CADISMEx 2025 : deux semaines pour former les infirmiers spécialisés militaires aux défis médicaux liés à la haute intensité

Direction : Santé / Publié le : 30 octobre 2025

Sur le camp de la Valbonne (Ain), 16 infirmiers spécialisés militaires, qu’ils soient infirmiers anesthésistes ou infirmiers du bloc opératoire, ont pris part à la nouvelle formule de la formation CADISMEx (cours avancé des infirmiers spécialisés en mission extérieure), du 6 au 17 octobre 2025. Objectif : acculturer les personnels paramédicaux des armées, aux défis de la haute intensité.

Rédaction : Emmanuelle Ndoudi

Prise en charge d'u blessé au sol © SSA

Entretien avec le directeur des soins hors classe Philippe et l’infirmier en bloc opératoire de 3e grade Laurent, référents pédagogique et technique de la formation.

Quelle est la raison d’être de la formation CADISMEx ?

Directeur des soins hors classe (DIR.HC) Philippe : La formation CADISMEx est un rite de passage obligatoire pour tout infirmier spécialisé, après l’obtention du diplôme de spécialité. Ce stage d’adaptation à l’emploi a été créé en 2014, par des paramédicaux, pour des paramédicaux. Avec cette proposition, nous voulions créer une formation militaire pour que les jeunes diplômés puissent parachever leur formation d’infirmiers spécialisés. Après 11 ans d’existence, nous avons modifié la direction de notre formation pour en faire un véritable outil d’aguerrissement à la haute intensité. Grâce à CADISMEx, infirmiers anesthésistes (IADE) et infirmiers de bloc opératoire (IBODE) bénéficient d’une acculturation à la pratique de leurs spécialités, dans un contexte de conflit majeur.

Infirmier bloc opératoire de 3e grade (IBO3G) Laurent : Dès la naissance de CADISMEx, j’ai rejoint cette aventure avec le DIR.HC Philippe, et référent pédagogique. Aux côtés de mon binôme David, nous représentons les référents techniques IBODE, forts de 32 et 26 années de service et de plus de 40 missions opérationnelles. Cette longue expérience, nous la mettons aujourd’hui au cœur de la formation, avec un objectif : transmettre aux stagiaires le sens du terrain et la rigueur du métier. CADISMEx est non seulement une formation et un temps d’entraînement mais aussi un espace de partage où nous transmettons les « trucs et astuces » et les connaissances à conserver avant un déploiement, en tant qu’infirmier spécialisé. L’objectif est le suivant : que les infirmiers anesthésistes ou de bloc opératoire s’acclimatent à l’exercice de leur fonction, en contexte opérationnel en role 2.

Comment avez-vous réadapté CADISMEx aux nouveaux enjeux géopolitiques ?

DIR.HC Philippe : Inévitablement, face aux enjeux géopolitiques qui s’imposent à la médecine militaire, nous avons dû innover et revisiter le stage et les ateliers qui l’animent. Chaque atelier a été conçu autour de la notion de Damage control (note de la rédaction, doctrine cherchant à stabiliser le patient par des soins essentiels), appliquée aux aspects réanimation et chirurgie.

Dans les configurations de haute intensité, les infirmiers spécialisés du rôle 2 pourraient être sollicités pour mener des interventions de sauvetage au combat directement sur des points de stabilisation avancés, le temps d’acheminement des blessés vers le rôle 2 étant amené à s’allonger. Cette évolution s’accompagne d’un renforcement de la rusticité des équipes et des moyens engagés.

IBO3G Laurent : In fine, la nouvelle version de CADISMEx ambitionne de ré-acculturer ces infirmiers spécialisés, qui font l’essentiel de leur formation dans le civil, au monde militaire. La haute intensité bouleverse les doctrines de médecine militaire : un infirmier spécialisé doit donc savoir comment se déroule la prise en charge à l’avant et le triage des blessés.

Qu’attend-on d’un infirmier spécialisé, en contexte de haute intensité ?

DIR.HC Philippe : Comme ses camarades soignants militaires, un infirmier spécialisé doit savoir faire preuve de rusticité, tant professionnelle que personnelle. En contexte opérationnel, l’IBODE ou l’IADE doit être capable de prendre en charge un blessé, avec peu de matériel, tout en maintenant un haut niveau de performance. En hôpital militaire, un infirmier anesthésiste peut endormir un blessé grâce à 7 ou 8 pouce-seringues électriques. Durant leur formation, nous leur avons appris les injections itératives, avec le strict minimum ; une seringue, une aiguille, une ampoule et des drogues rustiques, qui ont fait leurs preuves. Ils doivent ainsi faire appel à leur bon sens et à une méthodologie : le SAFE MARCHE RYAN.

La démarche d’adaptabilité et de rusticité est la même pour les infirmiers de bloc opératoire. En contexte opérationnel, leur rôle évolue vers celui d’assistant chirurgical. En role 2, ils devront anticiper et préparer le matériel pour l’opération puis assister les chirurgiens.

IBO3G Laurent : D’un point de vue médical, les infirmiers spécialisés sont formés et ont acquis les rudiments du métier, en sortie d’école. Mais ils ne sont pas encore prêts à être déployés. Il faut également qu’ils connaissent et comprennent le matériel à leur disposition (matériel biomédical, instrumentation chirurgicale). Une première approche pour éviter l’effet de surprise à la descente de l’avion. L’autre élément crucial tient en un mot simple : la réactivité. Ils devront être capables de prendre des décisions rapidement, de trier efficacement les différents types de blessés qui leur seront amenés.

Immerion en bloc chirurgical © SSA

Concrètement, comment ces réflexions ont influencé la préparation de CADISMEx ?

DIR.HC Philippe : Dès leur accueil, j’ai pris le temps de leur expliquer les mécanismes de la transformation du Service de santé des armées, vers le modèle 2030. Il fallait les acculturer aux évolutions des missions opérationnelles et à la notion d’engagement majeur. Pendant cette formation, les 16 stagiaires ont pu bénéficier de cours magistraux autour du blessé de guerre : Damage control chirurgical et réanimatoire, de la nouvelle version du sauvetage au combat et réadaptation de leur métier et mission à la haute intensité. Nous avons progressivement basculé vers des cas pratiques, via des ateliers autour du MARCHE RYAN ou des techniques de pansement du grand brûlé. Ils ont également appris à monter un point de stabilisation, leur role 2 : zone de triage, zone de déchoquage, blocs opératoires.

CADISMEx 2025 était aussi une innovation du point de vue de l’exercice MASCAL qui a mobilisé les stagiaires de 4 heures du matin à 17 heures pour 37 blessés. L’objectif était de rendre les participants plus endurants et de mesurer leur gestion de la fatigue. Entre les traumatismes crâniens, les blasts, les hémorragies, les blessures psychiques ou balistiques, les traumatologies mises en scène étaient variées pour tester l’adaptabilité et la réactivité dans la prise en charge.

IBO3G Laurent : Actuellement le seul formateur d’active habilité aux gestes et soins d’urgence en situation sanitaire exceptionnelle (SSE), j’ai conduit des sessions de formation aux risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques, pour préparer les équipes à intervenir dans un environnement contaminé. Les infirmiers stagiaires devaient prendre en charge un blessé hémorragique mais également contaminé par un agent neurotoxique. À l’issue de ce scénario, Nous leur avons délivrés une attestation de formation aux gestes et soins d’urgence, en SSE. C’est une vraie nouveauté pour CADISMEx !

À l’issue de cette formation, que vous ont dit les stagiaires ?

DIR.HC Philippe : Ils ne s’attendaient vraiment pas à un tel choc ! Au premier abord, la formation leur a été un peu brutale. Mais cet effet de surprise était nécessaire pour les bousculer et induire en eux une dynamique constructive. À la fin, ils étaient tous très fiers et ravis d’avoir réussi cet exercice abouti.

IBO3G Laurent : Ils ont totalement compris les compétences attendues d’un infirmier spécialisé, en contexte opérationnel : être résistant au stress et à la fatigue, capable de travailler en équipe, le leadership et le followership. Des notions essentielles pour que la mission se passe bien et qui ont permis à l’entraînement de bien se dérouler.

Et vous, un mot pour conclure sur cette édition ?

DIR.HC Philippe : Entouré d’une équipe de passionnés et d’experts dévoués, j’ai pu compter sur un collectif soudé pour mener à bien cette formation ambitieuse. La jeunesse que nous formons se distingue par son engagement et son sens des responsabilités. Une véritable fraternité d’armes est née de cette expérience. CADISMEx 2025 s’achève sur une réussite : cap désormais sur la prochaine édition.

IBO3G Laurent : Derrière CADISMEx se cache une logistique complexe et la mobilisation de nombreux acteurs : formateurs experts, grimeurs du centre de formation opérationnelle santé et du RMED, pilotes de véhicules blindés, brancardiers secouristes… Cette année, les plastrons étaient incarnés par des élèves infirmiers de 3ᵉ année de l’École du personnel paramédical des armées. L’ingéniosité et l’expérience des formateurs IBODE et IADE ont donné aux scénarios une dimension réaliste. Un travail colossal, mais toujours gratifiant. La version 2026 promet déjà de nouvelles innovations.


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