Force aéronavale nucléaire, une exception nécessaire française

La force aéronavale nucléaire (FANU) est une des trois forces stratégiques de la dissuasion nucléaire française. Aux ordres du président de la République, seul à pouvoir décider de l’emploi de l’arme nucléaire, elle est une exception française.

Force aéronavale nécessaire française © S. Chenal / Marine nationale

Force aéronavale nécessaire française

«Posez la question à un militaire, et même à un marin : qu’est-ce que la FANU ? Vous aurez au mieux un long silence contrit, au pire une réponse erronée, y compris chez des officiers supé­rieurs. C’est la force la plus méconnue de la Marine ! », constate le capitaine de vaisseau Didier, adjoint au chef de division FANU à l’état-major de la force d’action navale (FAN). Pourquoi ce déficit de notoriété vis-à-vis de l’une des trois forces de dissuasion nucléaire, aux côtés des forces aériennes stratégiques (FAS) de l’armée de l’Air et de l’Espace, et des forces océaniques sous-marines stratégiques (FOST) ? « C’est la dernière-née des forces de dissuasion, elle a une histoire particulière. », lance le CV Didier, qui tente de mieux la faire connaître. Avec la FANU, la Marine dispose d’une « force de circonstance », à la main du chef des armées, le président de la République, lorsque le porte-avions est en mission. Sans porte-avions, pas de force de frappe avec la FANU.

Historiquement, la FANU a été conçue en 1978 d’abord comme une force tactique. La France a eu jusqu’à six forces de dissuasion « trois stratégiques qui fondent la triade de dissuasion nucléaire (FOST, FAS et les mis­siles sol-sol du plateau d’Albion) et trois tac­tiques (la FATAC, qui sera absorbée par les FAS, la force Pluton et la FANU) », explique le CV Didier. À l’époque, l’organisation du commandement de la FANU était sensible­ment différente, sans unicité réelle du com­mandement organique et opérationnel, « nos porte-avions disposant d’une cellule nucléaire préstratégique pour conduire l’opération ». Ce n’est que dans les années 2000, que la FANU, devenue force stratégique, se voit dotée d’un chef unique, l’amiral commandant la force d’action navale (ALFAN). Il dispose d’une division dédiée au sein de l’état-major de la FAN pour la préparation opérationnelle, et d’un centre d’opération, le COFANU, outil de commandement qui assure les fonctions de contrôleur opérationnel.

Une doctrine "tous azimuts"

Depuis sa création, la dissuasion nucléaire française a toujours été autonome et souve­raine. Une souveraineté inaliénable, y com­pris depuis le retour de la France au sein du commandement intégré de l’OTAN, en 2007. Jusqu’en 1966, les Américains confiaient à la France des armes nucléaires tactiques, ce qui est devenu caduque après la décision du géné­ral de Gaulle de quitter le commandement intégré de l’OTAN. « Ce retour n’a cependant pas modifié notre doctrine. » Elle vise à dis­suader toute agression ou menace d’agression étatique contre nos intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne, et quelle que soit sa forme. L’évolution du contexte géopolitique justifie toujours la pertinence de cette doctrine « tous azimuts ».

Une capacité aéronavale nucléaire unique au monde

Trois principes clés la définissent : son carac­tère (« tous azimuts »), sa valeur politique et militaire, et la dualité dans l’emploi du porteur, « en d’autres termes, lorsque le porte-avions est déployé, on ne sait jamais s’il est chargé d’armes nucléaires ou non ». L’ambiguïté est constitutive de cette capacité à porter l’ombre de la dissuasion loin et longtemps. « Très rares sont les nations qui disposent d’un outil comme le GAN. » La capacité aéronavale nucléaire est une spécificité française, car les Américains l’ont abandonnée à la fin de la guerre froide en signe d’apaisement dans le cadre des traités de contrôle des armements. Ils gardent évidem­ment d’autres outils de dissuasion, notamment à travers leurs SNLE, tout comme la Russie qui n’a pas « cette culture du porte-avions comme outil politique ». Une exception française d’une valeur inestimable, à protéger et exploiter.

3 000 militaires embarqués

Parole de marins

Ils sont embarqués sur le porte-avions, sur des frégates, des sous-marins, ou encore des aéronefs, tous intégrés du GAN, ce sont eux qui le font vivre. Cols bleus est allé à leur rencontre.

Commandant de la frégate de défense aérienne (FDA) Chevalier Paul

CV Antony Branchereau

« En tant que commandant, je dois faire en sorte que mes équipes soient motivées, prêtes, entraînées, efficaces, dans la durée pour assurer en permanence la détection, la classification voire l’engagement sans préavis de toute menace aérienne autour du Charles de Gaulle. C’est la fonction Anti-Air Warfare Commander (AAWC), coeur de métier de la FDA. Ensuite, contrôler l’espace aérien ami autour du porte-avions pour garantir les départs et retours en sécurité des avions et hélicoptères du Charles. Enfin, participer à tous les autres domaines de lutte : surface, anti-sous-marine, cyber en profitant des capacités techniques de la frégate. Je mesure l’importance de se projeter avec réalisme et intensité dans le combat naval, son imprévisibilité, sa violence, sa dépendance aux facteurs techniques, humains, météorologiques, tactiques, etc. J’attends donc des prochaines missions qu’elles nous permettent d’entretenir cet esprit combatif pour le Chevalier Paul et de le faire en coalition. »

Chef de détachement de l’Atlantique 2

CC Johann

« Au sein du groupe aéro­naval, le principal rôle de l’ATL2 est l’établissement de la situation tactique sur zone au profit du porte-avions (PA). Ensuite, nous assurons la protection anti-sous-marine du PA en coopération avec les frégates anti sous-marines de son escorte avec pour objectif de détecter, repousser et dissuader un sous-marin compétiteur qui tenterait de s’approcher de la force. Enfin, nous participons à des vols d’entraînement : démonstration de capacité, lutte antinavire, close air support..., en coopération avec les avions du GAé. En tant que chef de détache­ment, je fais la liaison entre le détachement ATL2 et l’état-major du groupe aéronaval (GAN), c’est-à-dire que je vais m’assurer de la disponibilité de l’aéronef et de l’équipage dans le but de réaliser les vols ordonnés. Sur la mission Akila, je serai également le comman­dant de bord de l’avion, donc j’aurai aussi la responsabilité de la réussite des vols. Ma prin­cipale préoccupation durant cette mission est que le détachement atteigne les objectifs fixés par le GAN et parvienne à lui obtenir dans les temps, les renseignements dont il a besoin. »

Pilote de Rafale

LV Théo

« Une flottille de Rafale sur le porte-avions (PA), c’est une capacité de projection de puissance depuis la mer avec des aéronefs capables d’effectuer un nombre de mis­sions variées tel que la délivrance de l’arme­ment, la collecte de renseignement ou encore la supériorité aérienne. Un vol commence, la veille, par une préparation durant laquelle on nous donne le contexte de la mission et les objectifs à atteindre. En fonction de la situation tactique et des moyens à notre disposition, c’est-à-dire, l’armement, la position du PA, la météo, les menaces..., nous élaborons une stratégie, “un gameplan” pour réaliser ladite mission. Antares était ma première mission au sein du groupe aéronaval, j’y ai découvert la signifi­cation d’être embarqué à bord du PA. Opérer depuis le PA reste pour moi le coeur du métier de pilote de chasse embarquée, c’est notre spé­cificité. Une fois qu’on y est, on en retire une grande fierté et une grande satisfaction. »

Bureau renseignement au sein de FRSTRIKEFOR

LV Paul

« Mes fonctions sont doubles : à terre, je suis chef de la cellule “interprète image” en charge de l’analyse des clichés satellites. En mer, intégré au sein du centre de renseignement de la force navale (CRFN), nous constituons une équipe d’experts pluridiscipli­naires du renseignement (électromagnétique, image, géographique, etc.). Intégrant les équipes du porte-avions, le CRFN planifie, conduit et analyse le recueil du renseignement issu du groupe aéronaval (GAN). Équipe interarmées d’une vingtaine de militaires, renforcée par du personnel issu de la direction du renseignement militaire, elle offre une réelle plus-value dans sa maitrise de la situation tactique. Il nous revient de positionner au mieux l’ensemble de nos cap­teurs (bâtiments d’escorte, aéronefs, sous-ma­rin), en lien avec la conduite des opérations, afin de maximiser les opportunités de recueil et d’anticipation sur nos compétiteurs. Du travail du CRFN dépend l’appréciation autonome du GAN et sa maitrise de l’environnement tac­tique. »

Battle Watch Captain au sein de FRSTRIKEFOR

LV Romain

« Lorsque l’état-major du groupe aéronaval est déployé pour une opération sur le porte-avions, je prends les fonctions de Battle Watch Captain (BWC). Agissant sous les ordres de l’amiral comman­dant la force, j’assure la permanence de son commandement lors de mes quarts. À ce titre, je transmets les directives vers les bâtiments à la mer et vérifie leur mise en oeuvre. Pour cela, je suis en lien permanent avec de nombreux acteurs dont les officiers de quart opérations (OQO) des bâtiments français et étrangers et les commandements opératifs. C’est une fonc­tion qui demande beaucoup de coordination et une connaissance fine du fonctionnement de la Marine et des opérations, des bateaux de la force navale et d’un état-major car je dois transmettre les informations aux bons interlocuteurs au bon moment. Enfin, le BWC doit être capable de réagir à ce qui n’est pas planifié comme des interactions avec des com­pétiteurs et de proposer des adaptations en conséquence. Dans ma précédente affectation, j’étais OQO d’une frégate de premier rang. Cette expérience m’a beaucoup servi pour ce poste dans la mesure où je comprends les contraintes de ces bateaux, on parle la même langue en quelque sorte ! »

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