Étienne Caudy : « Le contrat de concession du Cercle national des Armées est une première pour l’État »
Signé le 4 juillet, le contrat de concession du prestigieux immeuble place Saint-Augustin à Paris, et d’un immeuble de bureaux tout proche, constitue un montage inédit pour l’Etat que nous détaille, le directeur du projet CNA pour la DTIE.
Pourriez-vous décrire les éléments constitutifs du contrat de concession du Cercle national des Armées (CNA) ?
Étienne Caudy : En termes d’actifs immobiliers, le contrat porte sur un ensemble baptisé "Pépinière 2". Il est constitué du célèbre immeuble de la place Saint-Augustin, qui héberge sur 12 500 m² de surface de plancher le CNA, et d’un autre immeuble de bureaux au 24-28 rue de la Pépinière, qui a la même surface. En termes de nature juridique, il s’agit d’un montage concessif sur une durée de 30 ans et qui relève du code de la commande publique.
La partie fructifère réside dans l’exploitation au profit du concessionnaire, en l’occurrence le groupe immobilier Duval, de l’ensemble des locaux commerciaux en pied d’immeuble, aussi bien celui de la place Saint-Augustin que l’immeuble de rapport de la rue de la Pépinière, qui a une surface utile de 9 000 m² (1). Il est à noter que l’exploitation au sein du CNA des activités hôtellerie, restauration et évènementiel reste au bénéfice de la société Eurest dans le cadre d’une délégation de service public.
Qu’est-il demandé, en échange, au concessionnaire ?
E.C : Le concessionnaire a à sa charge les opérations d’entretien et de maintenance de niveau 1 (interventions simples) à 5 (actions complexes réalisées par le constructeur de l’équipement ou par une société agréée) sur cet ensemble immobilier. Le concessionnaire aura donc tout particulièrement à sa charge ce qu’on appelle le GER (Gros Entretien Renouvellement). Il sera redevable à ce titre d’obligations d’investissements annuels à hauteur de 200 000 euros, à compter de la 10ème année de contrat.
Ces obligations d’entretien et de maintenance permettront au ministère de récupérer un actif immobilier en 2054 en très bon état et conforme à la réglementation du décret tertiaire en matière de réduction des consommations d'énergie. Auparavant, le concessionnaire doit réaliser pendant les quatre premières années du contrat les études et travaux de rénovation (2) pour un montant total d’environ 50 millions d’euros d’investissement initial (43 millions pour le CNA, 7 millions pour l’immeuble de rapports de la rue de Pépinière). À titre subsidiaire, le ministère va également percevoir une redevance fixe de 405 000 euros sur 4 ans puis de 105 000 (3) euros par an, ainsi qu’une redevance variable assise sur le chiffre d’affaires du concessionnaire (10 % à partir du seuil de déclenchement de 5 millions d’euros).
Pourquoi ce choix d’un contrat concessif et en quoi constitue-t-il une innovation ?
E.C : Cette voie de la concession a été choisie par le ministère des Armées et des Anciens combattants (4) car nous avions besoin de disposer de la faculté juridique de pouvoir prescrire les travaux de rénovation. L’enjeu principal de cette concession est la revalorisation patrimoniale de l’ensemble immobilier par opposition à la valorisation financière, qui est un enjeu subsidiaire. Si nous étions passés par un bail à construction ou un bail emphytéotique de valorisation, qui sont des montages beaucoup plus usuels et classiques mais qui ne relèvent pas de la commande publique, nous n’aurions pas eu la faculté de prescrire des travaux. Le caractère inédit de l’opération repose dans le fait que c’est la première fois que l’État met en œuvre un contrat de concession pour une opération de valorisation patrimoniale. Je dirais même que c’est la première fois que l’État y parvient.
Le montage de cette opération a donc été difficile à mener ?
E.C : C’est à la faveur d’un important retour d’expérience, à la suite de l’infructuosité de la 1ère procédure, que nous avons pu identifier les principaux points de blocage auprès du marché en vue de les surmonter. Nous avons alors compris que le caractère atypique et innovant de ce montage concessif supposait de procéder à une certaine pédagogie lors du sourcing afin de convaincre les opérateurs économiques de la rentabilité et de la pérennité de ce montage, méconnu à ce moment-là.
Ce contrat est innovant sur le plan juridique. L’est-il aussi sur le plan financier ?
E.C : Oui. Il assure un partage équitable et équilibré de la valeur entre le concessionnaire et le ministère des Armées et des Anciens combattants. L’ensemble du financement des travaux est assuré par le partenaire privé. Pas un euro ne sort des caisses de l’État. Il en est de même en phase d’exécution du contrat, une fois les travaux achevés. Ce contrat est un partenariat "long termiste" gagnant-gagnant qui s’inscrit dans un modèle vertueux, conformément à la nouvelle politique immobilière de l’État.
En résumé, aucune subvention d’investissement du ministère dans le cadre de la réalisation des travaux, aucune dépense budgétaire en phase exploitation et des flux positifs du concessionnaire vers l’État et le ministère par la perception des redevances fixes et variables. Ce projet est l’illustration de la nouvelle gestion immobilière de l’État, visant à passer d’un centre de coût à un centre de profit, en se tournant vers le marché dans le cadre des projets de valorisation immobilière et permettant ainsi des financements entièrement auto portés par l’opérateur économique.
Ce contrat de concession pourrait-il trouver à s’appliquer pour d’autres biens immobiliers de l’Etat, en particulier au ministère des Armées et des Anciens combattants ?
E.C : Oui. Ce projet CNA a justement été érigé en "projet vitrine" auprès du marché pour qu’en cas de réussite, ce type de montage innovant puisse être "industrialisé" sur d’autres actifs de l’État. La Direction de l’immobilier de l’État nous a fait part de sa volonté de pouvoir instituer ce montage sur certains de ses actifs.
Quant au ministère des Armées et des Anciens combattants, un tel contrat concessif pourrait donner lieu à des applications sur d’autres de ses biens, en particulier des actifs immobiliers revêtant une forte valeur patrimoniale et situés dans des zones où l’attractivité tertiaire est avérée.
(1) La « surface utile » désignant techniquement la surface commercialement exploitée, peut-être est-il plus opportun de mentionner la surface de plancher de 12500 m² de cet immeuble de bureaux.
(2) Travaux de réhabilitation et de rénovation (travaux de nature différente
(3) Il s’agit d’un montant de redevance fixe de 150 000 euros / an
(4) Par la DTIE du ministère des Armées et des Anciens combattants. Je me permets d’apporter cette précision car c’est en effet à la DTIE que l’ancienne ministre des Armées Florence Parly a dévolu la gouvernance du projet CNA.
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