« Et pourtant, moins d’un an après la fuite d’ISak [une bactérie] vers les territoires émergés de la planète, la France était méconnaissable. La peste plastique, ou épiplastie, comme on s’était habitués à l’appeler, se transmettait par contact direct entre matériau sain et objet contaminé, ou grâce à un intermédiaire. Une main humaine, par exemple. Une fois au contact du plastique, elle le digérait plus ou moins vite, ce qui revenait à disloquer et à faire disparaître d’ahurissantes quantités de matière (…) En urgence, dès 2032, l’Etat mit en place une quarantaine stricte sur les ports de marchandises et ferma les frontières, les aéroports et les liaisons ferroviaires. Cela ne suffit pas à enrayer la contamination. »

Capitaliser sur la Red Team

Non, ceci n’est pas l’intrigue du dernier film hollywoodien à la mode, mais bien un scénario imaginé et rédigé par un collectif d'auteurs indépendants. Scénario qui était la trame d’une journée événement ayant rassemblé, le 7 novembre dernier à la Maison de la Radio (Paris), près de 800 experts issus du monde militaire et de la société civile : étudiants, dirigeants d’entreprises, ingénieurs ou encore acteurs de la sphère culturelle. Que se cache-il derrière ce grand rendez-vous ? Une initiative portée par la Direction général de l’armement (DGA) et qui vient s’inscrire dans l’héritage de la Red Team¹ Défense. RADAR, nom du nouveau programme, vient en effet capitaliser sur l’expérience acquise en matière de prospective et d’anticipation stratégique tout au long des quatre saisons de la Red Team. « Un passage à l’échelle après l’expérience Red Team qui a su bousculer les codes en identifiant une quarantaine de menaces depuis ses débuts », affirme Patrick Aufort, directeur de l’Agence de l’innovation de défense (AID), elle-même placée sous la responsabilité de la DGA. Objectif pour cette dernière : poursuivre et amplifier la réflexion à partir d’un scénario de crise prospectif inédit. Dans le cas présent, quand un matériau omniprésent dans notre quotidien disparaît brutalement, qu’advient-il pour l’humanité privée d’une matière devenue indispensable ? « RADAR vise à nous faire penser hors du cadre afin de nous sortir de notre zone de confort. Il faut penser les crises comme autant d’opportunités. Finalement, cette journée est un appel à l’anticipation », précise Emmanuel Chiva, délégué général pour l'armement (DGA).

Anticiper pour ne pas subir

Une phase de restitution a conclu cet événement, en présence notamment du DGA, du général Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées et d’Alice Rufo, directrice de la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS). Cette dernière assure : « Dans ce genre d’événement, la coopération internationale est nécessaire, même si elle est parfois difficile à obtenir (…) Il faut garder en tête qu’il y a des réactions classiques et toujours aussi une part de surprises, d’imprévus. » Croire à l’intelligence collective et s’ouvrir au maximum, tel est en effet le credo de RADAR. « Notre capacité d’anticipation doit être beaucoup plus rapide, afin d’être en position d’agir et non de subir. À la clé, la possibilité d’éviter, voire d’empêcher, les crises potentielles. La force de l’imagination doit être au pouvoir », a même déclaré le chef d’état-major des armées en guise de conclusion. L’anticipation donc, maître-mot de cette initiative RADAR. Sa devise : qui veut la paix prépare le futur.

¹ L’initiative Red Team a été décidée à l’été 2019 par l’Agence de l’innovation de défense avec l’état-major des armées, la Direction générale de l’armement et la Direction générale des relations internationales et de la stratégie.