La DEND, vigie technique et stratégique du nucléaire français

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 14 octobre 2025

Fiabilité des systèmes de dissuasion, protection contre les menaces, lutte contre la prolifération : la Direction de l’expertise nucléaire de défense et de la sécurité (DEND) concentre l’expertise qui garantit la sûreté du nucléaire militaire et la sécurité du nucléaire civil. Son nouveau délégué, Étienne Faury, en détaille les missions et les priorités.

Entretien avec le général Faury, Délégué à l’expertise nucléaire de défense et de sécurité (DEND) © MDL Victor François / Ministère des Armées et des Anciens combattants

Pouvez-vous rappeler la mission de la DEND et sa place au sein du ministère des Armées et des Anciens combattants ?

La DEND regroupe environ 130 experts. Nous appartenons à ce que l’on appelle un « corps d’experts » : nous faisons le lien entre les exploitants – industriels et forces armées – et les autorités qui fixent les règles et délivrent les autorisations. Concrètement, nous intervenons dans trois domaines : la sûreté nucléaire, la sécurité nucléaire et la non-prolifération, y compris chimique. 

Nos équipes réalisent des expertises techniques, conduisent des inspections et des contrôles, émettent des avis pour autoriser certaines activités sensibles et participent à des exercices de gestion de crise. Nous travaillons d’abord pour le ministère des Armées, mais aussi en appui du ministère de l’Énergie (sécurité, malveillance, protection des sites et des transports), le comité technique Euratom (non-prolifération nucléaire) et du ministère de l’Industrie (non-prolifération chimique).

Comment définissez-vous ces trois missions ?

La sûreté vise à concevoir et exploiter nos systèmes de manière à éviter tout accident et, s’il survenait, à en limiter les conséquences pour les populations et l’environnement.

La sécurité a pour but d’empêcher un acte de malveillance contre une installation nucléaire.

Enfin, la non-prolifération consiste à éviter qu’une matière ou une technologie puisse être détournée de son usage pacifique pour fabriquer une arme de destruction massive. 

Ces volets sont indissociables : ils garantissent la protection des forces, des citoyens et, plus largement, la crédibilité de la France.

La réforme de 2024 a fait évoluer la gouvernance du nucléaire. Qu’est-ce que cela a changé pour vous ?

Historiquement, la DEND est une entité particulière. Elle existe depuis les années 60 et a été transférée du CEA vers l’IPSN, puis l’IRSN tout en restant sur une parcelle du CEA à Fontenay-aux-Roses. La réforme a décidé de placer les sujets les plus régaliens, sûreté des systèmes de dissuasion et sécurité de l’ensemble des activités nucléaires, sous la responsabilité directe du ministère des Armées. Cela correspond à une logique déjà bien ancrée : la sûreté de défense est historiquement portée par ce ministère. 

Pour autant, nous continuons à travailler avec des experts de l’ASNR et d’autres entités dans des domaines scientifiques pointus comme la neutronique, la thermohydraulique ou la protection de l’environnement. L’objectif est de mobiliser les meilleures compétences souvent uniques, tout en gardant la maîtrise des volets les plus sensibles.

La modernisation des sous-marins et du futur porte-avions à propulsion nucléaire représente un défi majeur. Quel est le rôle de la DEND dans ce domaine ?

La propulsion nucléaire est au cœur de notre expertise. Elle repose sur des chaufferies qui offrent à nos bâtiments compacité, autonomie et discrétion – trois atouts essentiels à leur performance opérationnelle. Nous produisons les analyses et expertises vers l’Autorité de sûreté nucléaire de défense qui décide de la mise en service de ces systèmes. Avec le renouvellement de la flotte de sous-marins et le futur porte-avions, le plan de charge est considérable.

Quel rôle jouez-vous en cas d’incident ou d’accident ?

Lorsqu’une crise survient, qu’elle touche une installation civile ou militaire, un centre de crise est activé. Nous y envoyons immédiatement des experts d’astreinte, disponibles 24h/24. Leur connaissance fine des sites concernés leur permet de contribuer à l’analyse, d’identifier si l’origine est accidentelle ou malveillante et de conseiller la cellule de crise. La priorité est toujours la même : protéger les populations et l’environnement.

La DEND agit aussi à l’international. Comment vos experts contribuent-ils à la non-prolifération ?

Nous participons à certains travaux de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et d’Euratom. Nous sommes le représentant de l’État lors des inspections menées en France, afin d’attester du respect de nos engagements internationaux. D’autre part, nous contribuons aux groupes de travail et ateliers qui élaborent les guides et réglementations techniques en matière de sécurité et de non-prolifération. C’est important pour conserver des normes applicables, adaptées aux évolutions technologiques et aux volumes croissants d’activité. Être exemplaires en France nous permet d’avoir du poids à l’international.

Vous avez pris la tête du DEND le 1er octobre. Quelles sont vos priorités ?

Nous faisons face à un plan de charge ambitieux et à une forte concurrence sur le marché de l’expertise nucléaire. Face à cette bataille des talents, mes priorités sont donc claires : renforcer nos effectifs, attirer et fidéliser des profils rares et hautement qualifiés, et maintenir un haut niveau de compétence pour répondre aux exigences de la modernisation de nos forces et du nucléaire civil. Tout cela en poursuivant notre mission première : garantir la sûreté, la sécurité et la non-prolifération au service de la défense et de la Nation.


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