Le Maréchal Masséna

Né à Nice, André Masséna s’engage comme mousse entre 1771 et 1775 avant de se tourner vers l’armée.

Vue rapprochée - Détail du corps © CCH A. Klopfenstein/armée de Terre/Défense

Auteur d’origine : François-Frédéric baron Lemot (1772-1827)              

Auteur des modifications : Charles-René Laitié (1782-1862)                 

Titre d’origine : Le Général Claude-Louis-Constant Corbineau

Titre de l’œuvre modifiée : Le Maréchal André Masséna, duc de Rivoli, prince d’Essling                   

Date d’origine : 1814

Date de modification : 1835

Matériau : Marbre               

Dimensions : 410 (H)                      

N° d’inventaire : LP 460     

Anciennes localisations

  • de 1816 à 1832 : Hôtel des Invalides (dans une cour) ;
  • de 1832 à 1931 : balustrade de la Cour d’Honneur du château de Versailles.

Lieu de conservation actuel : Saint-Cyr l’École, Marchfeld du Lycée militaire de Saint-Cyr

Détail de l’habit et de la tête de Masséna © CCH A. Klopfenstein/armée de Terre/Défense

Inscriptions

  • Sur le devant de la terrasse : Masséna         

Détail de trois-quarts du dos et du côté droit © CCH A. Klopfenstein/armée de Terre/Défense

Historique de l’œuvre

Commande de Napoléon Ier faisant suite au décret du 1er janvier 1810 annonçant l’érection de plusieurs statues de généraux tués au combat pendant les campagnes de l’Empire, destinées à orner le pont de la Concorde (minute du 13 février 1810 au général Berthier, prince de Wagram et de Neufchâtel complétant le décret initial : « Je désire que vous voyiez le sieur Denon et d’autres artistes, pour me proposer l’érection, sur le pont d’Austerlitz, de plusieurs statues, mon intention étant d’y placer des statues des généraux et colonels distingués tués dans les dernières campagnes. Même chose sur le pont d’Iéna. J’attends un rapport de vous sur ces objets »). La Correspondance de Dominique Vivant Denon, directeur du musée Napoléon et en charge des commandes artistiques, fait mention de l’attribution de la commande de la statue du général Claude-Louis-Constant Corbineau (1772-1807) à Lemot (4 août 1810). Achevé en 1815, le marbre est remisé en 1816 dans l’une des cours de l’Hôtel des Invalides, le projet d’ornementation du pont de la Concorde repris par Louis XVIII donnant lieu à une nouvelle commande dédiée aux grands hommes de l’Ancien Régime. L’œuvre est ensuite installée derrière la balustrade de la Cour d’Honneur du château de Versailles en 1832. En 1835, le roi Louis-Philippe Ier demande à ce que les quatre marbres exécutés avant la chute de l’Empire (les seuls de la commande initiale à avoir été achevés) soient modifiés. L’effigie du maréchal Masséna duc de Rivoli, prince d’Essling (1758-1817), figure plus « populaire » de la légende napoléonienne en plein essor, doit ainsi remplacer celle du général François-Xavier Roussel (1770-1807) sculptée par Jean-Joseph Espercieux (1757-1840).

Ce projet s’inscrit en parallèle de la création des galeries historiques du château de Versailles. Le comte de Montalivet, ministre de l’Intérieur également en charge des Beaux-Arts, demande alors au sculpteur Laitié de modifier les marbres de l’Empire : « […] De la statue de Colbert par Deseine, on ferait le duc de Trévise ; de celle de Debay père, représentant Valhubert, on ferait Jourdan ; de celle d’Espagne par Callamard on ferait Lannes, et enfin de celle d’Espercieux, représentant Roussel, on ferait Masséna. » (Robinet de Cléry, « Les statues décapitées du pont de la Concorde », extrait de la Grande Revue de Paris et de Saint-Pétersbourg, Paris, Imprimerie d’E. Arrault, s. d.). Mais les choses se compliquent et les documents conservés dans les archives contredisent la réalité matérielle constatée sur les œuvres. En effet, le socle de la statue de Masséna n’est pas signé, contrairement aux trois autres marbres conservés. Or, la signature d’Espercieux figure sur le socle de l’actuelle effigie du maréchal Jourdan (cf. la fiche dédiée à cette œuvre). En procédant par élimination des différentes statues conservées, non réalisées en marbre ou transformées et en croisant les états de service des officiers représentés, Masséna ne peut avoir succédé qu’à Corbineau qui, ironie du sort, avait servi sous ses ordres, et non à Roussel. Aucune autre statue de Corbineau n’a été exécutée pour remplacer la précédente. Seul un buste en plâtre de la main de Philippe-Joseph-Henri Lemaire (1798-1880), exécuté en 1839 pour la Galerie des Batailles du château de Versailles, vient rappeler les traits du général tué par un boulet à Eylau, le 8 février 1807.

Le personnage

Né à Nice, André Masséna s’engage comme mousse entre 1771 et 1775 avant de se tourner vers l’armée. Volontaire dans le régiment Royal italien, il gravit tous les échelons jusqu’au grade d’adjudant. Sa carrière militaire progresse rapidement sous la Révolution puisqu’il est nommé général de brigade en 1793 et général de division en 1794. Masséna sert au siège de Toulon où il rencontre le futur Napoléon Ier sous les ordres duquel il sert en Italie (1796-1797). Sa conduite héroïque à Arcole lui vaut un sabre d’honneur offert par le Directoire (l’arme est conservée au musée Carnavalet) ; Masséna s’illustre également à Lonato, à Rivoli et à La Favorite. Affecté à l’armée d’Helvétie, il remporte la bataille de Zurich contre les forces austro-russes les 25 et 26 septembre 1799. Commandant en chef de l’armée d’Italie au début de l'année 1800, il reste assiégé dans Gênes avec ses troupes du 5 avril au 4 juin 1800. Contraint à la reddition après avoir lutté contre la famine et la maladie, il sort de la ville à la tête de ses soldats avec les honneurs de la guerre et a l’autorisation de se retirer sur le Var avec ses hommes. « L’enfant chéri de la victoire » comme l’avait surnommé le général Bonaparte après La Favorite, le 17 janvier 1797, fait partie de la promotion des maréchaux de 1804. Masséna passe une grande partie de sa carrière militaire en Italie, notamment à Naples au service de Joseph Bonaparte, frère aîné de Napoléon, nommé roi de Naples en 1806. Fait duc de Rivoli en 1808, prince d’Essling en 1810, Masséna se distingue pendant la campagne de 1809 à Landshut, Eckmühl, Straubing, Passau, Ebersberg, Essling et Aspern. Blessé à la jambe par une chute de cheval quelques jours avant la bataille de Wagram, le 6 juillet 1809, il se fait porter en calèche au milieu du combat pour diriger ses troupes. Nommé commandant de l’armée du Portugal, il combat contre les troupes anglaises de Wellington en 1810 et en 1811. Commandant en chef de la Garde nationale de Paris du 22 juin au 8 juillet 1815 et gouverneur de Paris, il est remplacé au retour des Bourbons. Le maréchal Masséna est inhumé au cimetière du Père-Lachaise.

Grades et distinctions : soldat, 18 août 1775 ; caporal, 1er septembre 1776 ; sergent, 18 avril 1777 ; fourrier, 14 février 1783 ; adjudant, 4 septembre 1784 ; congédié pour ancienneté en 1789. Adjudant-major la Garde nationale d'Antibes, il reprend le service actif sous la Révolution. Adjudant-major au 2e bataillon des volontaires du Var, 21 septembre 1791 ; élu lieutenant-colonel en 2nd, 1er février 1792 ; lieutenant-colonel en 1er, 1er août 1792 ; chef de brigade (colonel), 17 août 1793 ; général de brigade, 22 août 1793 ; général de division à titre provisoire, 20 décembre 1793 ; confirmé dans son grade, 29 août 1794 ; chargé du commandement de Toulon, 22 décembre 1793 ; commandant en chef en Helvétie, 19 décembre 1798 ; commandant en chef de l’armée du Danube, 17 juillet 1799 ; maréchal de l’Empire , 19 mai 1804 ; général en chef de l’armée d'Italie, 30 août 1805 ; commandant le 1er corps de l’armée de Naples , 1800 ; commandant le corps d’observation du Rhin , 13 mars 1809 ; général en chef de l’armée de Portugal, 17 avril 1810 ; gouverneur de Toulon, 14 avril 1813 ; commandant en chef de la Garde nationale de Paris, 22 juin-8 juillet 1815 ; gouverneur de Paris, 3 juillet 1815.

Campagnes : aux armées des Alpes, d’Italie, du Rhin et d’Helvétie ; armée d’Italie ; armée de Naples ; à la Grande Armée ; en Allemagne et au Portugal.

Récompenses : sabre d’honneur décerné par le Directoire pour sa conduite héroïque à Arcole, le 15 novembre 1797. Carabine et paire de pistolets d’honneur remis par le Premier Consul pour sa conduite en Italie et en Helvétie. Chef de la 14e cohorte de la Légion d’honneur, 2 février 1805. Pair de France, 2 juin 1815.

Décorations

  • Ordre de la Légion d’honneur : chevalier, 1803 ; grand-officier, 1804 ; grand-croix, 1805.
  • Ordres étrangers : chevalier de l’ordre de Saint-Hubert de Bavière, 1806 ; grand-croix de l’ordre de la Fidélité du grand-duché de Bade, 1809 ; grande décoration de l’ordre de Louis de Hesse du grand-duché de Hesse, 1809.

Les artistes

  • François-Frédéric, baron Lemot (1772-1827), sculpteur néoclassique, élève de Claude Dejoux (1732-1816), grand prix de Rome en 1790 avec le bas-relief Le Jugement de Salomon. Il est notamment l’auteur des Victoires en plomb doré surmontant l’Arc de Triomphe du Carrousel, ainsi que de la statue équestre d’Henri IV érigée sur le Pont-Neuf, à Paris, en 1818, et de celle de Louis XIV qui orne la Place Bellecour, à Lyon (1825). Sous le Premier Empire, en dehors des commandes officielles, Lemot dirigeait également les graveurs en médailles de la Monnaie.
  • Charles-René Laitié (1782-1862), sculpteur néoclassique élève de Claude Dejoux (1732-1816), grand prix de Rome en 1804 avec le bas-relief Méléagre refusant de secourir sa ville. Il expose au Salon de 1812 à 1838. Médaille de 2e classe au Salon de 1822, il est nommé restaurateur des antiques du musée royal du Louvre en 1839. Laitié a été sollicité sur les chantiers de la cour du Louvre, des églises de Saint-Étienne-du-Mont, de Saint-Merry, de Notre-Dame-de-Lorette et de Saint-Gervais, du Palais de la Bourse et de l’Arc de Triomphe de l’Étoile. Il a également sculpté les effigies de Jean de La Fontaine (1822-1824, Château-Thierry) et de Pierre Corneille pour l’Académie des Sciences (1837).           

L’oeuvre

Masséna est représenté en pied, en habit de grand uniforme de maréchal de France. Laitié a ajouté les feuilles de chêne sur les coutures de l’habit qui était à l’origine celui de général de division de Claude Corbineau, avec les bottes à la Souwarov qui ne correspondent pas à la tenue de maréchal de France – Masséna devrait arborer des bottes à l’écuyère mais ces modifications auraient demandé à Laitié de sculpter une statue complètement différente. Le manteau est rejeté en arrière, découvrant le cordon de grand-croix de la Légion d’honneur, fragmentaire sur l’épaule droite où la découpe très nette révèle le dispositif employé pour modifier les attributs de l’œuvre d’origine et procéder aux ajouts, à l’image du bâton de maréchal qu’il tient à la main. La posture calme et l’attitude austère sont caractéristiques des portraits officiels de l’école néoclassique, inspirés de l’art de l’Antiquité. Les boutons de l’habit sont frappés de l’aigle impériale – Laitié ne les a pas modifiés –, et correspondent à la charge d’écuyer de l’Empereur qu’exerçait Corbineau. Ces mêmes boutons se retrouvent sur le buste en plâtre de Corbineau par Lemaire conservé dans la Galerie des Batailles du château de Versailles.

Masséna arbore la Légion d’honneur (croix d’officier et plaque). L’autre croix ne correspond pas aux ordres dont il était également membre.

Laitié s’est inspiré des portraits peints et sculptés sous le Premier Empire pour réaliser la tête du maréchal. Un moulage en plâtre du buste original de Masséna sculpté par François Masson (1745-1807), qui se trouvait dans le Salon des Maréchaux aux Tuileries, est conservé dans les galeries historiques du château de Versailles ; cette œuvre, datée de 1835, peut être mise en relation avec la statue modifiée par Laitié.

Un buste du général Corbineau a été attribué à l’École militaire de Saint-Cyr en 1922 (AN, F/21/4872, dossier 47).

Sources et bibliographie

Archives :

  • SHD, dossier d’André Masséna, duc de Rivoli, prince d’Essling, maréchal de France, 6 Yd 5.
  • SHD, dossier de Claude-Louis-Constant-Esprit-Juvénal-Gabriel Corbineau, général de brigade, 8 Yd 1067.
  • Archives nationales, base Léonore, dossier du maréchal Masséna, LH/1778/31.
  • Archives nationales,  F/21/4872, dossier 47, attribution de 19 bustes à l’École militaire de Saint-Cyr (Saint-Cyr-l’École), arrêté du 23 février 1922.
  • Archives des musées nationaux, musée du Louvre, département des sculptures (série S), 20144793/13, commandes et acquisitions acceptées, 1836-1848, dossier 47, plâtre de la statue du maréchal Lannes par Cortot.
  • Archives nationales, F/21/580, Décoration du pont de la Concorde, devenu pont Louis XVI sous la Restauration, pièces 1-105 (1810-1837) et 184-213 (1816-1834).

 Bibliographie :

  • BANC, Jean-Claude, Dictionnaire des maréchaux de Napoléon, Paris, Pygmalion, 2013.
  • HULOT, Frédéric, Le maréchal Masséna, Paris, Pygmalion, 2005.
  • Vivant Denon, directeur des musées sous le Consulat et l’Empire : correspondance, 1802-1815, éd. établie par Marie-Anne Dupuy, Isabelle Le Masne de Chermont et Elaine Williamson, Paris, RMN, 1999 (2 vols.).
  • LALOUETTE, Jacqueline, Un peuple de statues. La célébration sculptée des grands hommes (France 1801-2018), Paris, Mare & Martin, 2018.
  • LAMI, Stanislas, Dictionnaire des sculpteurs de l’école française au XIXe siècle, Paris, Librairie Ancienne Honoré Champion, 1914, tome III, p. 233-236.
  • LAMI, Stanislas, Dictionnaire des sculpteurs de l’école française au XIXe siècle, Paris, Librairie Ancienne Honoré Champion, 1914, tome III, p. 306-310.
  • MULLIÉ, Charles, Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, Paris, Poignavant, 1852, tome II, p. 273-276.
  • NAPOLÉON Ier, Correspondance publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III, tome XX (1809-1810), Paris, 1858-1870.
  • ROBINET DE CLÉRY, Adrien, « Les statues décapitées du pont de la Concorde », extrait de la Grande Revue de Paris et de Saint-Pétersbourg, Paris, Imprimerie d’E. Arrault, s. d.

Références Internet :

Auteur de la notice

 A. Nicolas     

Partager la page

Veuillez autoriser le dépôt de cookies pour partager sur