Diên Biên Phu : « Il existe une foule d’anonymes dont le récit n’a jamais été écrit »
La bataille de Diên Biên Phu, qui s’est déroulée au Vietnam entre le 13 mars et le 7 mai 1954, n’a pas encore livré tous ses secrets. À l’occasion du soixante-dixième anniversaire de cet évènement qui amorça la fin de la guerre d’Indochine, le lieutenant-colonel Ivan Cadeau, officier-historien au Service historique de la Défense (SHD), revient sur les aspects connus et méconnus des combats.
Soixante-dix ans après Diên Biên Phu, quel état des lieux peut-on effectuer de cette bataille ?
La trame générale des combats qui se sont déroulés dans la vallée de Diên Biên Phu est désormais assez connue. Plus de 15 000 combattants vont se battre côté français. Trois mille sont tués au cours des combats et, sur les quelque 11 000 prisonniers, des milliers ne reviendront pas des camps du Viêt-minh. La France, à l’instar du Vietnam, commémore la bataille chaque année mais pour des raisons différentes. De manière schématique, ce conflit reste largement éclipsé par son pendant américain chez les Vietnamiens. Pour les Français, la guerre d’Algérie a davantage retenu l’attention. Par ailleurs, les derniers témoins s’en vont et il n’est pas toujours facile pour Paris et Hanoï d’y intéresser leurs jeunesses respectives. Diên Biên Phu a pourtant été le théâtre de nombreux faits d’armes réalisés par les soldats du corps expéditionnaire, qu’ils soient français, vietnamiens, légionnaires ou encore africains. Certains sont notoires, comme ceux des parachutistes ou de la Légion étrangère, quand d’autres sont un peu passés sous silence.
Justement, reste-il encore des parts d’ombre ?
Nous disposons de nombreux témoignages sur les opérations. Ils ont cependant tendance à surreprésenter des aspects de la bataille et à en écarter d’autres. Quid, par exemple, de l’action de certaines armes et services dont on ne parle jamais ? Ou encore des 2 000 prisonniers du Viêt-minh internés dans les rangs français ? Ces derniers ont notamment participé à la construction du camp retranché. Mais l’histoire ne dit pas grand-chose sur leur sort pendant et après les combats. Je peux aussi évoquer la population locale qui est parfois restée au plus près de la mêlée. Il y a donc encore une foule d’anonymes dont le récit n’a jamais été écrit car les données et les archives manquent.
Pourtant, les archives sont déjà consultables, non ?
Elles sont toutes ouvertes et communicables en France, la plupart conservées au SHD. Mais ce n’est pas encore le cas côté vietnamien. C’est pourtant nécessaire afin de voir de l’autre côté du miroir et pour être en mesure de confronter les points de vue. S’il y a eu des avancées très nettes, seule une histoire comparée permettra d’acquérir une compréhension globale de la bataille de Diên Biên Phu.
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