copie oralement devant son auditoire réuni dans la cafétéria. « Dix marins sont passés devant une fumée sans la signaler ! » Les directeurs d’équipe – intervention, lutte et protection – vont faire redescendre l’information aux chefs de groupe et à l’équipage. Chaque marin a reçu une formation incendie et doit par conséquent pouvoir analyser le danger : s’il peut maîtriser lui-même un petit sinistre ou s’il doit plutôt confiner le local ou la zone. « En cas de rencontres de personnes allongées sur le chemin de reconnaissance, même réflexe, rappelle le médecin ; si la personne est inconsciente et ne respire plus, passez au blessé suivant – dans des conditions réelles d’un incendie, vous n’avez pas le temps de réaliser un massage cardiaque et la probabilité de le réanimer est extrêmement faible, proche de 7 % –, si la personne respire, écartez-la du danger. » Le tri des blessés sauve des vies, aussi dur moralement soit-il : un des enseignements du protocole Ex-VAC (Extraction, vital action et condition de survie). « Repérez au contraire les hémorragies, posez des pansements compressifs ou un garrot, c’est vital. » Lors du deuxième exercice de sécurité, un blessé réel viendra se substituer au comédien sur le lit de l’infirmerie. Plus tard dans la semaine, le médecin du bord dispensera une formation « santé », pour réapprendre les gestes de premier secours et les postures à adopter en cas de tirs de missile. Photos de la guerre des Malouines à l’appui. Le message passe d’autant plus efficacement.
« Cette semaine, on a fait nos gammes, commente le capitaine de vaisseau Vuong. Exercices incontournables, ils visent à améliorer ou retrouver un niveau de compétence, comme pour la Normandie qui a connu une période d’arrêt pour entretien du bateau pendant deux mois. » L’équipage s’est en outre partiellement renouvelé après les vacances estivales. Accroître la résilience de la flotte, minimiser les conséquences opérationnelles des impacts de combat tout en poursuivant la mission le plus longtemps possible et avec le maximum de capacités sont les principaux objectifs qui sous-tendent les MACOPEX. Nettoyage des armes, entraînement au tir petit calibre et une attaque fictive de deux aéronefs, orchestrée par le premier maître Clotilde, spécialiste de la guerre électronique, depuis le central opération.
AU CONTACT DU KRASNODAR
« Nous venons d’apprendre que nous ne rentrerons pas vendredi comme prévu, mais probablement samedi. » La mine est sévère et le ton sans appel. Le capitaine de frégate Matthieu, commandant adjoint aux opérations, annonce dans la foulée la nouvelle mission de la Normandie. Finie la fiction, place à la réalité : un sous-marin russe et son remorqueur ont franchi le détroit de Gibraltar et ont été reportés par les autorités portugaises. « Suivi par les marines espagnole et portugaise, le convoi va passer le cap Finistère dans la nuit et entrera donc dans notre zone de responsabilité nationale. Le contrôleur opérationnel nous a demandé d’accompagner le Krasnodar jusqu’au large de Saint-Malo où la marine britannique prendra à son tour le relais. » L’opération est lancée. Première mission de la Normandie : positionner le submersible russe. Chose faite dans la nuit de mercredi à jeudi dans le golfe de Gascogne. « Nous ne devons pas nous approcher à moins d’un nautique », précise le commissaire de deuxième classe Brieuc, pour ne pas nous montrer trop agressifs. Le risque existe néanmoins. Lequel ? « Que le sous-marin plonge et tente de disparaître. »
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