Fort de Romainville et gare de Bobigny: « Deux sites longtemps oubliés mais majeurs »
Patricia Miralles, secrétaire d’Etat chargée des Anciens combattants et de la Mémoire, se déplace aujourd’hui au fort de Romainville. Demain, elle inaugurera l’ancienne gare de Bobigny. Deux lieux emblématiques de la répression et des persécutions nazies pendant l’Occupation. Thomas Fontaine, directeur du Musée de la Résistance nationale, revient sur leur histoire.
Quelle était l’importance du fort de Romainville et de l’ancienne gare de Bobigny durant l’Occupation ?
Ces deux lieux n’ont pas marqué les mémoires de l’immédiat après-guerre. Ils sont pourtant essentiels dans le dispositif allemand. À partir de juillet 1943, Alois Brunner fait de Bobigny la principale gare pour la déportation des juifs de France, en lieu et place de celle du Bourget. Il est alors le nouveau responsable en France des politiques de déportation et de la « solution finale ». Quant au fort de Romainville, c’est le tout premier camp de détention administrative de sécurité installé par l’occupant, dès l’été 1940. La garnison allemande y restera d’ailleurs jusqu’au bout et n’abandonnera les lieux que le 20 août 1944, lors des combats pour la libération de Paris. Nous sommes donc face à deux sites longtemps oubliés, mais majeurs.
En quoi la gare de Bobigny était-elle une pièce maîtresse pour les Allemands ?
En 1942, les trains de déportés s’élançaient initialement de la gare du Bourget-Drancy. Problème : cette dernière voit aussi passer des voyageurs. Alois Brunner décide alors de trouver un endroit plus discret, à l’abri des regards et sans doute mieux protégé des bombardements alliés. Son choix se porte sur Bobigny. La raison ? Depuis l’occupation allemande, elle ne sert plus qu’au transport de marchandise. Le 18 juillet 1943, un tout premier convoi s’ébranle donc en direction d’Auschwitz-Birkenau. Au total, près de 22 500 hommes, femmes et enfants transiteront par la gare de Bobigny vers les centres de mise à mort.
Quelle population le fort de Romainville a-t-il accueillie ?
Le camp va jouer plusieurs rôles au cours de la guerre. Il ouvre officiellement le 1er novembre 1940. Mais les premiers détenus étaient arrivés dès l’été 1940, notamment pour installer les barbelés. C’est d’abord un lieu pour les étrangers, ceux que les Allemands appellent « les ressortissants de puissances ennemies ». Au printemps 1941, à la suite de l’offensive des Balkans, de nombreux Yougoslaves sont ainsi internés. A partir de 1942, l’enceinte fortifiée se transforme en « réserve d’otages » pour le Mont-Valérien, principal lieu d'exécution sur le territoire français. Le fort évolue ensuite et devient le point de départ pour la déportation des résistants. Il fonctionne alors en duo avec le camp de Compiègne-Royallieu. Quand ce dernier récupère les prisonniers masculins, fin 1943, Romainville se charge d’accueillir les femmes. Elles constituent d’ailleurs 3 800 des 7 000 individus passés par le fort durant l’Occupation. En 1944, les résistantes arrêtées dans toute la France sont déportées depuis cet endroit.
Les deux sites bénéficient de travaux de rénovation. En quoi consistent-ils ?
La gare de Bobigny est en fait déjà restaurée et ouverte au public depuis janvier dernier. C’est un projet de longue haleine qui a débuté en 2005, quand la commune a récupéré les 3,5 hectares de terrain, alors loués par un ferrailleur. Plusieurs partenaires, dont le ministère des Armées et la SNCF, souhaitaient y implanter un lieu de mémoire. C’est désormais chose faîte avec ce parcours scénographique en extérieur, inscrit dans la ville. La gare de Bobigny est l’une des rares en Europe à avoir conservé son aspect d’origine. Une raison supplémentaire pour la mettre en avant.
La restauration des graffitis du fort de Romainville a été engagée par le ministère des Armées. Ces derniers étaient dessinés par les prisonniers qui inscrivaient la date de leur passage, s’adressaient à leurs proches… Après une campagne photographique menée en 2011, nous avons pu mettre des noms et des visages sur 53 des 75 graffitis réalisés durant l’Occupation. C’est une trace vraiment exceptionnelle de la répression menée par les Allemands. Plus globalement, l’avenir du fort de Romainville s’inscrit désormais dans un projet urbain qui devrait voir le jour en 2028. Au cœur de celui-ci, la réalisation essentielle d’un Mémorial national des femmes en résistance et en déportation.
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