[Décryptage] L’Arctique, un nouvel enjeu stratégique
L’Arctique est l’un des espaces les plus directement affectés par le changement climatique qui entraîne la fonte de la banquise, la possibilité de nouvelles routes maritimes et l’accès à de nouvelles ressources.
L’Arctique est devenu un nouveau carrefour de rivalités géopolitiques, économiques environnementales et scientifiques et cristallise les ambitions des grandes puissances. Quelle est la place de la France dans cet échiquier ?
Le capitaine de frégate Jérémy Bachelier, expert des questions aéromaritimes à la Direction générale des Relations internationales et de la Stratégie, est l’invité de ce nouvel épisode de « Décryptage ». Il revient sur la position de la France en Arctique et ses enjeux. La publication, cette année, d’une stratégie de défense pour l’Arctique, atteste du renforcement de la présence française dans la région, qui souhaite avant tout préserver la sécurité collective.
L'Arctique est une zone peu peuplée située au nord du cercle polaire.
Cette région longtemps ignorée devient un défi stratégique et économique sous l'effet du réchauffement climatique qui a pour conséquence d'ouvrir de nouvelles voies maritimes et de rendre accessible de nouvelles ressources énergétiques.
L’Arctique cristallise aujourd'hui les ambitions de nombreuses grandes puissances et en particulier évidemment la Russie, la Chine et les États-Unis.
La Russie déploie des capacités militaires, des capacités logistiques, des capacités de surveillance qui sont extrêmement diversifié et nombreuses, modernise ses bases aériennes et navales et déploie la première flotte de bris glace à propulsion nucléaire. La Chine n'est pas à proprement parlé un état arctique puisqu'il n'est pas riverain de l’Arctique mais se considère depuis son livre blanc de 2018 comme un état quasi arctique et déploie des initiatives diplomatiques, scientifiques, économiques extrêmement nombreuses afin d'accentuer sa présence, son influence dans cette région. Les États-Unis sont également de plus en plus investis dans cette région et ont des intérêts stratégiques grandissants dans l'espace arctique comme en témoigne leur présence politico-militaire très importante ces dernières années comme on témoigne aussi leurs ambitions capacitaires dédiées à l'Arctique et comment on témoigne la mise à jour récente en 2024 de leur stratégie de défense en Arctique dans ce contexte d'ambition grandissante de ces grandes puissances, des effets du réchauffement climatique, mais également ces conséquences directes et indirectes qui sont celles de la guerre en Ukraine.
On peut considérer aujourd'hui que le théâtre Arctique est un théâtre de compétition grandissant qui aura des conséquences directes sur la stabilité, la sécurité de l'espace européen.
La France est présente depuis longtemps en Arctique où elle agit sur les fronts diplomatiques, militaires et scientifiques.
Mais pour renforcer sa présence et faire face aux défis actuels, la France a publié une stratégie de défense pour l'Arctique.
Cette feuille de route vise à permettre aux armées françaises d'agir dans et depuis l'Arctique pour contribuer avec ses partenaires à la stabilité régionale.
Pour agir dans cette zone, la France doit se doter des capacités militaires adaptées à cet environnement hostile.
La Marine nationale déploie déjà depuis de nombreuses années des bâtiments qui naviguent en eau froide, qui participent à des opérations de présence, des opérations de souveraineté, des opérations en coopération avec nos partenaires ou avec les États nordiques et donc déjà tout à fait disposés à amplifier ses capacités dans le grand nord à l'avenir.
L'armée de l'Air a déjà développé des certifications grand froid pour ces aéronefs. Les forces terrestres, les chasseurs alpins en particulier ont déjà des capacités éprouvées, ont déjà un savoir-faire qui a été consolidé à travers des exercices multilatéraux réalisés au sein de l'OTAN, il s'agisse de Code Response, de Nordic Response, mais également avec des activités bilatérales extrêmement denses, extrêmement régulières avec les États nordiques et des activités de coopération bilatérale qui sont réalisées euh de concert avec ces pays et ces forces armées.
Pour autant, les capacités nationales sont insuffisantes à ce stade si l'on veut être en mesure de durer et de combattre durablement si c'était nécessaire dans l'article. Pour se faire, il vaut développer durant cette prochaine décennie des capacités en propre qui vont nous permettre tout simplement d'être autonome et de pouvoir durer dans l'espace arctique.
Dans cette région hostile et difficile d'accès, la couverture satellitaire nécessite des moyens spécifiques. La France investit donc dans le spatial Arctique pour réaliser ses opérations de surveillance maritime et garantir la permanence de ces communications. C'est le renforcement de l'ensemble des capacités maritimes aériennes, terrestres et spatiales qui permettra à nos armées d'assurer sa présence dans cette zone de plus en plus stratégique pour la sécurité européenne.
Pour la France, l'Arctique n'est pas une frontière lointaine, mais bien un espace stratégique d'intérêt grandissant où converge des enjeux de liberté d'action, de liberté de navigation pour la France et l'Europe, mais également de sécurité énergétique plus largement et enfin de crédibilité militaire. Ce qui se joue dans le Grand Nord aura des conséquences dans le moyen terme directe sur la stabilité, la sécurité et l'autonomie stratégique de l'Europe.
Arctique : tension sous la banquise
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