La Lorraine manœuvre entre les typhons
Alors que la saison des typhons et cyclones est particulièrement précoce cette année dans la région Indopacifique, la frégate multi missions à capacité de défense aérienne renforcée (FREMM DA) Lorraine vient déjà de rencontrer son deuxième phénomène météorologique tropical extrême en moins d’un mois.
Pour rejoindre le détroit de Malacca et l’océan Pacifique, début mai, l’équipage avait déjà dû adapter ses plans et manœuvrer pour éviter le cyclone Mocha dans le golfe du Bengale. Prenant de vitesse la perturbation, la frégate avait réussi à s’abriter derrière l’archipel des Andamans avant d’embouquer le détroit de Malacca alors que le cyclone s’abattait sur la Birmanie causant de lourds dégâts avec ses vents à près de 200 Km/h.
Le 17 mai, alors que la Lorraine se trouve en escale à Singapour, les modèles météorologiques américains et nippons convergent pour annoncer la formation prochaine, au nord-ouest de la mer des Philippines, d’une nouvelle dépression tropicale.
Méfiant après sa récente expérience, l’équipage surveille l’évolution des prévisions. Et à juste titre : une semaine plus tard, la dépression se transforme en tempête tropicale puis se mue rapidement en super typhon (équivalent de la catégorie 5 sur l’échelle de Saffir-Simpson). Ce phénomène extrême surprend tant par sa violence que par sa longévité. MAWAR devient le premier typhon de la saison dans le bassin Pacifique nord-ouest et maintient son stade de « typhon» pendant plus de 9 jours. Il atteint par deux fois le stade de « typhon extrême », avec des vents moyens atteignant les 295km/h (160 nds), et un pic d'intensité des rafales à 350 km/h (190 nds). Le 25 mai, ses rafales dévastent l’île américaine de Guam.
Pour la Lorraine, qui entre alors en mer des Philippines et doit faire route au nord-est vers Tokyo, le danger de se trouver sous l’influence du « demi-cercle dangereux » de Mawar se précise. Le risque est d’être exposé à des vents moyens de plus de 110 nœuds, d’autant que trajectoire, vitesse et évolution de l’intensité du typhon sont incertaines et varient selon les modèles et projections.
Comme toutes les frégates de premier rang, la FREMM DA peut compter sur l’expertise de ses spécialistes en météorologues-océanographes (METOC), le maître Olivier et son adjoint Damien. Un parangonnage des différents modèles les conduit à recommander d’accélérer pour prendre de vitesse le typhon. Le passage sur turbine à gaz est donc ordonné.
L’option prise se révèle judicieuse. Grâce à la souplesse de sa propulsion, la frégate esquive le typhon et parvient à ne naviguer que 24 heures par mer formée sur l’avant du système. Le temps gagné est consacré à une première brève intégration avec le Carrier Strike Group (CSG) de l’USS Ronald Reagan et à un entraînement en transit avec les forces japonaises d’auto-défense, au sud de Tokyo.
L’anecdote illustre la plus-value de l’expertise météorologique dans la Marine. Conseillers du commandant, les METOC rendent compte non seulement des prévisions mais surtout de l’impact anticipé sur les opérations. Sur FREMM, leur présence est ainsi indispensable pour affiner les portées sonar en lutte sous la mer, radar en lutte au-dessus de la surface ou encore pour planifier les manœuvres aviation.
Recrutés préférentiellement parmi des profils scientifiques, de niveau BAC à Master II, les METOC suivent d’abord une formation de 18 mois à l’Ecole nationale de météorologie à Toulouse avant d’être affectés en unité opérationnelle. La formation est ensuite continue : quelques jours avant l’appareillage encore, le maître Olivier suivait un stage spécifique de « météorologie tropicale » à Toulouse. Sage intuition ! D’autant qu’une nouvelle dépression tropicale se creuse dans le sud… à suivre.
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