Le caporal Maine, ou « l’esprit légion » de Camerone

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 30 avril 2024

À l’occasion du 161e anniversaire de la bataille légendaire de Camerone, le 30 avril 1863 au Mexique, retour sur le parcours exceptionnel du soldat Philippe Maine, héros méconnu qui combattit toute sa vie pour la France.

Illustration de la bataille de Camerone. © Légion étrangère/armée de Terre/Défense

« Armez vos fusils. Vous ferez feu au commandement, puis nous chargerons à la baïonnette. Vous me suivrez. » En cette fin d’après-midi du 30 avril 1863, après une journée de bataille à Camerone, au Mexique, le sous-lieutenant Maudet s’adresse à ses quatre légionnaires encore debout. Parmi eux, le caporal Philippe Maine. En face, 30 soldats mexicains les tiennent en joue. Quelques heures plus tôt, au petit matin, au lieu-dit Palo Verde, la 3e compagnie du capitaine Danjou était pourtant forte d’une soixantaine de légionnaires. Ces derniers repèrent alors au loin les 1 500 hommes du colonel Milan, chef de l’armée mexicaine de la province de Veracruz. Une première escarmouche éclate en terrain découvert. Mais, effrayés par les tirs, les deux mulets de la compagnie filent dans les rangs ennemis. Les vivres et les munitions sont perdus.

Philippe Maine, en octobre 1870. © Guy Sallat

Décision est prise de trouver un point d’appui dans une hacienda du village de Camerone, puis de tenir coûte que coûte. « Nous l’avions juré », expliquera plus tard le caporal Maine. À un contre dix, les légionnaires repoussent les charges avec héroïsme. Mais les morts et les blessés s’accumulent. « Une écume blanche nous montait aux coins de la bouche et s’y coagulait. Nos lèvres étaient sèches comme du cuir, notre langue tuméfiée avait peine à se mouvoir, un souffle haletant, continu, nous secouait la poitrine, nos tempes battaient à se rompre et notre pauvre tête s’égarait… », racontera Philippe Maine. Jusqu’à cette ultime sortie baïonnette au canon, à l’issue de laquelle le caporal Maine est finalement capturé avec ses autres camarades – ils seront libérés en juillet avec d’autres prisonniers lors d’un échange contre un colonel mexicain. « L’esprit de Camerone, c’est le combat jusqu’à la mort avec la puissance, les tripes et le cœur du battant. Ne jamais renoncer, à l’image de Philippe Maine », indique le lieutenant-colonel Guy Sallat, historien des armées, spécialiste du Second Empire et auteur du livre Le sentier des braises : Philippe Maine1.

Remise de la Légion d’honneur

Rien ne prédestinait pourtant ce fils de bottier à un tel destin. En 1850, à la mort de son père, il quitte son village du Périgord et s’engage au sein du 1er régiment de zouaves. Il n’a que 20 ans et se retrouve en Algérie, prélude d’une carrière militaire hors du commun. En 1854, il participe à la campagne de Crimée et s’y illustre avec le 4e bataillon de chasseurs à pied. « La prise de la tour Malakoff, c’est un assaut de 10 000 hommes. Ils ne sont plus que 500 à l’arrivée, dont Philippe Maine, blessé. Rien ne l’arrête », précise Guy Sallat. Fait exceptionnel, il reçoit la Légion d’honneur, décoration normalement réservée aux officiers (il est alors sergent-chef). En mal d’aventure, Philippe Maine se rabat sur le 1er bataillon d’infanterie légère. De nouveau en Algérie, il mène une vie de nomade du désert pendant quatre ans et demi.

« Il s’est toujours battu pour la France, jusqu’au bout. »

Guy Sallat

  • Historien des armées et spécialiste du Second Empire

Lorsqu’il apprend le départ imminent de la Légion étrangère au Mexique, il n’hésite pas une seule seconde et s’engage comme simple soldat en février 1863. Caporal à Camerone, il devient ensuite sergent, puis sous-lieutenant en septembre. Son aventure mexicaine est cependant loin d’être terminée. Une quinzaine de combats l’attendent jusqu’en 1867, date de son retour en France. Un simple répit pour celui qui n’est « bien que sur le champ de bataille », rappelle Guy Sallat. Il rejoint le 3e régiment d’infanterie de marine en novembre 1868. Destination la Cochinchine et près de deux années d’opérations. Rapatrié en métropole pour raison sanitaire et encore convalescent, il rejoint son régiment pour être envoyé à Sedan, en 1870. « Il s’est toujours battu pour la France, jusqu’au bout, à tel point qu’il se retrouve aussi à Bazeilles au sein du bataillon qui sera le plus décoré de la division bleue2 », raconte l’historien. Capturé par les Prussiens, Philippe Maine trouve encore la force de s’évader… et de reprendre la lutte comme capitaine des francs-tireurs de Rochefort ! Trois mois plus tard, il est même nommé lieutenant-colonel et prend la tête du 8e régiment de gardes mobiles de Charente-Inférieure.

Chaque année, les légionnaires défilent à Camerone pour honorer la résistance des héros. Ici en 2021 © Joël Lieber /Légion Etrangère/Défense

En 1878, son retour à la vie civile n’est pas des plus faciles. Accueilli en héros dans son village de Mussidan, il doit cependant encaisser des tracasseries administratives. Même son enterrement n’est pas de tout repos. À l’image de cette balle, tirée lors de la salve en son honneur et qui traverse par mégarde son cercueil. « Honneur à toi, brave Maine. Jusqu’au dernier instant, ton corps aura été menacé », dira un ami lors de l’éloge funèbre.

1 Éditions OD2C, Paris, 364 pages. Droits d’auteur reversés aux armées.

2 Dix mille hommes de la division d’infanterie de marine – la division bleue – affrontèrent héroïquement près de 50 000 Allemands sur 3 km2 durant deux jours. Un quart d’entre eux moururent au champ d’honneur.

Philippe Maine : les grandes dates

1830 : naissance à Mussidan (Dordogne)

1850 : engagement dans l’armée

1855 : prise de la tour Malakoff, en Crimée

1863 : bataille de Camerone, au Mexique

1870 : bataille de Bazeilles

1893 : décès à Douzillac (Dordogne)

Le saviez-vous ?

Lancée en 1861, l’expédition du Mexique vise à établir dans ce pays un régime favorable aux intérêts français et à limiter l’expansion des États-Unis en Amérique centrale. Mais l’armée régulière mexicaine est plus résistante que prévu. En 1864, Napoléon III convainc l’archiduc Maximilien d’Autriche d’accepter le titre d’empereur du Mexique. Ce dernier est finalement renversé puis fusillé en 1867, mettant un terme à ce fiasco intégral.

Retrouvez cet article dans sa version parue dans Esprit Défense n°7

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