Corps expéditionnaire français : Juin et ses hommes à l’assaut de l’Italie

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 17 novembre 2023

Fin novembre 1943, le corps expéditionnaire français (CEF) entamait à Naples ce qui allait devenir la campagne d’Italie. Une aventure difficile, mais couronnée de succès, dans laquelle les hommes commandés par le général Juin ont joué un rôle capital. Récit issu du magazine Esprit défense n° 9.

18 mai 1944 : l’avancée victorieuse des goumiers, en tête du corps expéditionnaire français. © Jacques Belin/Service historique de la défense/Défense

« Messieurs, nous sommes là pour laver la honte de 1940. Alors ne venez pas m’emmerder ni avec vos pertes ni avec vos fatigues. » Lorsqu’il s’adresse à ses hommes, peu avant le départ du corps expéditionnaire français (CEF) pour l’Italie, le général Juin délivre un message sans équivoque. L’échec n’est pas envisageable. Cette consigne en tête, les premiers éléments du CEF débarquent à Naples, le 19 novembre 1943. Ils rejoignent ensuite la ligne de front, située à une centaine de kilomètres plus au nord, afin d’intégrer la 5e armée américaine1 du général Clark.

25 janvier 1944, aux abords du Mont-Cassin. Il est 6 h 30. La 3e division d’infanterie algérienne (3e DIA), commandée par le général de Monsabert, s’élance à l’assaut des positions allemandes. Le 4e régiment de tirailleurs tunisiens (4e RTT) hérite de la tâche la plus ardue. Son objectif : enlever le sommet du Belvédère. Perché 700 mètres plus haut, ce dernier domine une unique voie d’accès que les troupes de l’Axe ont pris soin de fortifier. Les combats sont d’une violence extrême. Faute de munitions en quantité suffisante, certains assauts s’effectuent même à la baïonnette. Malgré d’incessantes contre-offensives allemandes, ces efforts finissent par payer. Mais le manque de renforts oblige le CEF à reculer quelques jours plus tard. « Ce baptême du feu reste un succès tactique, malgré les centaines de morts et le repli final. Les Français font leurs preuves et envoient un signal fort : il faudra compter sur eux pour la suite des opérations », explique Guillaume Denglos, docteur en histoire contemporaine au Service historique de la défense (SHD) et auteur d’une biographie2 sur le maréchal Juin.

La ligne Gustav, dernier rempart

Si le corps expéditionnaire français ne compte « que » 20 000 soldats à ses débuts, en novembre 1943, ses effectifs vont grimper et dépasser les 120 000 hommes au mois de juillet 1944. La grande majorité est issue de l’armée d’Afrique3, à laquelle viendra s’ajouter la 1re division française libre4 (1re DFL), à compter de mars 1944. « Le grand mérite de Juin, c’est d’avoir réussi à faire cohabiter les Français libres avec cette armée d’Afrique », souligne Guillaume Denglos.

Le CEF arrive en Italie à une période charnière. Les Alliés, qui ont débarqué en Sicile en juillet 1943, butent alors sur la ligne Gustav, dernier rempart avant Rome. Ce réseau de fortifications s’étend sur plus de 150 kilomètres, depuis la mer Tyrrhénienne jusqu’à l’Adriatique. Sa pièce maîtresse : le Mont-Cassin, une colline où trône un imposant monastère du VIe siècle. « Pour le maréchal Kesselring, commandant le dispositif allemand, la zone est quasiment infranchissable », rappelle l’historien du SHD. Entre janvier et mai 1944, les Alliés s’y prennent en effet à quatre reprises, sans succès. Jusqu’à ce que le général Juin soumette un plan à l’état-major allié. Son idée : passer à travers les monts Aurunces, à 25 kilomètres au sud-ouest de Cassino, dans un secteur où les Allemands ne s’y attendent pas. Au même moment, les Britanniques, les Canadiens, les Polonais et les Américains attaqueront le dispositif ennemi en différents points.

Percée française

L’offensive est donnée dans la nuit du 11 au 12 mai. « Les premières 24 heures sont très compliquées. Une partie des chars s’embourbe dans les berges détrempées du fleuve Garigliano et les Allemands résistent », raconte Guillaume Denglos. « L’échec n’est pas loin. Mais Juin a le regard avisé. Il sait l’ennemi au bord de la rupture. Le 13 mai, il lance un second assaut dévastateur. » Les événements s’enchaînent alors très vite. Sa ligne enfoncée, Kesselring ordonne à ses troupes d’abandonner le Mont-Cassin le 17 mai, craignant un encerclement. Rome est prise le 4 juin, Sienne (Toscane) le 3 juillet. Le CEF intègre ensuite l’armée B5, commandée par le général de Lattre de Tassigny, en prévision du débarquement en Provence. « Les soldats du corps expéditionnaire français ont ajouté un nouveau chapitre d’épopée à l’histoire de France », confiera plus tard le général Clark.

Par EV1 Antoine de Longevialle.

1 Cette 5e armée appartient au 15e groupe d’armées alliées du général britannique Alexander.

2 Juin : Le maréchal africain, Éditions Belin (2018).

3 L’armée d’Afrique désigne l’ensemble des unités militaires françaises issues des territoires de l’Afrique française du Nord.

4 Une partie des unités de la France libre devient la 1re division française libre en juin 1942.

14 juillet 1944, à Sienne : les généraux Alexander, Clark et Juin (de gauche à droite). © Jacques Belin/Service historique de la défense/Défense

Le saviez-vous ?

Né en 1888 en Algérie, Alphonse Juin sort major de Saint-Cyr, en 1912, dans la promotion du futur général de Gaulle. Cité cinq fois au cours de la Première Guerre mondiale, il perd définitivement l’usage de son bras droit. Promu général de brigade en 1938, Juin est capturé par les Allemands lors de la campagne de France, en 1940. Libéré en 1941 à la demande de Vichy, il est nommé commandant en chef des forces d’Afrique du Nord, puis rallie le général Giraud en novembre 1942. Élevé à la dignité de maréchal de France en juillet 1952, puis élu à l’Académie française en novembre de la même année, il décède en 1967.

Cet article est tiré de la revue du ministère des Armées Esprit défense n° 9.

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