C’est un chantier titanesque, discret, tapi dans l’enceinte du port militaire de Toulon. Un chantier à 3 milliards d’euros, étalé sur quinze ans. « 29 000 mètres cubes de béton, 55 kilomètres de câbles électriques, 10 kilomètres de canaux et 450 millions d'euros d'investissement », précise le ministre des Armées, avant de poursuivre : « C’est l’équivalent du viaduc de Millau. » L’objectif : préparer la Marine nationale à accueillir et entretenir les nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de type Suffren, au cœur du programme Barracuda.

Le bassin Missiessy n°2 (MY02) permettra désormais d’accueillir deux SNA en simultané, une capacité indispensable alors que la flotte doit s’étoffer d’ici 2028. L’admission au service actif du Tourville, troisième bâtiment de la série, incarne cette dynamique, à laquelle répond le vaste chantier de modernisation mené à Toulon.

Lancé pour remplacer les SNA de type Rubis à l’horizon 2030, ce programme implique un saut technologique majeur. « Le Tourville présente des sauts technologiques et donc opérationnels prodigieux. S'il fallait en retenir qu’un seul, c'est une capacité à le déployer deux fois plus longtemps », a souligné le ministre. 

Par leur taille, les Suffren nécessitent donc des infrastructures adaptées à leurs spécificités techniques, mais aussi aux normes de sûreté nucléaire renforcées depuis Fukushima. C’est tout l’enjeu du Programme d’infrastructure Accueil Soutien Barracuda (PI ASB).

Le PI ASB modernise les quais, les bassins, les réseaux et les bâtiments de soutien, principalement à Toulon, port-base historique des SNA. Il doit permettre à la fois le maintien en condition opérationnelle (MCO) des nouveaux Suffren et le soutien résiduel aux SNA Rubis jusqu’en 2030. Il garantit aussi le soutien aux chaufferies du porte-avions Charles-de-Gaulle pour son arrêt technique majeur de 2027.

Le chantier est organisé en trois grandes phases. La première, achevée, a permis l’accueil des deux premiers Suffren. La deuxième, en cours jusqu’en 2030, voit la montée en puissance de Toulon : cinq postes à quai seront livrés, deux bassins d’entretien modernisés (MY01 et MY02), un bâtiment logistique construit, et l’installation nucléaire de base secrète (INBS) entièrement refondue. La troisième phase assurera les arrêts techniques majeurs des Suffren, avec un jalon important en 2027.

Le bassin Missiessy n°2, mis en service en mai 2025, incarne ce saut capacitaire. Datant de 1881, il a été entièrement réhabilité pour permettre le MCO des SNA nouvelle génération. Il peut désormais accueillir deux arrêts techniques simultanés, répondant ainsi à la montée en puissance de la flotte (cinq Suffren prévus en ligne en 2028). « Ce bassin représente une prouesse industrielle et un symbole : celui d’une base navale vivante, modernisée, capable d’accompagner la montée en puissance de notre flotte », a souligné le ministre. Renforcement parasismique, nouveaux équipements, alimentation modernisée, galeries enterrées… les travaux ont mobilisé jusqu’à 200 ouvriers dans un espace contraint et en activité permanente.

Le PI ASB ne se limite pas à un chantier d’infrastructure. Il s’agit d’un investissement stratégique, représentant à lui seul 16 % du coût total du programme Barracuda. Il illustre la volonté de la France de maintenir une dissuasion crédible, un outil naval performant, et une souveraineté industrielle dans un environnement stratégique de plus en plus tendu. À l’horizon 2030, il offrira à la Marine nationale un outil de soutien parfaitement calibré pour sa nouvelle génération de sous-marins.