Le drone, nouvelle arme de guerre

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 05 juin 2025

Le général Vincent Breton, directeur du Centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations est revenu sur l’utilisation des drones dans la guerre en Ukraine et sur les enseignements à en tirer pour les armées françaises, lors du point presse du ministère des Armées, le 5 juin 2025.

Le général Vincent Breton, directeur du CICDE, lors du point presse du ministère des Armées © Sch Christian Hamilcaro / Ministère des Armées

La guerre en Ukraine a vu l'apparition, l'expérimentation et le perfectionnement de nombreux systèmes d'armes. Les drones en constituent l'un des les plus visibles. Depuis février 2022, ils jouent un rôle majeur dans les opérations militaires, offensives comme défensives, obligeant l'adversaire à s'adapter et à trouver la parade. Plus de trois ans après le début du conflit, « on constate un niveau jamais vu auparavant et un usage très différent de ce qu'on avait pu voir ailleurs », affirme le général Vincent Breton. Pour le directeur du Centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations (CICDE), « dans cette guerre, on voit évoluer des drones dans les trois milieux de confrontation traditionnelle, à savoir le milieu terrestre, le milieu maritime et surtout le milieu aérien. »

Dans le milieu terrestre, les drones sont roulants et sont surtout utilisés à des fins logistiques pour acheminer du ravitaillement sur la ligne de front mais également pour permettre l'évacuation de blessés. « D'une manière générale, l'usage de ces drones terrestres reste assez limité du fait de leur difficulté à se mouvoir sur des terrains très accidentés sur la ligne de front. Et, surtout, de leur grande vulnérabilité face aux drones aériens, qui représentent une menace omniprésente », précise le général.

Les drones navals sont principalement utilisés par les Ukrainiens avec, par exemple, des drones kamikazes, qui vont aller se faire exploser sur la coque des navires ciblés. Les observateurs indiquent aussi la présence de plus en plus importante de drones équipés de missiles anti-aériens qui ont eu quelques succès aussi ces derniers mois. « L'Ukraine, qui n’a plus du tout de marine militaire puisque tous ces bâtiments de guerre ont été détruits en février 2022, a réussi à chasser la marine militaire russe de toute la partie occidentale de la mer Noire grâce à ses missiles de défense côtière, mais surtout grâce à ses drones navals. La Mer Noire n'est plus un lac russe. La flotte russe y a perdu à peu près une vingtaine de navires et elle a même dû se replier plus à l’est, vers ses ports de Crimée », affirme le directeur du CICDE.

Les drones aériens sont les plus répandus. En Ukraine, il en existe de trois types :

  • les drones MAME et MALE, de moyenne altitude et longue endurance ;
  • les drones OWA (One Way Attack, drones d'attaques à sens unique), avec des munitions préprogrammées ;
  • les mini et micro drones de contact, principalement utilisés sur la ligne de front.

Les premiers volent moins aujourd’hui et sont surtout cantonnés à la surveillance de la Mer Noire. « Les seconds ne sont pas prévus pour revenir. Ce sont des drones longue portée capables de parcourir plusieurs centaines de kilomètres pour aller frapper le dispositif adverse en profondeur. C'est-à-dire, qu’ils vont principalement cibler des infrastructures, des sites militaires, des usines. Ce sont des drones qui s'apparentent à des missiles de croisière low-cost », explique le général Breton. Avant d’aller plus loin : « le plus célèbre est le Shahed, de fabrication iranienne, mais de plus en plus fabriqué en Russie. Ce drone est relativement lent, peu manœuvrant, et donc très vulnérable à la défense antiaérienne. D'ailleurs, 70 à 90 % des Shahed sont neutralisés en vol par les Ukrainiens ». Mais leur efficacité est bien réelle pour une raison : leur nombre. « Ils sont tirés en masse dans des salves dans lesquelles sont noyés des missiles de croisière, plus sophistiqués et très performants. » Pour le général Vincent Breton, « le nombre de Shahed tirés en deux ans a été multiplié par dix. Ils viennent saturer les défenses aériennes ukrainiennes et ainsi faciliter la tâche aux missiles plus performants qui franchissent plus facilement les rideaux défensifs ukrainiens. Donc, le low-cost sature et le high-cost vient exploiter cette saturation ».

Quant aux mini et micro drones, ils réalisent une grande variété de missions : observation et surveillance du champ de bataille notamment. « Ces drones sont omniprésents dans certaines portions de la ligne de front. Il est parfois très difficile, voire impossible de se cacher. Le champ de bataille devient, de fait, presque complètement transparent. » Sans oublier les drones à capacité cinétique, équipés de charges explosives militaires : drones bombardiers et drones FPV (First Person View), qui sont des drones kamikaze, pilotés par des opérateurs équipés de masques de réalité virtuelle. Leur usage est en constante augmentation. Depuis leur apparition il y a deux ans et demi, et aujourd'hui, ils sont à l'origine de près 75 % de l’attrition.

Le général Breton est catégorique : « les Ukrainiens sont à la pointe de l'innovation » dans ce domaine. La preuve : les forces ukrainiennes vont recevoir 4 millions de drones en 2025, soit 10 000 par jour. Un élément important à prendre en compte est le coût de fabrication des mini drones en plus de leur efficacité :  entre 500 et 3 000 euros pièce. « Un rapport efficacité-coût absolument remarquable, surtout quand on les compare au prix des équipements qu'ils sont capables de neutraliser, explique le général, avant de poursuivre : ces drones commencent également à intégrer des briques d'intelligence artificielle, notamment pour leur permettre un guidage automatique sur la phase terminale de l'attaque, c'est-à-dire quand ils vont se rapprocher de leur cible, la partie du vol où ils vont être le plus soumis au brouillage électromagnétique. Il existe maintenant une dynamique autour de l'autonomisation des drones. Nous vivons le prélude à la robotisation à bas coût du champ de bataille ».

Quelles sont les conséquences de cette nouvelle donne pour les armées françaises ? « Nous sommes résolument engagés dans cette dynamique autour des drones, en nous inspirant naturellement de ce qu'on voit en Ukraine. Même si, naturellement, il faut toujours être prudent sur les leçons qu'on tire de cette guerre, parce qu'on ne sera jamais tout à fait dans le même contexte. Mais on voit bien que dans un premier temps, il faut se protéger des drones. Un effort important a commencé il y a plusieurs années déjà en matière de lutte anti-drones. C'est une menace qui devient proliférante et qui est en évolution permanente. » 

En conclusion, le général Vincent Breton explique que les armées françaises doivent utiliser davantage des drones dans le quotidien de leurs opérations. Et de rassurer en précisant qu’un nombre foisonnant de projets dans ce domaine sont déjà en cours.


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