Santé des militaires : « Le danger n’est pas celui qu’on imagine »

Direction : Santé / Publié le : 12 janvier 2024

Pour être apte à servir, le militaire doit démontrer une aptitude physique et médicale. Le médecin en chef (MC) Olivier s’intéresse depuis une quinzaine d’années aux pathologies pouvant compromettre cette aptitude. Qu’il s’agisse de pathologies non liées au combat ou de syndrome métabolique, ses révélations dévoilent une réalité surprenante existant au sein des armées, notamment en opérations extérieures. Témoignage.

Soigner des plaies et sauver des vies - le MC Olivier consulte en OpEx © MC Olivier

Les militaires en opérations extérieures (OPEX) sont par définition des soldats aguerris qui se déploient sur des territoires étrangers pour accomplir une mission. Les problèmes de santé les plus fréquents sont les pathologies digestives, les traumatismes non liés au combat (mais aux entraînements physiques et sportifs, exercices militaires, etc.), les infections respiratoires et les problèmes dermatologiques. A noter qu’en fonction du territoire, du contexte opérationnel et de la saison, les places sont amenées à s’intervertir dans ce quatuor de tête. Étonnamment, moins de 1% des motifs de consultation sont liés au combat.

« L’un de mes infirmiers avait essuyé sept tirs de roquette successifs en cinq minutes. Il s’en est sorti indemne. Deux jours après, il était rapatrié sur des béquilles à cause d’une blessure causée lors d’un sport collectif sur la base ! »

Selon le MC Olivier, l’impact de ces évènements de santé sur la capacité opérationnelle des forces pourrait être atténué par « une prévention efficace et continue axée, notamment, sur l’hygiène individuelle et collective, dont la lutte contre la consommation d’alcool ou du tabac » et ce, en s’appuyant constamment sur la chaîne de commandement.

« Il est capital que la chaîne santé reste au plus près des combattants et du commandement, partageant et connaissant leurs conditions de vie, afin d’accompagner, le plus efficacement possible, la mise en œuvre des mesures de prévention, tout en s’adaptant à la réalité du terrain, continue le MC Olivier. Par ailleurs, en conditions dégradées, en l’absence de biologie et d’imagerie complémentaires, il est important de bien examiner et réexaminer régulièrement les soldats. Les tests de diagnostic rapide, tels que la bandelette urinaire ou ceux du paludisme et du VIH, ont une utilité renforcée dans ce contexte. Il ne faut pas hésiter à les répéter. Avec les avancées technologiques actuelles, il serait également dommage de ne pas se servir de la télémédecine pour demander un avis spécialisé. A noter qu’en zone tropicale, tout en évoquant systématiquement un paludisme ou une fièvre typhoïde devant toute fièvre, il faut toujours garder à l’esprit que les infections cosmopolites sont prédominantes ».

Soutien médical en opération extérieure (OpEx) © Le MC Olivier

« Il est capital que la chaîne santé reste au plus près des combattants et du commandement afin d’accompagner, le plus efficacement possible, la mise en œuvre des mesures de prévention, tout en s’adaptant à la réalité du terrain. »

Les militaires sont cependant touchés par un autre mal, plus pernicieux : le syndrome métabolique. Selon la fédération internationale du diabète (IDF), le syndrome métabolique se définit (pour la population européenne) par la présence d’un périmètre abdominal ≥ 94 cm chez l’homme et ≥ 80 cm chez la femme (profil européen) et au moins 2 des 4 critères suivants : une tension artérielle ≥ 130/85 mmHg, une glycémie ≥ 1 g/l, une triglycéridémie ≥ 1,5 g/l, et/ou une cholestérolémie à HDL ≤ 0,40 g/l chez l’homme et ≤ 0,50 g/l chez la femme :   « Il faut donc au moins trois critères pour poser le diagnostic » explique le praticien.

« Le syndrome métabolique qui concerne environ 25% de la population mondiale. Parmi ses nombreuses complications (cardio-vasculaires, rénales, respiratoires, néoplasiques, diabète, psoriasis, syndrome des ovaires polykystiques et infections sévères), la stéatopathie d’origine métabolique (« foie gras » humain) est en passe de devenir la première cause de greffe hépatique aux États-Unis et en Europe ».

En effet, ce syndrome métabolique est intimement lié à la surcharge pondérale et, à l'instar de cette dernière, est en nette progression dans le monde aussi bien dans la société civile que dans les armées. La France n’échappe pas au fléau de l’obésité, avec en 2020, 17% d’obèses. Une prévalence qui continue d’augmenter avec 13% de hausse en 8 ans. Le Nord et le Grand-Est de la France sont les régions les plus touchées par l’obésité avec 20,1% dans le Grand-Est (Etude Obépi).

« Cette épidémie touche également les forces armées françaises avec une prévalence d’obésité estimée à 9,6% en 2018 (thèse publiée). En cause, la sédentarisation et la culture du fast-food qui touchent plusieurs générations, même les plus jeunes et donc, les enrôlés les plus récents. Ces deux phénomènes ont également un effet toxique sur le foie qui est majoré en cas de consommation de tabac et/ou d’alcool ».

Afin de dépister et prévenir le syndrome métabolique et, à terme, contrer la réalité d’une armée obèse, notamment en OPEX, le MC Olivier propose, en complément de la sensibilisation de la population militaire, « d’une part de généraliser la mesure systématique du périmètre abdominal (reflet des graisses profondes) lors des visites médicales et ce, quel que soit l’indice de masse corporelle et, d’autre part, de détecter/évaluer le foie gras humain- notamment par l’usage d'une imagerie non invasive ».

Le MC Olivier est cependant conscient qu’il s’agit également « de changer aussi bien les habitudes que les mentalités et d’y faire participer le commandement ». C’est dans ce contexte, que le Service de santé des armées a accepté de promouvoir et de financer le projet de recherche du MC Olivier sur le « foie gras » humain dans les forces armées. Cette étude consistera à évaluer sur le plan de l’imagerie du foie et du microbiote intestinal, un échantillon de 300 militaires volontaires présentant une obésité associée à un syndrome métabolique.

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