Nord-Mali, novembre 2021, le Groupement tactique désert n°1 (GTD-1) Korrigan, rassemblé autour du 3^e régiment d’infanterie de marine (RIMa) de Vannes, doit rallier Tombouctou depuis Gao en longeant la rive Nord du Niger. Il a pour mission d’escorter un convoi logistique entre les deux villes. L’opération va durer 12 jours pendant lesquels 1000 km doivent être parcourus sur un terrain sablonneux et sous un soleil intense.

Pour la première fois, le couple Griffon-Système d’information du combat scorpion (SICS) est déployé dans le cadre d’un engagement majeur.

Le Griffon est le nouveau véhicule blindé multi-rôles de l’armée française, tout juste livré à l’armée de Terre par la Direction générale de l’armement (DGA). Il a été développé dans le cadre du programme Scorpion, sous maitrise d’ouvrage de la DGA, pour remplacer le Véhicule de l’avant blindé (VAB).

Le SICS a été conçu pour être l’unique système d’information opérationnelle des groupements tactiques interarmes (GTIA). Il dispose d’une cartographie partagée sur laquelle les obstacles décelés sont pointés puis partagés instantanément.

Il offre donc en continu, au chef de groupe débarqué comme au chef de corps, une situation tactique actualisée.

Cette nouvelle capacité permet de fluidifier les échanges et la mise en place d’un dispositif opérationnel mobile et réactif.

« La précision de l’information et la vitesse de transmission sont démultipliées »

Pour le lieutenant-colonel Nielly, chef opération du 3^e RIMa, la combinaison d’un véhicule de nouvelle génération avec un système d’information innovant et simple d’utilisation offre une plus-value opérationnelle évidente : « Tout va plus vite. L’information va plus vite, les véhicules vont plus vite. Les informations sont précises et partagées instantanément. La précision de l’information et la vitesse de transmission sont démultipliées. C’est là que réside la véritable révolution de la combinaison Griffon-SICS. L’application SICS est très fonctionnelle. Il suffit d’un clic sur l’écran pour dire où est l’ennemi. Un clic à côté pour annoncer l’action de tir et un clic pour dire feu. Les coordonnées sont calculées automatiquement. Donc, en trois clics, on transmet une information qui aurait pris 5 minutes à la radio. »

Le combat collaboratif infovalorisé utilise le développement des technologies de l’information et de la communication pour réduire l’incertitude du champ de bataille. Grâce à ses multiples capteurs, le Griffon transmet en temps réel des informations utiles à l’ensemble du GTIA. Pour le lieutenant-colonel Nielly, cette capacité à faire remonter rapidement des données précises offre une agilité opérationnelle et tactique décisive : « Un véhicule est posté en observation dans une zone stratégique. Sur la base des informations qu’il envoie, un ordre d’intervention est transmis sur l’écran du chef de groupe qui peut le partager avec ses soldats en disant « voilà ce qu’on doit faire ». S’il est près de l’objectif, le chef de groupe peut viser avec sa mitrailleuse 12,7 qui est à l’avant et grâce à la caméra, ses hommes voient ce qui se passe à l’extérieur tout en restant dans le véhicule. Donc ils vont pouvoir observer en réel ce qu’ils ont vu sur la carte et débarquer en sachant pertinemment où ils vont et pourquoi ils y vont. Ça offre une meilleure connaissance de l’environnement. »

Le premier niveau du combat collaboratif infovalorisé testé avec succès

Cette projection d’une unité Scorpion dans la bande sahélo-saharienne a permis de tester dans un contexte opérationnel le premier niveau du combat collaboratif. Celui qui relie entre eux les Griffons transport de troupes avec les Griffons poste de commandement chargés ensuite de communiquer avec le centre opérationnel pour offrir une observation collaborative.

Le spectre capacitaire exposé à l’édition 2022 d’Eurosatory est celui qui correspond au deuxième niveau du combat collaboratif infovalorisé. Celui où la maîtrise de l’information – de ses flux et de son exploitation – conditionne la rapidité et la supériorité dans l’action. L’infovalorisation permet alors de dépasser le stade de l’observation collaborative pour atteindre celui de la protection et de l’agression collaborative.

Le deuxième jalon : une connectivité renforcée

Pour cette nouvelle étape, les capacités de traitement de données et de transmission d’information doivent augmenter considérablement, pour être en mesure de connecter tous les intervenants du théâtre d’opération.

Ce deuxième jalon nécessite le remplacement de l’actuelle radio PR4G par la radio logicielle CONTACT qui fournit une connectivité renforcée.

Cette puissance démultipliée permettra au réseau de vétronique qui équipe chaque véhicule, de traiter toutes les données collectées par les capteurs pour les transformer en information utile pour le combat.

Le couple SICS-CONTACT : socle des communications de l’armée de Terre

Couplé au système d’information SICS, le système CONTACT est conçu pour offrir un socle de communications mobiles adapté à tous les échanges de l’armée de Terre. Il assure une transmission optimisée de l’information, que ce soit dans les phases de combat ou pour les échanges tactiques entre les postes de commandement et le centre opérationnel.

CONTACT permet également d’optimiser la fluidité des communications grâce à ses capacités de flexibilité intelligente et d’allocation dynamique qui lui permettent de s’adapter aux reconfigurations des déploiements opérationnels. Par exemple, quand une compagnie du génie se déplace d’un sous bataillon à un autre, CONTACT se reconfigure automatiquement pour prendre en compte cette mobilité.

Le combat collaboratif infovalorisé offre à celui qui le domine la capacité de manœuvrer de façon coordonnée.

Les systèmes d’armes coopèrent entre eux grâce à leur intégration dans une architecture commune. Ils forment alors un système global dont la performance dépasse la simple addition de leurs capacités respectives. Toutes les composantes interarmes sont connectées et peuvent voir les mêmes choses au même moment, coordonnant ainsi au mieux leurs actions pour un meilleur effet.

Un corps de combat homogène et intégré

Au plus près des zones de combat, le Griffon transport de troupes assure la mobilité d’une section composée de huit soldats. Quand ils débarquent, les fantassins enrichissent la situation tactique grâce aux données recueillies par leurs moyens numérisés portatifs. Ils sont également équipés de drones qui ont l’avantage de pouvoir accomplir des missions dans des environnements difficiles d’accès. Par exemple lorsque la suprématie aérienne n’est pas assurée ou en cas de menace nucléaire, bactériologique ou chimique.

La section et son véhicule d’appui sont connectés à un Griffon poste de commandement (EPC) doté d’une antenne « Satcom on the Move » (SOTM).  

Ces stations mobiles ont une portée de plusieurs milliers de kilomètres, permettant de communiquer directement avec le QG de niveau stratégique. Elles ont été conçues pour répondre aux besoins de connectivité des forces déployées sur un théâtre d’opérations, besoin satisfait au moyen du système de télécommunications satellitaires SYRACUSE IV.

Le 24 octobre 2021, le lanceur Ariane 5 a mis sur trajectoire le satellite Syracuse 4A. Il lui a fallu sept mois pour parcourir les 36 000 kilomètres le séparant de son orbite cible où il sera pleinement opérationnel à partir de juillet 2022.

Ce système de télécommunications satellitaires de nouvelle génération va considérablement améliorer les capacités de communication des forces armées. Il répond à leur besoin de communication en mouvement et à très longue distance. Il a été conçu pour faire face aux menaces de type cyber, brouillage, interception et impulsion électromagnétique.

L’ensemble de ces systèmes d’information et de communication permettent une connexion en temps réel entre les sections, les postes de commandement, l’appui feu et l’appui aérien. Les capacités de combat des différentes unités sont alors valorisées par l’information qui, une fois échangée, leur permet d’engager une agression collaborative.

Quand la connexion entre les systèmes d’arme d’un GTIA est globale, on peut véritablement parler de combat collaboratif infovalorisé.

Histoire d’un programme d’armement

L’opération d’ensemble Scorpion est un programme structurant pour l’armée de Terre. Conduite par la Direction générale de l’armement (DGA), elle vise à mettre en cohérence les capacités du groupement tactique interarmes (GTIA) pour le transformer en un système de combat global.

La phase d’élaboration de l’architecture détaillée a été lancée en 2010.  

Les premières commandes ont été formulées quatre ans plus tard, en décembre 2014, avec déjà l’ambition de projeter une première capacité en 2021.

Le déploiement des technologies de Scorpion a nécessité le développement de trois nouvelles plateformes. Il s’agit du Véhicule Blindé multi rôle (VBMR) Griffon, de l’Engin Blindé de reconnaissance et de combat (EBCR) Jaguar et du Véhicule Blindé multi rôle léger Serval. Il a également nécessité la modernisation d’équipements déjà existants tels que le char Leclerc.

En 2021, la première unité Scorpion infovalorisée a été déployée dans la bande sahélo-saharienne.

L’intégration de la radio logicielle CONTACT est prévue pour 2023. Elle permettra à la vétronique du combat Scorpion d’être pleinement opérationnelle.

Enfin, le jalon 2025 verra l’assemblage de toutes les briques du combat collaboratif pour démultiplier les effets militaires tactiques et répondre au durcissement des engagements aéroterrestres dans les conflits de haute intensité.

2040 : TITAN prend le relais de SCORPION

À partir de 2040, c’est le projet TITAN qui prendra le relais de Scorpion pour étendre l’ambition de combat collaboratif aéroterrestre au niveau interarmées et interalliés.

La question de l’interopérabilité qui déterminera les standards de connexion et d’échanges d’informations entre armées est donc au cœur de la réflexion de la DGA et de l’armée de Terre.

Là aussi, les technologies de pointe propres à TITAN impliquent le renouvellement du segment lourd du combat aéroterrestre, avec notamment le nouveau système blindé MGCS qui prendra le relais du char Leclerc.

Le ministère des Armées est en charge de la préparation et de la mise en œuvre de la politique de défense. Avec la loi de programmation militaire 2019-2025, il conduit un plan ambitieux et structuré de modernisation des trois armées.

Le combat collaboratif infovalorisé constitue la clef de voute du combat aéroterrestre des prochaines décennies.

Cet investissement dans le champ de l’innovation des technologies de pointe, offre à la France, les moyens de gagner la guerre avant la guerre, tout en étant apte à s’engager dans un affrontement de haute intensité.